La polémique autour du lieu de résidence d’Alice Weidel prend de l’ampleur outre-Rhin. La cheffe du parti d’extrême droite allemand Alternative für Deutschland (AfD) vit avec sa partenaire et leurs deux enfants à Einsiedeln, dans le canton de Schwytz. Officiellement, elle est enregistrée à Überlingen, sur les rives du lac de Constance. Elle passe en outre une bonne partie de son temps à Berlin en tant que députée du Bundestag, le Parlement allemand.
Insuffisant toutefois pour ses adversaires politiques, qui l’interpellent de plus en plus souvent sur son domicile suisse lors des débats parlementaires, comme l’a récemment démontré une analyse de Blick. Dans leurs interventions, plusieurs opposants lui reprochent notamment un lieu de domicile en totale contradiction avec sa rhétorique politique.
Face à ces attaques répétées, l’AfD a décidé de durcir le ton à coups d’attaques personnelles, lesquelles provoqué des ripostes tout aussi virulentes des élus d’autres partis. Pendant longtemps, elle et son parti ont ignoré ces piques. Mais la controverse vient de franchir un nouveau cap: Alice Weidel est maintenant accusée ses impôts en Suisse plutôt qu’en Allemagne. Une nouvelle attaque qui semble sérieusement inquiéter l’AfD.
«Et payer ses impôts en Suisse!»
Une vidéo circule actuellement sur les réseaux. On y voit un cadre du parti d’extrême droite défendre Alice Weidel face aux accusations d’exil fiscal en détaillant des arguments juridiques. L’AfD y fournit, pour la première fois avec beaucoup de précision, une explication sur la situation fiscale de sa cheffe. Cette dernière a même réagi pour la première fois à ces accusations devant ses collègues parlementaires. Faut-il y voir crédibilité fragilisée?
A la mi-octobre, alors qu’elle prononçait un discours dans lequel elle fustigeait l’inaction du gouvernement face à une prétendue «immigration de masse», elle avait été interrompue par le député social-démocrate Dirk Wiese. «Vous payez vous-même vos impôts en Suisse», avait-il asséné. «Vous savez que ce n’est pas vrai», avait rétorqué Alice Weidel, contrainte de se détourner de son texte.
Weidel devient «Schweidel»
Récemment, un discours de Jan Dieren, autre député social-démocrate, a particulièrement échauffé les esprits. Lors d’un discours centré les Allemands fortunés préférant vivre en Suisse, il s’en est directement pris à Alice Weidel: «Un modèle d’optimisation fiscale dont profite aussi votre cheffe de groupe – et sans doute d’autres membres de l’AfD.»
Une remarque qui a fait bondir l’élu de l’AfD Maximilian Kneller, qui a dénoncé des «fake news prétendant que Madame Weidel vivrait en Suisse», avant d’exiger des excuses. «C’est absurde», a-t-il asséné, tout en rappelant qu’Alice Weidel était déclarée et domiciliée en Allemagne.
Jan Dieren a riposté sèchement. Le compte rendu officiel note qu’il a attribué le nom de «Schweidel» à la cheffe de l’AfD, un jeu de mots volontaire mêlant le nom de famille Weidel à «Schweiz» («Suisse» en allemand). Le social-démocrate a également exigé d’Alice Weidel qu’elle fournisse des preuves «qu’elle paie bien ses impôts en Allemagne». La réponse de Maximilian Knelle a été immédiate… et glaciale: «En quoi cela vous concerne-t-il?»
L’explication de la situation fiscale de Weidel
C’est après cette passe d’armes que Maximilian Kneller a décidé de publier la fameuse vidéo sur ses réseaux sociaux. Celle-ci a depuis été largement relayée par les partisans de l’AfD.
Le titre de sa publication est pour le moins direct: «Alice Weidel vit en Suisse? Les fake news du SPD démontées!». Dans cette séquence, le député lit une argumentation juridique censée démontrer qu’Alide Weidel est bien imposable en Allemagne.
Il déclare ainsi qu’Alice Weidel est «pleinement assujettie à l’impôt sur le revenu en Allemagne». La loi prévoit en effet que toute personne ayant un domicile ou une «résidence habituelle» dans le pays est soumise à cette obligation.
Pas de double imposition entre Berne et Berlin
Selon lui, Alide Weidel remplit ces deux conditions: elle dispose d’un appartement à Überlingen, au bord du lac de Constance et séjourne majoritairement en Allemagne dans le cadre de son mandat au Bundestag.
L’existence d'«un second domicile en Suisse» n’y change rien, martèle Maximilian Kneller. En vertu de la convention contre la double imposition entre les deux pays, c’est l’Allemagne qui est considérée comme «Etat de résidence». Ces accords, signés tant par Berne, que par Berlin visent à éviter qu’une personne soit imposée deux fois sur les mêmes revenus.
Comme Alice Weidel exerce son mandat à Berlin, le centre de ses intérêts vitaux se trouve «clairement en Allemagne», conclut Maximilian Kneller. Par conséquent, «il est juridiquement établi qu’elle doit y payer ses impôts». Et l’élu de conclure: «L’accusation selon laquelle elle n’y serait pas imposée est infondée.» Contactés par Blick, plusieurs fiscalistes ont émis un point de vue similaire.
Zero impôt en Suisse, vraiment?
Maximilian Kneller a-t-il rédigé lui-même cette prise de position sur la situation fiscale d’Alice Weidel? S’agit-il désormais de la ligne officielle du parti? Blick n’a obtenu aucune réponse à ce sujet.
Le fait qu’Alice Weidel ne paie absolument aucun impôt en Suisse semble toutefois peu probable. Des recherches de CH Media ont démontré qu’elle et sa partenaire étaient copropriétaires à parts égales de leur logement en Suisse centrale. A ce titre, Alice Weidel devrait logiquement être soumise à l’impôt sur la valeur locative de son bien immobilier.