Le drame est survenu au moment où personne ne s’y attendait. Ce n’était encore que le tour de reconnaissance avant la course Moto3 de Sepang, lorsque Noah Dettwiler (20 ans) a été violemment percuté par l’Espagnol Jose Antonio Rueda (19 ans). Le jeune prodige, déjà sacré champion du monde de la catégorie, n’avait pas vu le Suisse qui roulait à faible allure en direction de la grille de départ.
Depuis, Noah Dettwiler se bat pour sa vie dans un hôpital de Kuala Lumpur. Le bilan est terrible: forte perte de sang, plusieurs arrêts cardiaques, poumons et rate touchés, fracture ouverte à la jambe. Un enchaînement d’opérations a suivi, et son état s’est d’abord stabilisé, comme l’a confié son père Andy Dettwiler à Blick. Lui et la mère de Noah, Nicole, ont aussitôt quitté leur domicile de Hofstetten-Flüh (Soleure) pour rejoindre la Malaisie.
À bord du même vol Qatar Airways parti dimanche après-midi de Zurich, via Doha, se trouvait Noëlle, la sœur de Noah. Elle est en couple avec Tom Lüthi, l’ancien champion du monde de moto, aujourd’hui conseiller sportif de son frère. Présent sur le circuit de Sepang dans le cadre de son travail pour une écurie allemande de Moto2, Tom Lüthi a vécu le drame en direct.
Une carrière bâtie à la sueur et à l’exil
Pour poursuivre son rêve de pilote professionnel, Noah Dettwiler avait tout quitté. À 14 ans à peine, il avait émigré en Espagne, le pays où le motocyclisme est roi, afin d’y bénéficier de conditions d’entraînement idéales. Son père l’y avait accompagné à Valence, avant de rentrer en Suisse après la pandémie. Noah, lui, était resté, logé chez un ami mécanicien, avant de s’installer à Barcelone avec sa compagne française, Cannelle Nativi.
Cette immersion a forgé un garçon ouvert, à l’aise en espagnol, mais aussi en anglais, français et italien. En 2024, il est devenu le premier pilote suisse à temps plein en Grand Prix depuis la retraite de Tim Lüthi fin 2021. Mais depuis, la réussite se fait attendre. Entre blessures à répétition et malchance, le Soleurois n’a pas encore pu exprimer tout son potentiel. Le week-end de Sepang en est la tragique illustration: au moment même où des négociations avec une équipe italienne lui rouvraient la porte du Mondial pour 2026, sa carrière a basculé dans le drame.
Un triste parallèle avec Jason Dupasquier
Pour Tom Lüthi, la famille Dettwiler et tout le public suisse de moto, ce nouvel accident réveille un souvenir atroce: celui de Jason Dupasquier, décédé à 19 ans lors du Grand Prix de Mugello en 2021. Noah et Jason étaient proches. Ils couraient ensemble en Red Bull Rookies Cup, partageaient leurs week-ends, leurs espoirs, leurs rêves. Leurs parents, eux aussi, se connaissaient bien. Andy Dettwiler avait même sponsorisé Jason dans sa jeunesse avec son entreprise.
Quatre ans plus tard, la douleur refait surface. Mais cette fois, un espoir demeure: celui que Noah s’en sorte.
Des voix qui s’élèvent dans le paddock
Le paddock de Sepang a été profondément choqué par la scène. Un pilote grièvement blessé, évacué par hélicoptère: l’ambiance s’est glacée. Malgré tout, les courses Moto3, Moto2 et MotoGP se sont déroulées comme prévu, devant 190'000 spectateurs.
Une décision jugée incompréhensible par plusieurs stars du MotoGP. «Ce n’était sûrement pas une bonne idée de relancer la course après avoir vu deux pilotes partir en hélico», a fustigé le double champion du monde Francesco Bagnaia. «Je ne comprendrai jamais ça.» Son compatriote Marco Bezzecchi a, lui, dénoncé le manque total d’informations: «Tout ce qu’on savait, c’est qu’ils étaient conscients. C’était très dur de rouler sans savoir comment ils allaient.»
La colère des pilotes italiens s’explique aussi par l’histoire tragique du circuit de Sepang: c’est ici que Marco Simoncelli avait perdu la vie en 2011.
C’est dans ce même lieu marqué par la fatalité que les parents et la sœur de Noah Dettwiler atterriront lundi, après le plus long voyage de leur vie — celui de l’espoir.