«Fuck, fuck, fuck»
Sept moments marquants des Mondiaux de natation

La Suisse brille, Katie Ledecky frôle l’histoire, une enfant de 12 ans affole les chronos, et Summer McIntosh s’agace malgré l’or. Les Mondiaux de natation à Singapour ont livré leur lot de surprises, de records et de polémiques.
Publié: 17:30 heures
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Patrick Mäder

Les Mondiaux de natation à Singapour ont offert de nombreux chapitres intéressants. Et la première surprise est survenue avant même le coup d’envoi: des bactéries ont cloué au lit la moitié de l’équipe américaine. Ces vilains microbes avaient déjà sévi lors du camp d’entraînement à Phuket, en Thaïlande. Diagnostic: gastro-entérite aiguë. Certains athlètes ont été si affectés qu’ils ont dû reporter leur voyage à Singapour. On peut sans doute attribuer à ces bactéries une part de responsabilité dans les résultats moins éclatants de la sélection américaine, habituellement plus dominante.

Ledecky chasse Phelps

Katie Ledecky, 28 ans, spécialiste du crawl, a résisté à la maladie. La nageuse américaine, déjà neuf fois championne olympique, a remporté à Singapour ses 22e et 23e titres mondiaux en grand bassin. Seul Michael Phelps (USA), 40 ans depuis juin, la devance encore avec ses 26 médailles d’or mondiales. Ledecky, qui entend poursuivre encore plusieurs années, relativise: «Ce n’est pas un objectif pour moi. Michael est le plus grand. Il est la référence absolue dans ce sport. Je prends course après course et je fais de mon mieux. Ce qui doit arriver arrivera».

L'Américaine Katie Ledecky a remporté sa 23e médaille d'or à Singapour.
Photo: keystone-sda.ch

Une jeune fille de 12 ans fait parler d'elle

Mais celle qui a le plus fait parler d’elle est une Chinoise de 12 ans seulement: Yu Zidi. Deux fois quatrième à Singapour, elle a aussi participé au relais 4x200 m en demi-finale. Non alignée en finale, elle a tout de même reçu une médaille de bronze avec l’équipe. Une question brûle toutes les lèvres: comment de telles performances sont-elles possibles à un âge aussi jeune? «Beaucoup, beaucoup de travail», répond-on côté chinois. Et une part de génie, car Yu Zidi serait un enfant prodige.

Yu Zidi, la jeune prodige chinois de 12 ans, a remporté sa première médaille aux championnats du monde à Singapour.
Photo: Getty Images

Les doutes persistent. Le spectre du dopage des enfants en RDA est ancien mais pas oublié. Toutefois, des «enfants prodiges» ont toujours existé dans la natation. Ledecky avait 15 ans lorsqu’elle a remporté l’or olympique, Franziska van Almsick a décroché quatre médailles à 14 ans à Barcelone, et Inge Sørensen a gagné le bronze olympique à 12 ans à Berlin en 1936. Le record de précocité revient toutefois à Alzain Tareq (Bahreïn), qui a disputé les Mondiaux 2015 à 10 ans sur 50 m papillon.

La préparation décontractée de Ponti

Le Suisse Noè Ponti a livré une anecdote depuis les coulisses, là où ni les spectateurs ni les journalistes n’ont accès. Il a décrit l’ambiance dans la chambre d’appel avant la finale du 50 m papillon: «Tout le monde était hyper concentré, replié sur soi», a-t-il confié après la course. «On sentait la nervosité. Seuls Thomas Ceccon et moi discutions tranquillement.» Les deux nageurs, amis proches, passent même leurs vacances ensemble. Cette décontraction mutuelle leur a visiblement réussi puisque Ponti a décroché l’argent et Ceccon le bronze. «Monter sur le podium avec Thomas, c’était une super sensation», a commenté le Tessinois.

