Un demi-million de déplacés
Sept questions sur l'intensification du conflit entre la Thaïlande et le Cambodge

Le conflit à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge s'envenime à nouveau. L'intervention de Trump n'aura pas suffi, d'autres médiateurs doivent désormais intervenir.
Un avion de combat F-16 thaïlandais a détruit un casino cambodgien près de la frontière.
Photo: Screenshot
RMS_Portrait_AUTOR_242.JPG
Guido Felder

Plusieurs morts et un demi-million de déplacés: le conflit à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge a repris de plus belle. En début de semaine, des avions de chasse et des chars thaïlandais ont détruit un casino du côté cambodgien. La situation est également tendue pour les touristes.

En octobre dernier, l'intervention du président américain Donald Trump avait laissé espérer que le conflit puisse être endigué. Il n'en est rien. Le cessez-le-feu a été rompu et la guerre menace désormais de s'intensifier. Comment la situation pourrait-elle évoluer et qui sont les personnes qui doivent maintenant intervenir?

1

Pourquoi le conflit s'envenime-t-il à nouveau?

La situation s'est à nouveau détériorée depuis le 10 novembre dernier, lorsqu'un qu'un soldat thaïlandais a été blessé par une mine terrestre à Huai Tamariya, une zone disputée dans la province de Si Saket. Bangkok accuse le Cambodge d'avoir posé de nouvelles mines après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu en octobre et exige des excuses. Mais le Cambodge nie ces accusations. 

L'armée thaïlandaise affirme également que ses troupes et certaines de ses zones civiles ont été attaquées au moyen de lance-grenades, d'artillerie et de drones.

2

Pourquoi la Thaïlande cible-t-elle spécifiquement les casinos?

D'abord, le secteur du jeu et du tourisme au Cambodge, situé près de la frontière et fréquenté par de nombreux Thaïlandais, est une source importante de revenus. Mais ce n'est pas tout: selon les autorités thaïlandaises, ces établissements servent de centres de commandement secrets et d'entrepôts d'armes à partir desquels des drones peuvent être pilotés et des soldats approvisionnés.

Les Thaïlandais soupçonnent également que des «centres d'escroquerie» y sont installés, servant de point de départ à des fraudes sur Internet dans les domaines de l'investissement, des cryptomonnaies et des rencontres.

3

La guerre va-t-elle s'intensifier?

Pour l'instant, tout semble indiquer une escalade. Le Premier ministre thaïlandais, Anutin Charnvirakul, a déclaré fermer la porte à toutes négociations avec l'ennemi. Il a annoncé qu'il poursuivrait les combats jusqu'à ce que l'armée adverse soit décimée.

Il est possible que les affrontements s'étendent à d'autres sections de la frontière commune entre les deux pays, longue d'environ 817 kilomètres. Des attaques menées par des combattants infiltrés dans le territoire adverse ne sont pas non plus à exclure. Il est cependant peu probable que la guerre s'étende à d'autres pays. Aucune autre nation n'est directement touchée par ce conflit.

4

Quelle est la puissance militaire de ces deux pays?

La Thaïlande bénéficie d'un net avantage grâce à un budget de défense dix fois plus important que celui de son voisin. Elle compte environ 360'000 soldats, 200 avions de chasse américains et suédois, des chars modernes et une bonne logistique. De son côté, le Cambodge dispose seulement de 125'000 soldats, de 40 avions de chasse soviétiques et de vieux chars russes et chinois.

5

Trump va-t-il intervenir?

Trump pense pouvoir mettre fin à la guerre grâce à un simple appel. Suite aux récents bombardements, il a déclaré: «Je suppose que je vais devoir passer un coup de fil.» Plus concrètement, il pourrait également exercer des pressions économiques sur les deux pays, notamment en recourant à son arme favorite: les droits de douane.

Grâce à des pressions économiques et avec l'aide du Premier ministre malaisien, Anwar Ibrahim, Trump avait obtenu en octobre dernier un cessez-le-feu et un accord de paix entre les deux forces adverses. Cet accord, baptisé «Kuala Lumpur Peace Accords», avait été ratifié par les deux pays et prévoyait le retrait des armes lourdes, la libération des prisonniers et la mise en place d'observateurs et de mécanismes de contrôle.

6

Comment mettre fin à la guerre?

Il est nécessaire de trouver un médiateur capable d'exercer des pressions politiques et économiques tout en proposant des incitations et une solution. L'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) pourrait jouer ce rôle, sous l'égide de la Malaisie ou de Singapour par exemple. Une médiation par des puissances extérieures comme les Etats-Unis est également envisageable, mais elle pourrait être perçue comme une ingérence dans les affaires étrangères.

Une commission internationale des frontières est nécessaire pour trouver une solution. Elle pourrait, le cas échéant, redécouper les territoires. Les sites sensibles, tels que les temples et les villages frontaliers, pourraient être placés sous une administration commune, supervisée par la communauté internationale.

7

Comment le conflit est-il né?

En 1907, le Cambodge est sous la tutelle de la France, qui en trace alors les frontières sans tenir compte des populations locales ni des domaines historiques. A la suite de l'indépendance du Cambodge en 1953, ces traités sont contestés, notamment par la Thaïlande. L'un des principaux points de discorde est le temple de Preah Vihear, que la Cour internationale de Justice a attribué au Cambodge en 1962. 

Depuis, des incidents se sont produits à plusieurs reprises. Le conflit armé le plus récent a débuté le 28 mai de cette année après un échange de tirs dans le Triangle d'Émeraude – une zone située entre le Laos, le Cambodge et la Thaïlande, au cours duquel un soldat cambodgien a été tué.


Articles les plus lus