Les mauvaises nouvelles s'enchaînent presque chaque semaine. Entre une entreprise qui réduit drastiquement ses effectifs et une usine qui doit fermer définitivement, l'ambiance est maussade. Les équipementiers automobiles sont particulièrement touchés par cette crise: SFS ferme son usine de Flawil (SG), entraînant la suppression de 75 emplois. Brusa Hypower AG supprime 55 postes à Buchs et Sennwald, près de Saint-Gall. Mubea, quant à elle, supprime 100 emplois supplémentaires et fermera son usine de tubes d'acier d'Arbon, en Thurgovie, l'année prochaine.
Ce ne sont que quelques exemples parmi d'autres: l'industrie est en crise depuis plus de deux ans. Selon l'Office fédéral de la statistique (OFS), notre industrie a perdu 7600 emplois au troisième trimestre par rapport à 2024. Le chômage augmente dans le secteur de l'horlogerie, la construction de machines ou l'industrie chimique. Les offres d'emploi se font rares. «En conséquence, dans ces secteurs, la recherche d'emploi est naturellement devenue plus difficile», explique Pascal Scheiwiller, CEO d'Alixio Group Suisse, qui comprend aussi le cabinet de reclassement Rundstedt, spécialisé dans l’accompagnement des salariés licenciés dans leur recherche d’emploi.
«La pénurie de main d'œuvre n'existe plus»
En Suisse orientale, sur le Plateau et au Tessin, l'emploi dans l'industrie manufacturière a diminué entre 1,7 et 3,2% en un an. L'association économique faîtière Economiesuisse prévoit un taux de chômage de 2,8% pour l'année en cours. C'est 40% de plus qu'il y a deux ans.
«Le marché du travail est revenu à la normale. Dans ces secteurs et domaines professionnels, la pénurie de main-d'œuvre tant redoutée n'existe plus», explique Pascal Scheiwiller. Mais pour les demandeurs d'emploi, c'est une maigre consolation. Encore pire: le taux de chômage suisse ne révèle qu'une partie de la vérité. En effet, de nombreux demandeurs d'emploi ne sont pas inscrits auprès de l'office de placement, y compris les personnes licenciées.
261'000 chômeurs
Selon la définition de l'Organisation internationale du travail (OIT), le taux de chômage en Suisse est de 5,1%, soit 261'000 personnes. A ce chiffre s'ajoutent encore autant de personnes qui souhaiteraient travailler plus, mais qui ne peuvent pas augmenter leur taux d'activité, comme le montrent les chiffres de l'OFS. «Au total, plus d'un demi-million de personnes sont touchées par la pénurie de main d'œuvre», précise Pascal Scheiwiller.
Seulement voilà: le profil des demandeurs d'emploi ne correspond souvent pas aux profils exigés dans les offres de poste. D'autant plus que les entreprises sont en général beaucoup plus réticentes à embaucher. Cette réticence est aussi dûe aux grandes incertitudes économiques causées par les droits de douane américains et d'autres facteurs de troubles géopolitiques. Cette atmosphère empoisonne notre économie. Par conséquent, de plus en plus d'employeurs veulent réduire leurs effectifs, selon Economiesuisse.
A la recherche du candidat idéal
Les entreprises deviennent aussi plus sélectives en recrutant leurs collaborateurs. «A cause de la pression sur les coûts et en voulant éviter les erreurs de recrutement, les employeurs recherchent souvent un candidat idéal», explique Martin Meyer, expert en marché du travail de l'agence de recrutement Adecco Suisse. Non seulement il y a plus de chômeurs, mais le nombre de postes vacants diminue aussi. En d'autres termes, il y a plus de candidats pour moins d'emplois disponibles. De quoi compliquer encore plus la recherche d'emploi.
L'industrie suisse n'est pas la seule à subir cette crise. De nombreux autres secteurs se sont engagés dans un programme d'économies, notamment l'industrie pharmaceutique. Pfizer doit radicalement réduire ses effectifs en Suisse – de 300 à 70 emplois, selon l'agence de presse Bloomberg. Le géant pharmaceutique Novartis a aussi annoncé la suppression de 550 emplois sur le site de Stein AG.
L'ambiance au bureau devient pesante
Le groupe d'assurance Helvetia Baloise, nouvellement fusionné, veut supprimer entre 1400 et 1800 postes rien qu'en Suisse au cours des trois prochaines années. Avec l'IA, la recherche d'emploi est devenue particulièrement difficile dans l'administration et la gestion. «Ce sont des groupes professionnels particulièrement exposés aux effets de l'IA», explique Martin Meyer. Si un collaborateur quitte l'entreprise, son poste n'est souvent pas repourvu.
Les perspectives pour 2026 sont peu prometteuses: d'après les experts, l'économie suisse ne connaîtra qu'une faible croissance l'année prochaine et le chômage augmentera encore. En conséquence, la hausse d'emploi s'annonce faible.