Coups de canon, garde à cheval et survol d'avions de combat: Donald Trump a offert mardi une spectaculaire réhabilitation au prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, pour sa première visite à Washington depuis l'assassinat en 2018 du journaliste Jamal Khashoggi.
Loin de la froideur de son prédécesseur, Joe Biden, qui voulait traiter le dirigeant saoudien en «paria», le président américain a reçu son invité avec plus d'égards que pour tous les autres chefs d'Etat ou de gouvernement venus le voir à la Maison Blanche depuis son retour au pouvoir. Outre la signature d'un accord-cadre sur le nucléaire civil, le républicain de 79 ans a promis d'accéder à la demande saoudienne d'avions de combat.
«Nous vendrons des F-35» à Ryad, a déclaré lundi Donald Trump, qui espère, en retour, que l'Arabie saoudite rejoindra les accords d'Abraham, son grand projet de normalisation des liens entre les pays arabes et Israël. Selon un haut responsable américain, les deux dirigeants devraient annoncer mardi des investissements saoudiens dans les infrastructures de l'intelligence artificielle aux Etats-Unis et des ventes d'armement.
«Lui faire honneur»
Mohammed ben Salmane («MBS») gouverne de facto le royaume, même si son père, le roi Salmane, reste le souverain en titre. La Maison Blanche lui réserve pourtant un accueil digne d'un chef d'Etat, dîner de gala compris.
C'est «plus qu'une rencontre», a insisté Donald Trump, souhaitant «faire honneur» à cet allié incontournable dans la région. En octobre 2018, les liens bilatéraux étaient en lambeaux après la mort de Jamal Khashoggi. Ce journaliste résidant aux Etats-Unis, critique du pouvoir saoudien après en avoir été proche, avait été assassiné dans le consulat saoudien à Istanbul par des agents venus d'Arabie saoudite. Son corps, démembré, n'a jamais été retrouvé. Mis en cause par les services américains, MBS n'a jamais été visé par les sanctions de Washington. La veuve du journaliste, Hanan Elatr Khashoggi, a jugé la rencontre de mardi «très douloureuse», dans une interview à CNN.
Mais son espoir que les Etats-Unis respectent leurs «valeurs» au moment de développer «les liens économiques» avec Ryad et de lui «vendre des armes» bute sur les puissants intérêts partagés des deux Etat. En mai, MBS avait reçu le chef d'Etat américain avec faste, promettant des investissements de 600 milliards de dollars aux Etats-Unis.
Mais il n'a pas accédé jusqu'ici à la priorité absolue de Donald Trump: que l'Arabie saoudite rejoigne les pays arabes qui ont reconnu Israël pendant son premier mandat. Le président américain répète que le royaume est proche de signer ces accords d'Abraham. Mais la guerre dans la bande de Gaza rend la perspective incertaine.
Garanties de défense
Mohammed ben Salmane vient pour sa part chercher des garanties américaines de défense, encouragé par l'exemple du Qatar : Doha, après avoir subi des frappes israéliennes, a obtenu un engagement américain à le protéger en cas de nouvelle attaque.
Outre les F-35, dont seul Israël dispose au Moyen-Orient, le royaume veut se procurer des puces américaines sophistiquées et dont l'exportation est sévèrement encadrée. Très dépendant du pétrole, il en a besoin pour développer ses projets d'intelligence artificielle dans le cadre d'un ambitieux programme de transformation économique. Pour les avions comme pour les puces, Washington devrait réclamer que la Chine, dont les Saoudiens sont proches, ne mette pas la main sur ces technologies sensibles.
D'autres dossiers diplomatiques sensibles pourraient être abordés, dont l'Iran. L'Arabie saoudite s'emploie à calmer les tensions avec son grand rival, tandis que le président américain a récemment affirmé que Téhéran entendait dialoguer sur une levée des sanctions américaines.
Le prince saoudien a déjà joué un rôle-clé dans la décision de Donald Trump de suspendre les sanctions contre la Syrie, et dans le rapprochement historique avec son nouveau dirigeant, l'ex-jihadiste Ahmad al-Chareh. Comme souvent depuis le début du second mandat Trump, les relations diplomatiques se doublent de contacts familiaux et de liens financiers. Les fils du président et son gendre, Jared Kushner, qui joue un rôle informel de médiation au Moyen-Orient, sont en affaire avec l'Arabie saoudite.