Ils s'appellent Bahigo, Casino World ou Lucky Dreams. Internet regorge de casinos qui attirent les joueurs avec des offres spéciales et des bonus, comme si c'était tous les jours le Black Friday. Pourtant, de tels jeux de hasard sans concession sont interdits par la loi, du moins en principe.
La Commission fédérale des maisons de jeu (CFMJ), compétente en la matière, semble totalement impuissante. Certes, elle bloque régulièrement les offres illégales, mais de nouveaux sites, légèrement modifiés, réapparaissent aussitôt. Pour les personnes dépendantes au jeu, c'est un vrai problème. Même si elles ont été bloquées ou se sont fait bloquer volontairement pour maîtriser leur dépendance, elles peuvent très facilement se rabattre sur des fournisseurs étrangers, sans aucun obstacle technique.
180 millions de francs perdu par année
Selon une étude de la société de conseil anglo-néerlandaise KPMG, les casinos en ligne illégaux détiennent une part de marché d'environ 40% en Suisse. «Les joueurs suisses y perdent environ 180 millions de francs par an», écrit le conseiller national du Centre Gerhard Pfister dans une intervention, où il demande une meilleure lutte contre les casinos en ligne illégaux. Un acte désintéressé? Difficile à croire: Pfister officie en tant que président de la Fédération suisse des casinos.
Mais il y a un hic: actuellement, il n'existe pratiquement aucune possibilité d'agir juridiquement contre ces casinos étranger. C'est ce que montre par exemple le premier jugement rendu en Suisse. Exemple: un joueur a perdu environ 20'000 francs dans un casino en ligne disposant d'une licence sur l'île de Curaçao, dans les Caraïbes. Il a voulu s'y opposer et a demandé le remboursement d'une partie de ses pertes. Selon lui, il n'était pas suffisamment protégé et le casino avait clairement profité de son addiction.
Mais le tribunal cantonal de Bâle-Campagne a vu les choses différemment. Il n'est pas entré en matière sur le recours du joueur. Dans le jugement d'avril 2024, il est écrit qu'il existe toujours un risque de perte. «Cela vaut indépendamment du fait qu'une offre soit légale ou non.» Le tribunal a donc argumenté sur la responsabilité individuelle.
Une petite lueur d'espoir
La Suisse va-t-elle donc devenir un eldorado pour les casinos en ligne illégaux? «Il manque toujours un précédent au niveau du Tribunal fédéral, et à côté de ce jugement peu favorable aux consommateurs, il y a entre-temps des décisions plus porteuses d'espoir», déclare l'avocat Manuel Bader, spécialisé dans les affaires de jeux de hasard.
«Le problème, c’est que la plupart des assurances de protection juridique excluent les jeux de hasard de leur couverture.»
Conséquence: de nombreuses plaintes reposent sur un financement externe des procédures. Ce type de financement, courant à l’étranger, opère souvent dans une zone grise juridique.
Les prestataires qui en font la promotion promettent des «indemnisations immédiates», ce qui signifie en réalité qu’ils rachètent les créances des joueurs dépendants – généralement pour 5 à 15% des pertes – et intentent eux-mêmes les actions en justice.
Pour les joueurs, cela se traduit par une compensation rapide, mais aussi par la perte de leurs droits de recours.
Manuel Bader met donc en garde contre la signature hâtive d'un contrat de financement et la cession de son propre procès. «Je conseille à mes clients d'attendre que le Tribunal fédéral fasse jurisprudence et de ne porter plainte qu'à ce moment-là – si le délai de prescription en cours le permet bien sûr.»