Qu'ont à envier Bambi, Winnie l'Ourson et Les animaux du bois de Qua'tsous à leurs successeurs modernes, Bluey, Gabby et la Pat'Patrouille? Une dose d'énergie crépitante et des couleurs fluo supplémentaires. Sans oublier les effets spéciaux qui leur attribuent un air presque réel. Et, d'après Instagram, le pouvoir de ruiner la capacité attentionnelle des enfants, avec leur rythme accéléré.
«Avant les années 80, un dessin animé comptait environ 8 secondes par plan, déclare la médecin française Julieta Quesada, alias Docteur Urgences sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, on est souvent autour de 2 secondes… parfois moins d’une. Concrètement, un enfant voit donc 3 à 4 fois plus d’images et de changements visuels qu’il y a quarante ans.»
Voilà le type d'affirmation qu'on peut lire sur Instagram, depuis quelques mois. De nombreux parents, qu'ils soient francophones ou anglophones, décrètent que les productions plus anciennes, comme «Franklin la Tortue», «Bonne Nuit les Petits» ou les classiques de Disney sont beaucoup moins stimulantes pour les enfants, qu'ils laissent plus concentrés et moins excités. Certains proposent même des listes de «vieux» dessins animés, censés préserver le calme dans la maisonnée, notamment durant les Fêtes. On y retrouve, avec un brin de nostalgie, les titres qui ont fait briller nos yeux, il y a seulement quelques décennies.
L'avènement du cerveau «pop-corn»
Est-ce vrai? Les films animés des années 2020 sont-ils en passe de détruire la capacité attentionnelle des plus jeunes? En tout cas, la concentration des enfants semble être en péril, ainsi que le constatent des dizaines de parents sur le forum Reddit. De même, un large sondage britannique réalisé en 2024 décrit une diminution flagrante de l'attention depuis la pandémie. L'American Psychological Association confirme également que, pour les adultes, la capacité attentionnelle ne cesse de se raccourcir, en raison des écrans, qui nous habituent à bondir d'un stimulus à l'autre.
Les parents cherchent donc désespérément à préserver leur famille de ce phénomène. Pour Freda Ménétré, psychologue spécialisée en neuropsychologie, leur inquiétude est fondée, bien qu'on manque d'études scientifiques sur la question: «On observe que certains contenus peuvent être très stimulants pour les jeunes enfants, au point de dépasser leurs capacités d’intégration face aux nombreux changements visuels», explique-t-elle.
On a beau diaboliser les écrans, il devient impossible de les éviter complètement, surtout pour les parents débordés. Or, d'après les psychologues, il convient de minimiser leur exposition avant l'âge de 2 ans:
«Comme la capacité des jeunes enfants à maintenir l’attention est très limitée, il est recommandé d’éviter au maximum les écrans avant deux ans, sauf les appels en visioconférence avec des membres de la famille, explique Freda Ménétré, psychologue spécialisée en neuropsychologie. Entre 2 et 5 ans, il sagit de limiter le visionnage quotidien à 1 heure, en la fractionnant autant que possible en petites sessions de 20 minutes ou moins.»
Limiter l'usage entre 3 et 5 ans
Or, cela ne signifie pas qu'on peut dès lors les laisser regarder des dessins animés toute la journée. En effet, les fonctions exécutives, qui permettent à l’enfant de se concentrer, de s’organiser et d’inhiber les distractions, se développent particulièrement à partir de 3 ou 4 ans et continuent de mûrir jusqu’à l’adolescence. Pour cette raison, la psychologue souligne l'importance de la période allant de 3 à 6 ans: «Les enfants apprennent à filtrer les distractions et à planifier des actions simples, comme préparer leurs affaires de gym pour le lendemain, précise-t-elle. C’est un moment où il est utile de préserver leur attention en proposant des activités interactives, comme la lecture, la pâte à modeler ou encore des jeux qui stimulent la concentration (par exemple des puzzles, des jeux de construction ou de simples jeux de société adaptés à leur âge) en introduisant les écrans de manière ponctuelle.»
La psychologue ne souhaite pas, en revanche, culpabiliser les parents, qui n’ont souvent d’autre choix que de se reposer sur les écrans, de temps en temps, pour faire autre chose: «Il s’agit de les sensibiliser et de les informer, sans diaboliser les écrans, de les encourager à analyser l’impact des dessins animés sur leurs enfants et à trouver d’autres solutions, lorsque c’est possible.»
