Karl Egloff parle des montagnes à voix basse. Presque avec respect. Et pourtant, une force inébranlable le pousse sans cesse vers le haut, là où l'air se raréfie et où les pensées se clarifient. «Je me décris comme quelqu'un qui est chez lui dehors», dit-il. Quelqu'un qui se sent à l'étroit entre le béton et l'agitation, et qui s'épanouit lorsque la roche, la glace et le silence prennent le dessus. «Pour moi, c'est clairement ma vie.»
Blick rencontre l'alpiniste de l'extrême à la fin d'une année particulièrement marquante en montagne. Karl Egloff a fait parler de lui avec sa tentative avortée de gravir l'Everest sans oxygène supplémentaire. Mais la mort tragique de l'ancienne biathlète Laura Dahlmeier a également profondément bouleversé le monde de la montagne.
Entre rêve d'enfant et boussole intérieure
Chez Karl Egloff, la fascination pour les sommets remonte à l'enfance. Son père l'emmenait très tôt en montagne. Tandis que d'autres enfants collectionnaient des images de footballeurs, des posters de l'Himalaya ornaient sa chambre. Les montagnes sont devenues son refuge, son repère, bien avant qu'il ne saisisse pleinement ce que signifie l'alpinisme. Aujourd'hui encore, cette boussole intérieure le guide vers les limites les plus extrêmes.
Karl Egloff ne souhaite pas commenter le drame de Laura Dahlmeier. Ni jugement, ni analyse à distance. Mais lorsqu'il évoque le risque, la préparation et l'essentiel en montagne, sa vision apparaît clairement. «Il est difficile de savoir ce qui se passe dans la tête des autres», dit-il. Être en forme ne suffit pas. Ce qui compte, ce sont les «heures de vol en montagne», impossibles à brûler. Aujourd'hui, trop de personnes visent trop haut, trop vite, en se fiant à des calculs théoriques. «Tout peut basculer en très peu de temps, et la situation peut devenir terrifiante.»
Karl Egloff sait de quoi il parle. Il raconte cette nuit où, sur un glacier, une crevasse l'a soudainement englouti. Son drone continuait de filmer là-haut, il était seul depuis longtemps, dans l'obscurité, sans gants ni crampons. «Je me suis cogné la tête, le coude, les mains… et soudain, j'étais dedans.» Il a réussi à s'en extraire à la seule force des bras.
Il reste toujours un risque
«Quand je suis sorti de cette crevasse, je me suis dit que j'étais vraiment un idiot. Ça aurait pu très mal finir.» Pour lui, c'était un rappel brutal: même une immense expérience n'offre aucune garantie. En montagne, il subsiste toujours un risque résiduel.
Ces expériences ont façonné son approche. On lui a parfois reproché de partir avec un sac à dos lourd ou d'accepter qu'un partenaire utilise de l'oxygène, même lors de projets de vitesse. Pour lui, c'est simplement de la cohérence. «Il s'agit de ma performance, mais aussi de ma sécurité. Je suis peut-être un peu old school, mais j'ai toujours un plan B, un plan C et un plan D.» Dans son sac: des gants de rechange, des vêtements supplémentaires et du matériel d'auto-sauvetage.
En montagne, Karl Egloff trouve une sérénité que peu d'autres environnements peuvent lui offrir. Assis au camp de base, dans une tente à plus de 7000 mètres, sans autre activité que regarder, penser et respirer, il se sent pleinement à sa place. «En ville, je n'y arrive plus. En montagne, oui.» Cependant, être seul là-haut ne signifie pas liberté absolue, mais aussi vigilance maximale. «Quand tu es seul, tu dois tout calculer: chaque souffle, chaque décision.»
Entre risque, raison et responsabilité
Avant une tentative comme celle de l'Everest, un dialogue intérieur s'installe. L'ambition face à la raison. «Le diable te dit: accélère. Et toi, tu dois lui répondre: je ne t'écoute pas.» Plus jeune, il aurait peut-être continué coûte que coûte. Aujourd'hui, il est plus pragmatique. «À quarante ans, tu sais parfois que ce n'est tout simplement pas le bon jour.» L'abandon de son record sur l'Everest n'a donc pas été un échec à ses yeux, mais un signe de maturité: savoir s'arrêter plutôt que foncer aveuglément.
Malgré sa fascination pour les extrêmes, un repère dépasse tous les sommets: sa famille. «C'est mon pôle Nord.» Sa femme comprend sa passion, mais l'inquiétude accompagne chaque expédition, surtout chez ses enfants. «Mon fils de neuf ans me dit parfois: à l'école, tout le monde dit que c'est trop dangereux.»
La passion avant tout
Karl Egloff ne se considère pas comme un collectionneur de chiffres. Même si les «Seven Summits» sont là. Il lui manque encore trois sommets pour compléter la liste, un objectif qu'il souhaite atteindre en 2026. «J'aimerais encore aller au bout», dit-il calmement. Mais on sent qu'après, quelque chose changera. «Tu as 44 ans, alors fais-le encore une fois», se dit-il. Tout en sachant que cette phase ne durera pas éternellement. Que ce sera sans doute la fin des projets les plus extrêmes.
Les montagnes resteront, mais probablement avec moins de radicalité. «Un jour, ce sera suffisant», dit-il. Il se consacrera alors davantage à sa famille, au quotidien, à un autre rythme de vie. D'ici là, Karl Egloff continue d'avancer. Sa mère lui disait déjà que personne ne pouvait l'arrêter. Ou comme il le formule lui-même: «J'ai peur de vieillir sans avoir fait ce qui me comble vraiment.»