Migros est en pleine restructuration. Celle-ci affecte également les actions hebdomadaires censées attirer les clients dans les magasins. Cette semaine, par exemple, les capsules Delizio et les boissons Schweppes étaient à moitié prix. Mais ce que peu savaient jusqu’à présent, c'est que les actions sont désormais pilotées de manière centralisée, à l’échelle nationale.
Cette pratique constitue une véritable rupture avec le passé. Autrefois, chaque coopérative régionale décidait presque librement des promotions à lancer. A Genève, on trouvait ainsi de l’huile d’olive italienne en action, tandis qu’à Rorschach, à l'autre bout du pays, la pâte à pizza était vendue à moitié prix. Pour la centrale de Zurich, cette diversité créait un flot de promotion d’actions difficilement gérable.
Le géant orange est aujourd'hui catégorique: ce système était inefficace. La raison tient à la structure du groupe, composé de dix coopératives régionales et de la Fédération des coopératives Migros (FCM). Ce modèle offre une grande liberté aux régions en matière d'assortiments et d'achats. Mais il entraîne aussi une fragmentation qui affaiblit la force du groupe, surtout en matière d’actions et de promotions.
Un nombre d'actions divisé par dix
Lors d’un événement interne cette semaine, Migros a expliqué qu’environ 4000 actions par an étaient proposées jusqu’ici en Suisse. Dix coopératives géraient chacune près de 400 opérations, de quoi faire exploser le total. Avec la centralisation, ce volume a été ramené à quelque 400 actions par an.
Pour Migros, une telle centralisation n'est pas dénuée de sens: elle permet d'unifier ses forces et de négocier de meilleurs prix auprès des fournisseurs, plutôt que de laisser chaque coopérative organiser ses propres promotions. Du côté des clients, peu de choses devraient changer: la fréquence des actions restera vraisemblablement la même.
Une mesure inédite... mais inévitable
Interrogée, Migros ne s'étale pas trop. Une porte-parole de la FCM ne précise pas combien d’actions seront menées chaque année, mais laisse entendre que le chiffre pourrait augmenter: «Nous avons non seulement réduit massivement les prix cette année, mais aussi augmenté le volume des promotions. Nos clientes et clients bénéficient aujourd’hui de plus d’actions qu’auparavant.» Selon elle, des processus plus efficaces et des économies continues permettront d’offrir «des offres plus attractives et des produits de qualité à de meilleurs prix».
La centralisation des achats et des promotions constitue l’un des changements les plus marquants imposés par la direction de Migros aux coopératives régionales. Mais le groupe n’a pas d'autres choix s'il entend réduire l’écart avec la concurrence. Coop, son grand rival, a restreint le pouvoir de ses coopératives il y a déjà plusieurs années – et affiche depuis une croissance bien plus rapide que celle Migros.
Une nouvelle filiale au rôle central
Un élément clé de cette nouvelle stratégie est le lancement au mois de janvier 2024 de la filiale Migros Supermarché SA. Cette nouvelle entité doit permettre au géant orange de gagner en efficacité «tout au long de la chaîne de valeur» et d'instaurer «des processus simplifiés, des structures allégées et des rôles clairs». Elle représente une pièce maîtresse du plan du patron Mario Irminger pour remettre Migros sur les rails et réduire l’influence des entités régionales.
La transformation prendra encore plusieurs années. Beaucoup de changements se déroulent en coulisses et restent invisibles pour les clients: l'organisation toujours plus centralisée des achats en est un parfait exemple. D’autres sont plus visibles: Migros a par exemple commencé à réduire son assortiment d’environ 1000 produits. La disparition de certains articles M-Budget des rayons avait notamment suscité de vives réactions.
Le géant orange entend néanmoins poursuivre dans cette direction... tout en restant discret. Le cas des noisette moulues est particulièrement parlant: à l'heure actuelle, le produit est proposé en sachets de 400 g et de 200 g, sous le label M-Budget ou M-Classic, mais à l'avenir, seule le paquet de 200 g restera en rayon toute l’année. Les paquets de 400 g reviendront ponctuellement à l’approche de Noël et de Pâques, périodes où l’on cuisine davantage en Suisse.
Un retard à rattraper
Pour sortir de la crise de croissance, Migros s’est séparée de plusieurs sociétés emblématiques du groupe, dont Hotelplan, Do it + Garden et Melectronics. Pour l'enseigne, il s'agit désormais se recentrer sur son cœur de métier, le commerce de détail, qui s’est affaibli ces dernières années.
La stratégie prévoit aussi d’étendre le réseau de magasins. Fin octobre, Migros a annoncé l’ouverture de 140 nouvelles succursales d’ici à 2030, afin de rattraper Coop, qui a fortement développé ses supermarchés ces dernières années.
Même à Zurich, fief de Migros, Coop a su s’implanter en multipliant les commerces de quartier, tandis que Migros stagnait – une situation étonnante au vu de la forte croissance démographique de l'agglomération zurichoise, qui compte aujourd’hui près de 60'000 habitants de plus qu’il y a vingt ans.