Les prisons suisses ne les effraient pas
L'UDC veut durcir les conditions des criminels maghrébins pour les dissuader de récidive

Les jeunes hommes originaires du Maghreb ont très peu de chances d’obtenir l’asile en Suisse et apparaissent plus souvent que la moyenne dans les statistiques de criminalité. Pour les dissuader, l'UDC veut serrer la vis.
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Les jeunes hommes originaires des pays du Maghreb n'ont pratiquement aucune chance d'obtenir l'asile en Suisse.
Photo: GAETAN BALLY
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Daniel Ballmer

Ils dominent le débat sur l'asile en Suisse depuis des années: les jeunes hommes originaires des pays du Maghreb. Leurs chances d'obtenir l'asile sont faibles, plus de 99% des demandes étant refusées. En revanche, ils apparaissent assez fréquemment dans les statistiques criminelles. Selon le psychiatre Frank Urbaniok, les personnes marocaines sont signalées pour des actes de violence graves huit fois plus souvent que les Suisses, tandis que celles originaires de Tunisie neuf fois plus. 

Le ministre en charge de l'asile, Beat Jans, a proposé d'accélérer la procédure d'asile, en la réduisant à 24 heures. Les centres d'asile pourraient ainsi être plus rapidement désengorgés, vidés des personnes qui n'ont pas besoin de protection. Quant à l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR), elle estime que cette procédure accélérée crée une inégalité de traitement, met en danger les droits procéduraux et ne permet pas d'identifier et soutenir les personnes vulnérables. 

Trop protégés en Suisse

L'Union démocratique du centre (UDC) se focalise sur ce sujet depuis longtemps. Cette semaine, la conseillère nationale et juriste Nina Fehr Düsel veut déposer une intervention la plus large possible. Son objectif: sanctionner plus sévèrement les délinquants en série et les multirécidivistes originaires du Maghreb qui n'ont pas de motifs d'asile valables. Elle propose d'accélérer les procédures à 48 heures en cas de vol, de cambriolage et de délits similaires, ou de procéder à des renvois rapides.

Et ce n'est pas tout. Selon elle, les délinquants concernés sont relativement protégés en Suisse, les prisons suisses ne les dissuaderaient pas de commettre des délits. Elle souhaite donc que le Conseil fédéral conclue un accord avec le pays d'origine des délinquants pour qu'ils y purgent leur peine. Elle serait prête à entrer en matière pour une compensation financière de la Confédération aux Etats concernés. «En fin de compte, les deux parties en profiteraient», estime la conseillère nationale zurichoise. 

Objectif: dissuasion

Pour appuyer ses arguments, Nina Fehr Düsel s'appuie sur les propos du médiateur interculturel Abel Tizeroual, lui-même maghrébin. Celui-ci avait récemment exigé dans le «Tages-Anzeiger» que l'Etat agisse beaucoup plus durement contre les jeunes délinquants originaires du Maghreb.

Il affirme que les Marocains installés en Suisse depuis longtemps auraient honte du comportement de leurs compatriotes criminels, et estimeraient que la Suisse est trop indulgente à leur égard. Les jeunes hommes se comporteraient ainsi «parce qu'ils savent qu'il ne leur arrivera pas grand-chose ici et que les prisons sont relativement confortables».

Par ailleurs, des influenceurs sur TikTok ou Instagram leur feraient croire – à tort – qu'ils se feront facilement de l'argent et mèneraient une belle vie. Sauf qu'en arrivant ici, ils se rendent rapidement compte qu'ils n'ont aucune chance d'obtenir l'asile ou un droit de séjour, et n'ont pas le droit de travailler. Une situation qui engendre de la frustration, les poussant à se rebeller.

Selon Abel Tizeroual, il faut que ces personnes sachent «que la Suisse est dure, qu'ils seront rapatriés très rapidement». Raison pour laquelle il se dit favorable à ce qu'ils purgent leur peine dans leur pays d'origine pour des délits commis en Suisse. Les prisons y sont plus dures, et être incarcéré en Suisse pourrait constituer un risque, en augmentant leurs chances de rester en Europe et de disparaître après leur libération. S'ils exécutaient leur peine au Maroc, Abel Tizeroual estime qu'il serait plus probable qu'ils soient découragés d'entreprendre à nouveau le voyage vers l'Europe – un trajet coûteux, risqué et éprouvant.

Les Etats européens cherchent des solutions

De façon générale, l'Europe multiplie les projets d'expulsion rapide des personnes réfugiées. La Première ministre italienne Giorgia Meloni avait fait construire des centres en Albanie, où les réfugiés devaient déposer leur demande et attendre conformément au droit européen. La justice italienne s'est opposée plusieurs fois à ce projet. 

L'ancien gouvernement britannique a également échoué avec son projet de délocaliser les procédures d'asile au Rwanda. La Cour suprême britannique est intervenue: elle a jugé que le Rwanda ne pouvait pas être considéré comme un pays sûr, les demandeurs d'asile risquant de ne pas y être traités de manière équitable.

D'autres pays européens, comme les Pays-Bas ou l'Autriche, continuent d'examiner diverses options. Ils étudient notamment la possibilité de placer dans une sorte de centre intermédiaire les personnes dont la demande d’asile a été rejetée, mais qui ne peuvent pas être renvoyées dans leur pays d’origine en raison des risques qu’elles y encourraient. Dans de tels «centres de transit», les personnes concernées seraient hébergées hors d’Europe jusqu’à ce que la situation dans leur pays d’origine se stabilise. Selon les médias autrichiens, Vienne envisage par exemple d'instaurer une telle solution en Ouganda.

Le conseiller fédéral Beat Jans s'est montré jusqu'à présent sceptique face à de telles approches. Dans certains pays européens, une certaine fébrilité s'est installée, a-t-il déclaré dans le «Tages-Anzeiger»: «On annonce des mesures qui ne servent à rien, et qui ne peuvent en partie pas être mises en œuvre.» Selon lui, des projets comme celui de l’Italie soulèvent par ailleurs des questions juridiques sensibles.

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