Un montant de 43 millions de francs
Des centaines d’étrangers bénéficient d’une faille du système AVS

Les ressortissants étrangers sans rente AVS ou AI peuvent bénéficier de prestations complémentaires en Suisse, révèle une faille juridique reconnue par le Conseil fédéral. En 2024, 1420 personnes en ont profité, dont 440 issues de l'UE ou l'AELE.
1/5
Des centaines de ressortissants étrangers perçoivent des prestations complémentaires en Suisse sans avoir droit à une rente.
Photo: Marlon Trottmann
RMS_Portrait_AUTOR_817.JPG
Joschka Schaffner

Si des ressortissants de pays de l'Union européenne (UE) ou de l'Association européenne de libre-échange (AELE) perçoivent une aide sociale en Suisse, ils risquent de perdre leur permis de séjour. En principe, la règle est claire. Mais ce que beaucoup ignorent, c'est que les citoyens étrangers qui touchent des prestations complémentaires (PC) de l'Assurance-invalidité (AI) ou de l'Assurance-vieillesse et survivants (AVS) peuvent, eux, rester dans le pays.

Ce que l'on sait encore moins, c'est que certains immigrés perçoivent des prestations complémentaires alors qu'ils n'ont pas droit à une rente. A la suite d'une intervention de l'UDC, Pascal Schmid, conseiller national thurgovien, le Conseil fédéral a dû reconnaître l'existence de cette faille juridique. Des centaines de personnes en profiteraient. En principe, ce sont les cantons qui devraient intervenir.

Un citoyen allemand n'est pas un cas isolé

Les journaux de CH Media décrivent le fonctionnement précis de ce mécanisme à travers le cas d'un ressortissant allemand. Celui-ci vivait initialement en Autriche, avant de travailler à temps partiel pendant un an en Suisse en tant que frontalier. Il s'est ensuite installé en Suisse, où il a exercé une activité professionnelle pendant six mois supplémentaires, avant de s'annoncer auprès de l'Assurance-invalidité.

Après avoir rencontré des difficultés financières, le citoyen allemand a perçu l'aide sociale durant plusieurs mois, puis a finalement bénéficié de prestations complémentaires de l'AI. L'homme souffre depuis son enfance d'un trouble de la personnalité et est considéré comme inapte au travail. Il n'a toutefois pas droit à une rente AI, car il est entré en Suisse avec un problème de santé déjà existant.

Une lacune dont l'origine reste floue

La raison pour laquelle cette situation est possible n'est pas clairement établie. L'Office fédéral des assurances sociales s'est limité à renvoyer aux directives relatives aux bases légales en vigueur. Il apparaît que ce droit trouve son origine dans la dixième révision de l'AVS et de l'AI, entrée en vigueur le 1er janvier 1997, soit avant l'application de l'accord sur la libre circulation des personnes avec l'Union européenne. A l'époque, une durée minimale de cotisation d'un an avait été introduite pour les prestations AVS et AI, durée qui a ensuite été portée à trois ans.

Dans son message accompagnant cette révision, le Conseil fédéral avait souligné que les étrangers pouvaient avoir droit à des prestations complémentaires s'ils percevaient des rentes AVS ou AI. En revanche, il n'était pas précisé explicitement si cela s'appliquait également aux personnes n'ayant pas rempli la durée minimale de cotisation.

Cette situation étonne jusque dans les rangs du Parlement. «Je n'étais pas conscient auparavant, comme peu de gens le sont, qu'une personne sans rente AVS ou AI pouvait bénéficier de prestations complémentaires», a déclaré début décembre le conseiller national Pascal Schmid à CH Media. Il a demandé que les lacunes de la loi soient comblées. Selon le responsable UDC des questions d'asile, les nouveaux traités avec l'Union européenne et la reprise de la directive sur les citoyens de l'Union pourraient «renforcer massivement l'immigration dans l'Etat social».

Le Conseil fédéral se déclare non compétent

Lors de la session d'hiver, Pascal Schmid a interpellé le Conseil fédéral afin de connaître l'ampleur actuelle de cette réglementation. Selon le gouvernement, 1420 ressortissants étrangers percevaient, à la fin de l'année dernière, des prestations complémentaires pour un montant total de 43 millions de francs, sans avoir droit à une rente de base de l'AI ou de l'AVS. Parmi eux, 440 personnes seraient originaires de pays de l'UE ou de l'AELE. «Toutes ces personnes vivent en Suisse, car les prestations complémentaires ne peuvent pas être exportées», précise le Conseil fédéral.

Le gouvernement ne souhaite toutefois pas agir lui-même. Le contrôle de ces versements de prestations complémentaires relève des autorités cantonales de migration et s'effectue au cas par cas.

A titre de comparaison, en décembre 2024, seuls 800 citoyens suisses percevaient des prestations complémentaires sans rente de base. Ainsi, près des deux tiers des cas concerneraient des ressortissants étrangers, souligne Pascal Schmid auprès de CH Media. «Parmi ces personnes, pratiquement toutes devraient quitter la Suisse si elles percevaient l'aide sociale au lieu de prestations complémentaires sans rente.»

Articles les plus lus