Alice Weidel vit avec son compagne et ses deux enfants à Einsiedeln, dans le canton de Schwytz. Officiellement, la cheffe du parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) est enregistrée à Überlingen, au bord du lac de Constance, en Allemagne. Députée au Bundestag, elle possède également un appartement à Berlin.
Mais une question reste en suspens depuis des années: où paie-t-elle ses impôts? Et une personne dont la famille vit en Suisse a-t-elle le droit de participer activement à la vie politique en Allemagne?
Juridiquement, la loi est claire: les députés sont autorisés à vivre à l'étranger, la seule condition étant la nationalité allemande. Politiquement, en revanche, la résidence d’Alice Weidel en Suisse reste controversée. Pendant longtemps, ses adversaires se sont abstenus de toute attaque personnelle – les affaires privées sont rarement une arme au Bundestag. Mais depuis que l'AfD a à nouveau durci le ton au sujet de l’immigration, les députés d'autres partis ont en ont profité pour remettre le sujet sur la table.
«Joli discours… pour quelqu’un qui vit en Suisse»
Les procès-verbaux du Bundestag enregistrent non seulement les discours, mais aussi chaque intervention avec précision. Et une analyse de Blick montre qu’Alice Weidel est de plus en plus souvent confrontée à sa résidence de Schwytz lors des débats avec ses collègues.
Cela s’est produit à trois reprises lors d’un récent débat budgétaire. «Nous faisons de la politique pour notre propre peuple, et c’est ce qui nous distingue fondamentalement de vous», a lancé Alice Weidel, en attaquant l’ensemble des autres partis. «Sauf que vous vivez en Suisse», lui a aussitôt rétorqué Britta Hasselmann, cheffe du groupe parlementaire des Verts.
Weidel ne s’est pas laissée démonter, évoquant les « citoyens honnêtes et contribuables de ce pays ». Cette fois, c’est Alexander Hoffmann (CDU) qui a saisi l’occasion: «Joli discours… pour quelqu’un qui vit en Suisse.»
Et quand la coprésidente de l’AfD a exhorté les députés à inscrire leurs enfants dans des écoles allemandes pour «voir ce qui se passe réellement dans ce pays», Mirze Edis du parti Die Linke (La Gauche en français) n’a pas manqué de souligner l’ironie: «C’est plutôt curieux venant de quelqu’un dont les enfants sont scolarisés en Suisse.»
En dehors de ses revendications
Alice Weidel se voit donc de plus en plus confrontée à sa résidence suisse lorsqu’elle évoque la situation en Allemagne. Cet été, la cheffe de file de l’AfD a accusé le gouvernement fédéral de «faire venir allègrement des Afghans par avion». Le député de gauche Luigi Pantisano a vivement répliqué: «C’est inhumain! Elle devrait rester en Suisse, ça ferait une personne de moins à supporter pour l’Allemagne.»
Heidi Reichinnek, cheffe du groupe parlementaire Die Linke, a aussi attaqué Alice Weidel de front. L’accusant de «pure hypocrisie», elle a affirmé que la députée ne se souciait pas du peuple allemand mais uniquement de ses propres intérêts. D’un ton ironique, elle a lancé: «Madame Weidel, la vie est-elle agréable en Suisse avec une double indemnité?» – faisant référence au salaire parlementaire que Weidel continue de percevoir malgré sa résidence hors d’Allemagne.
Lors d'un débat sur les questions politiques homosexuelles en janvier 2025, la députée SPD (Parti social-démocrate d'Allemagne) de l'époque, Anke Hennig, a souligné le fait qu’Alice Weidel était en couple avec une femme. «Quelle chance que Madame Weidel vive en Suisse. Cela la protège de ses propres revendications.»
Lorsqu’on l’interroge sur sa situation de logement pendant les débats, Alice Weidel reste généralement silencieuse. La cheffe de file de l’AfD évite soigneusement le sujet. L’hiver dernier, visiblement agacée par les questions insistantes d’un journaliste à ce propos, elle avait même mis fin brusquement à une interview.