On a beau diaboliser les écrans, il devient impossible de les éviter complètement, surtout pour les parents débordés. Or, d'après les psychologues, il convient de minimiser leur exposition avant l'âge de 2 ans:
«Comme la capacité des jeunes enfants à maintenir l’attention est très limitée, il est recommandé d’éviter au maximum les écrans avant deux ans, sauf les appels en visioconférence avec des membres de la famille, explique Freda Ménétré, psychologue spécialisée en neuropsychologie. Entre 2 et 5 ans, il sagit de limiter le visionnage quotidien à 1 heure, en la fractionnant autant que possible en petites sessions de 20 minutes ou moins.»
Limiter l'usage entre 3 et 5 ans
Or, cela ne signifie pas qu'on peut dès lors les laisser regarder des dessins animés toute la journée. En effet, les fonctions exécutives, qui permettent à l’enfant de se concentrer, de s’organiser et d’inhiber les distractions, se développent particulièrement à partir de 3 ou 4 ans et continuent de mûrir jusqu’à l’adolescence. Pour cette raison, la psychologue souligne l'importance de la période allant de 3 à 6 ans: «Les enfants apprennent à filtrer les distractions et à planifier des actions simples, comme préparer leurs affaires de gym pour le lendemain, précise-t-elle. C’est un moment où il est utile de préserver leur attention en proposant des activités interactives, comme la lecture, la pâte à modeler ou encore des jeux qui stimulent la concentration (par exemple des puzzles, des jeux de construction ou de simples jeux de société adaptés à leur âge) en introduisant les écrans de manière ponctuelle.»
La psychologue ne souhaite pas, en revanche, culpabiliser les parents, qui n’ont souvent d’autre choix que de se reposer sur les écrans, de temps en temps, pour faire autre chose: «Il s’agit de les sensibiliser et de les informer, sans diaboliser les écrans, de les encourager à analyser l’impact des dessins animés sur leurs enfants et à trouver d’autres solutions, lorsque c’est possible.»
Le nombre de coupes n'est pas si important
Mais le problème réside-t-il vraiment dans la date de production des films animés? Pas seulement: «Le nombre de coupes n’est pas le seul facteur déterminant, poursuit la psychologue. Les interactions entre les plans, le rythme soutenu, le type de narratif (réaliste ou fantastique) et même l’âge de l’enfant jouent aussi un rôle important.»
Stéphanie Cadoret, enseignante en animation à l'école d'art lausannoise Ceruleum, souligne par ailleurs que toutes les productions modernes ne sont pas forcément aussi rapides que l'affirment certains influenceurs, dont Julieta Quesada. Ainsi recommande-t-elle de prendre ce type de publication avec un grain de sel:
«Le post Instagram ci-dessus présente des arguments fallacieux, pour plusieurs raisons, estime l'experte. Il s’agit d’une comparaison entre un extrait de film de cinéma qui n'appartient pas à la catégorie preschool' [ndlr: les dessins animés dédiés aux enfants entre 2 et 5 ans] et un montage qui ne correspond pas au vrai rythme de la série. Je suis allée vérifier le programme ‘Gabby et la Maison Magique’, critiqué dans le post, et j'ai plutôt constaté des plans très longs, dans les 8 à 12 secondes. Mais il faudrait vérifier avec un outil dédié.»
Il existe des règles européennes sur la vitesse
Même si les dessins animés actuels ont tendance à s'avérer plus «intenses» qu'autrefois, il serait faux de croire que le monde de l'animation, grisé par les nouveaux outils à sa disposition, s'est complètement laissé aller, au niveau de la vitesse: «En Europe, les programmes preschool suivent des règles assez strictes que les directrices et directeurs de programme pour enfants sont chargés de faire respecter, rassure Stéphanie Cadoret. Ils veillent par exemple aux valeurs éducatives, au maintien d'une certaine grammaire visuelle, avec une structure très claire, ainsi qu'à la longueur des plans et des dialogues adaptés à chaque tranche d'âge.»
Or, l'enseignante rappelle que ces normes ne sont pas toujours respectées sur YouTube et consorts, puisque ces plateformes ne bénéficient pas d'une instance de curation, contrairement aux chaînes de télé. Il convient donc de bien se renseigner, avant de proposer un programme aux petits enfants.
