Un phénomène absurde
Cette ville suisse manque d'apparts... mais en a trop pour ses riches

La recherche d'un logement devient de plus en plus difficile en Suisse, surtout pour les personnes disposant d'un budget faible à moyen. Mais alors qu'on manque de logements bon marché, de nombreux espaces luxueux demeurent vides. Voici les exemples les plus flagrants.
Publié: 16:29 heures
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Dans ce complexe zurichois, seuls deux appartements sur six ont pu être loués.
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Martin Schmidt

Trouver un logement dans les grandes villes suisses devient de plus en plus difficile, surtout pour les ménages au budget modeste ou moyen. Les appartements bon marché disparaissent pour être remplacés par de nouvelles constructions ou pour faire l'objet de rénovations complètes.

Le phénomène est particulièrement marqué à Zurich: dès qu’un logement abordable est mis en ligne, les demandes affluent au point que certaines régies retirent l’annonce quelques heures seulement après sa publication. Mais alors que de nombreux locataires cherchent désespérément un toit à prix accessible, le marché du neuf affiche, lui, une réalité bien différente, surtout dans le segment haut de gamme.

A Zurich, des centaines d’appartements destinés à une clientèle aisée n'ont toujours pas trouvé preneurs. Dans un complexe résidentiel du célèbre quartier zurichois de Witikon, 34 des 127 logements proposés sont encore vacants. Près de la moitié d'entre eux sont pourtant prêts à être occupés depuis début mai, selon le site du promoteur.

Une question se pose dès lors: la construction immobilière répond-elle vraiment aux besoins? «Si un appartement reste vide sur le marché actuel, c’est que la qualité n’est pas au rendez-vous ou qu’il est simplement trop cher», confirme pour Blick l’expert immobilier Donato Scognamiglio.

Des appartements vacants depuis des mois

Dans le fameux complexe du quartier de Witikon à Zurich, les loyers mensuels des appartements disponibles oscillent entre 3090 et 4090 francs pour un 3,5 pièces, et grimpent même à 4790 francs pour un 5,5 pièces. Sollicitée par Blick, la société propriétaire, Noldin Immobilien, n’a pas souhaité s'exprimer.

Quelques jours plus tard toutefois, les dates de mise à disposition des appartements ont été modifiées sur le site du projet. Au lieu de mai ou août, toutes les annonces affichent désormais une disponibilité à partir du 1er octobre.

A Seefeld, autre quartier de Zurich très prisés, quatre des six appartements neufs mis sur le marché début août attendent toujours de trouver preneur. Un 2 pièces y est proposé à 3550 francs par mois, tandis que de spacieux 3,5 pièces sont à pourvoir pour un loyer allant de 5500 à... 6400 francs par mois. Ici, le propriétaire des logements n’est autre qu’UBS.

Ces derniers exemples ne constituent toutefois qu'une maigre illustration d'un phénomène bien plus large: à Zurich les propositions similaires ne se comptent même plus.

Des candidats de plus en plus exigeants?

A Zurich, ceux qui peuvent payer plus de 3000 francs pour un 2,5 pièces ou plus de 4000 francs pour un 3,5 pièces ont clairement l'embarras du choix. Faut-il en conclure que l’on construit de plus en plus à côté des besoins réels? Interrogées, UBS ainsi que d’autres régies et investisseurs assurent que leurs propositions restent guidées par la demande.

Urs Kälin, propriétaire et directeur de la société Kälin Immobilien, nuance ce tableau. «Il est devenu plus difficile de trouver des locataires pour ce type d’objets», explique-t-il. Les candidats seraient désormais plus exigeants, et l’incertitude économique actuelle les rendrait également plus prudents.

Le jeu de l'offre et de la demande

La demande des entreprises a, elle aussi, diminué. «Il y a moins d’employeurs qui financent et mettent à disposition un logement pour leurs collaborateurs venant de l’étranger», souligne Urs Kälin. Conséquence logique: en Suisse, la pénurie de logements frappe surtout les bas revenus et la classe moyenne.

Certains acteurs du marché poussent les loyers à des niveaux extrêmes. Dès lors qu'une construction est neuve ou qu'elle vient d'être rénovées, les prix sont fixés au niveau maximal estimé pour que les logements trouvent encore preneur. Le constat est on ne peut plus claire: l’intérêt porte davantage sur la construction d’immeubles de luxe que sur la création de logements accessibles au plus grand nombre.

«Mais la propension à payer des locataires a ses limites, et pour les appartements les plus chers, on les atteint petit à petit», observe Donato Scognamiglio. Et lorsque la recherche de locataires patine, il n’est pas simple de baisser les loyers. «Sinon, tous ceux qui ont déjà emménagé réclament eux aussi une réduction», souligne l’expert immobilier. 

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