Le podium du 50 mètres dauphin: Noè Ponti, Maxime Grousset, Thomas Ceccon (de gauche à droite).
Photo: IMAGO/ABACAPRESS

Une médaille d'or amère

Quand la domination est totale, l’or ne suffit parfois plus. La Canadienne Summer McIntosh s’est imposée sur 200 m papillon avec trois secondes d’avance sur l’Américaine Regan Smith. C’était sa troisième victoire à Singapour. Pourtant, en touchant le mur, elle s’est couverte le visage de ses mains et a juré à voix haute: «Fuck, fuck, fuck».

Summer McIntosh se met les mains sur le visage après sa victoire sur 200 mètres dauphin. La raison? Elle a manqué le record du monde.
Photo: Getty Images

Plus tard, elle a expliqué sa réaction: «Mon objectif était le record du monde. C’est pour ça que je me suis entraînée avec mon coach». Sur le podium, elle retrouvait malgré tout le sourire: «Je suis contente de la médaille d’or et de battre mon record personnel, c’est toujours bien. Mais rater son objectif de peu, ça fait mal. J’ai raté mes derniers mètres». McIntosh visait cinq titres mondiaux. Elle en a remporté «seulement» quatre. Battue sur 800 m par Ledecky et l’Australienne Lani Pallister, elle a quitté le bassin furieuse, sans féliciter ses adversaires.

Le logo des sponsors sur la poitrine

McIntosh ne s’est pas fait remarquer uniquement par ses performances ou ses états d’âme. Sur son maillot, en dessous de la feuille d’érable, figurait le logo de son sponsor personnel — chose rare dans la natation. Peut-être a-t-elle ouvert une brèche. «La carrière de Summer McIntosh décolle vers la stratosphère», a titré le site du groupe Red Bull. Une formule malheureuse, quelques jours seulement après le décès de Felix Baumgartner, l’Autrichien devenu célèbre en 2012 pour son saut depuis la stratosphère, lui aussi sponsorisé par Red Bull.

McIntosh nageait avec le logo de son sponsor sur la poitrine. Une image rare.
Photo: keystone-sda.ch

Le miracle kirghize

Denis Petrashov, 25 ans, est monté sur le podium du 100 m brasse avec la médaille de bronze pour surprendre le monde de la natation. Le nageur kirghize, triple olympien, n’était pas favori. «Je ne suis pas quelqu’un de très émotif, mais là… C’est la première médaille mondiale de l’histoire pour mon pays. Je suis très fier. Je ne m’y attendais pas du tout.» Au Kirghizistan, il n’existe pas une seule piscine de 50 mètres. «Peut-être que cette médaille fera bouger les choses et permettra d’avoir enfin plus de ressources pour la natation.»

«Je ne m'attendais pas à ça», se réjouit Petrashov lors de la remise des prix du 100 mètres brasse.
Photo: AFP

Le fabuleux record du monde

Léon Marchand a une nouvelle fois écrasé la concurrence. Le quadruple champion olympique français a effacé des tablettes le mythique record du monde de Ryan Lochte sur 200 m 4 nages, vieux de 2011, avec un temps inférieur de 1,31 seconde en demi-finale. Un gouffre dans ce sport. Déjà à Paris, Marchand faisait preuve de sérénité, fidèle à sa devise: «Tu as travaillé pour ça, alors déballe ton cadeau». À Singapour, il a ouvert un nouveau paquet.

Léon Marchand a signé un nouveau record du monde sur 200 mètres quatre nages.
Photo: AFP

En finale, Marchand a nagé une seconde plus lentement (1:53,68), mais il s’agit tout de même du deuxième meilleur temps de l’histoire. Il avait déjà battu un record de Lochte fin 2024 sur 200 m 4 nages en petit bassin. Le record avait tenu dix ans.

Marchand n'a que 23 ans, mais il a déjà quatre médailles d'or olympiques et six médailles d'or aux championnats du monde à son palmarès. Il a tout ce qu'il faut pour devenir le plus grand nageur de tous les temps.
Photo: Getty Images

Sur 400 m 4 nages, Marchand a dominé les débats en nageant seul en tête depuis la ligne 1. Il termine cependant à plus de deux secondes de son propre record du monde établi en 2023 à Fukuoka. Un petit rappel que même les «super-nageurs» restent humains.

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