Un pari fou pour la conservation
Hawaï déverse des millions de moustiques par drone dans une opération folle

Depuis quelques mois, Hawaï largue d'étranges cargaisons sur les forêts de l'archipel à l'aide de drones. L'Etat américain tente de réduire la population problématique de moustiques en déversant... d'autres moustiques.
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Depuis le mois de juin, des drones sillonnent les forêts d’Hawaï en larguant des cargaisons insolites.
Photo: Adam Knox/American Bird Conservancy
Léa Perrin
Léa PerrinJournaliste Blick

Depuis le mois de juin, des drones survolent les forêts hawaïennes et y larguent de drôles de cargaison. Chaque semaine, des milliers de capsules biodégradables, contenant chacune 1000 moustiques, sont déversées dans la nature. Le but? Utiliser des moustiques élevés en laboratoire pour lutter contre des espèces de moustiques invasives, responsables de maladies humaines, mais aussi de l'effondrement d'oiseaux endémiques, rapporte CNN mardi 25 novembre.

Hawaï mène cette opération inédite pour tenter de sauver des espèces décimées par le paludisme aviaire. Introduit accidentellement au 19e siècle par des navires baleiniers, le moustique a provoqué des vagues d’extinction chez des oiseaux essentiels à la pollinisation et à la culture locale. Sur plus de 50 espèces de «honeycreepers» autrefois recensées, il n’en reste que 17, presque toutes menacées. L’akikiki a disparu à l’état sauvage en 2023 et il subsisterait moins d’une centaine d’akekeʻe.

Les moustiques montent en montagne

Longtemps, ces oiseaux avaient trouvé refuge en altitude, dans des zones trop froides pour les moustiques. Mais le réchauffement climatique bouleverse cet équilibre: l'insecte gagne désormais les montagnes, provoquant un effondrement rapide des populations aviaires.

Le moustique est également connu pour être un vecteur majeur de maladies humaines telles que la dengue, le zika ou encore le paludisme. Sur l'archipel, la situation demeure toutefois stable: les cas recensés ces dernières années sont importés et aucune transmission locale n’a été observée. La faune est pour l'instant davantage impactée dans la région.

Une première mondiale

Face à cette problématique grandissante, les autorités et ONG tentent une nouvelle approche, tout en évitant les pesticides: la technique IIT (Incompatible Insect Technique). Elle consiste à élever en laboratoire des moustiques mâles porteurs de la bactérie Wolbachia. Lorsqu’ils s’accouplent avec des femelles sauvages, leurs œufs n’éclosent pas, ce qui fait progressivement chuter la population invasive responsable de la propagation de la maladie. 

Depuis 2023, un million de moustiques Wolbachia sont relâchés chaque semaine à Maui et Kauai, d’abord par hélicoptère puis, désormais, par drone – une première mondiale pour la conservation. L’usage des drones rend les déploiements moins coûteux, plus sûrs et moins dépendants de la météo.

Les premiers effets de cette nouvelle stratégie ne seront visibles que dans un an. Les scientifiques espèrent que la baisse des moustiques offrira un sursis aux oiseaux locaux, notamment les honeycreepers, permettant aux populations de se reconstituer, d’être réintroduites depuis les centres d’élevage et, à long terme, de développer une éventuelle résistance naturelle au paludisme aviaire.

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