Les taux d'intérêt nuls resteront probablement encore en place longtemps. Alors que le reste du monde souffre toujours d'une inflation excessive, la Banque nationale suisse (BNS) cherche désespérément une hausse des prix dans le pays. En effet, ce serait la seule façon pour notre banque centrale de retrouver une certaine marge de manœuvre pour ajuster sa politique monétaire.
Les taux d'intérêt négatifs déplaisent, comme l'a toujours signalé le président de la BNS Martin Schlegel, alors même qu'il a envisagé cette possibilité lors du dernier examen de la politique monétaire. «Si nécessaire, nous introduirons des taux d'intérêt négatifs.» De quoi ravir les banques.
En effet, avec un taux directeur nul, les institutions financières risquent d'avoir un problème de communication: comment expliquer à leurs clients – souvent fortunés – qu'ils doivent déjà payer des intérêts négatifs sur une partie de leurs dépôts? «Sur le marché monétaire, les gros montants, par exemple les avoirs en compte des caisses de pension, sont déjà partiellement soumis à des taux d'intérêt négatifs», explique Thomas Rühl, économiste en chef de la Banque cantonale de Schwytz.
Notre capital vieillesse en souffre
Adrian Wenger, expert en prêts hypothécaires chez VZ Vermögenszentrum, est catégorique: «Les taux d'intérêt négatifs sont sexy pour les banques: quiconque leur confie d'importantes sommes d’argent doit en payer le prix.» Bref, plus personne ne pose de questions lorsque le taux directeur est négatif.
Bonne nouvelle pour les petits épargnants: leurs comptes ne sont pas soumis à des taux d’intérêt négatifs, et cette situation devrait durer. «D'après nos prévisions, les petits épargnants continueront d'être épargnés par les taux d'intérêt négatifs à l'avenir», déclare Thomas Rühl.
Mais Adrian Wenger entrevoit un autre problème: «Je m'inquiète pour les assurés des caisses de pension. Si les placements sûrs, comme les obligations de la Confédération, ne rapportent aucun rendement, cet argent leur fera défaut pour leur retraite.»
Ce problème ne vient pas uniquement du fait que les grands investisseurs institutionnels – comme les caisses de pension – paient déjà des intérêts négatifs sur une partie de leur argent à la banque. «Lorsque les taux d'intérêt sont bas, voire négatifs, l'effet des intérêts composés disparaît. Or, c'est crucial pour la croissance des actifs des fonds de pension», explique Adrian Wenger.
La hausse des salaires fait reculer l'inflation
L'inflation n'est pas encore à l'ordre du jour. En effet, elle est censée augmenter légèrement seulement vers la fin de l'année prochaine, une bonne nouvelle pour tous les salariés. La politique monétaire a un effet expansionniste et soutient ainsi l'économie, ce qui devrait entraîner une légère baisse du chômage, nous répond Martin Schlegel. «Les augmentations de salaire ne seront pas nulles l'année prochaine», ajoute le président de la BNS. Concrètement, les salaires devraient augmenter d'un peu plus d'1% en 2026. Certains salariés pourront donc s'en réjouir.
Si les taux d'intérêt négatifs séduisent autant les banques, c'est aussi parce qu'ils leur permettent d'accroître leur marge d'intérêt, soit la différence entre les taux intérêts – souvent négatifs – appliqués aux dépôts et les intérêts qu'elles facturent aux emprunteurs hypothécaires. C'est pourquoi le taux d'intérêt nul explique en partie l'aspect parfois peu avantageux des prêts hypothécaires. A cela s'ajoute un autre facteur: «De nos jours, il y a beaucoup moins de liquidités dans le système qu'à l'époque des taux d'intérêt négatifs. Actuellement, il n'y a pas d'offre excédentaire sur le marché hypothécaire», explique Thomas Rühl.
Etant donné que l'économie mondiale ne se porte pas si mal et que les investisseurs internationaux semblent s'être habitués aux caprices du président américain Donald Trump, le franc suisse n'est pas aussi attractif comme valeur refuge qu'il l'était à l'époque des taux d'intérêt négatifs de 2015 à 2022. En d'autres termes: il manque des fonds pour rendre les prêts hypothécaires encore moins chers.