L'âge de l'enfant est le facteur le plus important
Car le problème, en vérité, ne vient pas uniquement de la vitesse, ni de l'année de réalisation. Pour Stéphanie Cadoret, il est essentiel de s'assurer que les dessins animés soient adaptés à l'âge de l'enfant: «Car le problème serait plutôt de les exposer trop souvent à des programmes audiovisuels inadaptés, sachant que les séries preschool ne sont pas rapides, en général, pointe-t-elle. Ce sont les séries pour les enfants plus grands qui le sont.»
À noter que les plus jeunes sont particulièrement sensibles à ces facteurs: «Plus l’enfant est petit, plus sa fonction attentionnelle est en développement et plus il est vulnérable à ces transitions plus rapides, précise Freda Ménétré. Des rythmes moins effrénés et des coupes moins fréquentes favorisent ainsi une meilleure segmentation: des dessins animés calmes semblent donc plus adaptés aux enfants avant 6 ans.»
Comment savoir si un dessin animé est trop stimulant?
Les parents de très jeunes enfants peuvent donc s'appuyer sur plusieurs critères, hormis la vitesse et le nombre de coupes, pour choisir les dessins animés qu'ils proposent. Pour Freda Ménétré, il s'agit d'observer le nombre de personnages, les changements d'images, la simplicité des décors et le réalisme du scénario: en effet, les univers fantastiques, un rythme trop rapide et une multitude d'éléments visuels simultanés peuvent surstimuler les plus jeunes.
Lorsqu'on pense à un classique comme «Bambi» ou «Pinocchio», le nombre de personnages principaux est effectivement moins important que chez «Gabby et la Maison Magique», avec ses neuf acolytes colorés. À nouveau, ce n'est pas un problème en soi, tant que l'enfant est assez grand pour savoir gérer ce type de contenu.
«Lorsque les segments sont trop fréquents, l’enfant peut capter les stimuli visuels, mais devient moins actif dans la compréhension et la mémorisation, précise la psychologue. Il risque alors d’être perdu, de ne rien comprendre et, au final, d’être concentré sur presque rien, incapable d’interagir avec ce qu’il voit. Quand le dessin animé est plus calme, il peut regarder de manière plus soutenue et traiter plus facilement ce qu’il voit.»
Cela peut-il vraiment détruire l'attention?
On ne connait pas encore précisément les conséquences des dessins animés très stimulants et segments trop rapides. Nos intervenantes déplorent la présence de nombreux biais ou problèmes méthodologiques dans les rares études existantes, rendant l'effet à long terme des contenus très stimulants difficiles à identifier. Un impact immédiat, sur le très court terme, a néanmoins pu être observé:
«Même neuf minutes de visionnage de contenus fantastiques et très rapides peuvent influencer le comportant des enfants jusqu’à plusieurs heures plus tard, analyse Freda Ménétré. On observe que leur capacité attentionnelle est réduite, qu’ils se lassent plus vite de leur environnement, qu’ils changent plus rapidement de jouet et peinent à se focaliser sur des activités calmes ou qui requièrent de la concentration, comme les devoirs ou la lecture. Un temps d’écran trop important peut également les priver de moments de jeu qui entraînent la capacité d’attention soutenue.»
Même les contenus calmes doivent être régulés
Mais cela ne signifie pas qu'un enfant devrait passer des heures devant un écran, même si le programme proposé est calme ou vintage. Freda Ménétré, conseille aux parents de réguler à la fois le type de contenu consommé, la durée et le timing du visionnage, quel que soit l'âge de l'enfant: «Une demi-heure de dessins animés juste avant les devoirs ou au moment d’aller à école risque par exemple de perturber la capacité de concentration des plus jeunes», pointe-t-elle.
Il peut aussi s'avérer très bénéfique d'accompagner activement les enfants dans le visionnage: «La présence corégulatrice d’un adulte, qui regarde avec l’enfant, commente les images et encourage une interaction avec le contenu, peut l’aider à faire sens de ce qu’il voit et soutenir le développement du langage et du raisonnement», encourage la psychologue. Voilà une excellente excuse de regarder «La Reine des Neiges» en famille. C'est un classique, après tout!