Reportage en Floride
Les théories du complot émergent des décombres laissés par le passage de Milton

17 morts et des dégâts estimés à 100 milliards de dollars: le pire est passé en Floride après la tempête Milton. Mais des théories du complot racistes se répandent déjà. Reportage dans la zone de crise.
Publié: 13.10.2024 à 15:00 heures
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Dernière mise à jour: 15.10.2024 à 15:42 heures
Les dégâts sont estimés à plus de 100 milliards en Floride.
Photo: Samuel Schumacher
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Samuel Schumacher

Trois ans, quatre ouragans, 160'000 dollars perdus pour cette maison détruite – ou plutôt renversée – devant eux: Winnie et Don Michael en ont vu des choses en Floride. «Nous sommes trop vieux pour revivre cela. Nous allons réparer le strict minimum, mettre la maison sur le marché à un prix dérisoire et nous en aller», explique Don Michael. «Je ne laisserai pas mon coeur être brisé une nouvelle fois!»

L'ouragan Milton a également ravagé les maison de Parlm Air Drive à Osprey. Le village, situé au sud de Tampa, était autrefois idyllique. Sa plage paradisiaque attirait les seniors voulant profiter d'une retraite tropicale sans avoir à payer trop d'impôts. Aujourd'hui, des meubles trainent dans les jardins, des toits entiers jonchent le sol et des façades se sont retrouvées de l'autre côté de la route. 

Les secouristes ont déjà commencé à découper les palmiers déracinés et les entassent le long des routes. L'eau est redescendue à son niveau normal. Mais l'effet secondaire le plus dangereux de Milton est encore loin d'être passé.

Les annonces des autorités ont fait effet

En début de semaine, les météorologues avaient mis en garde contre la tempête du siècle. «Vous avez le choix: partez ou mourez ici», ont fait savoir les autorités aux quelque trois millions d'habitants des environs de Tampa. La plus grande évacuation de l'histoire récente de la Floride a porté ses fruits: 17 personnes sont mortes. Un bilan largement inférieur aux scénarios prévus envisageant parfois jusqu'à plusieurs milliers de morts. 

Pendant douze heures, Don et Winnie Michael ont été bloqués dans les embouteillages lors de leur fuite pour échapper à l'immense tempête. «Ce n'est que très haut dans le nord de la Floride que nous avons trouvé un hôtel qui avait encore une chambre de libre pour nous.» Pendant ce temps, Milton balayait leur pays à 150 kilomètres à l'heure.

La Floride était pourtant bien préparée

Trois jours après, des millions de foyers sont toujours privés d'eau et d'électricité. Les feux de signalisation aux carrefours routiers ne fonctionnent pas. Les panneaux lumineux, les enseignes des chaînes de fast-food et les indicateurs routiers sont disséminés dans le paysage. Partout, des grues et des excavateurs sont à l'œuvre, coordonnés par l'agence américaine de gestion des catastrophes (FEMA).

Les sauveteurs évacuent des personnes par bateau
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Après l'ouragan Milton:Les sauveteurs évacuent des personnes par bateau

La Floride était bien préparée à la catastrophe. Notamment parce qu'elle a beaucoup investi après le passage de l'ouragan Ian il y a deux ans: des lignes à haute tension ont été enfouies dans le sol, de nouvelles digues ont été construites, les lampadaires ont été renforcés avec du béton.

Des théories du complot submergent la Floride

Alors que les mesures de reconstruction avancent, les conséquences du passage de l'ouragan Milton ne sont pas que matérielles. Plusieurs campagnes de désinformations déferlent dangereusement sur la Floride et le pays tout entier. 

La complotiste républicaine Marjorie Taylor Greene et ses cercles d'extrême droite sont formels: la tempête n'est pas un phénomène naturel, mais un monstre créé artificiellement par les démocrates. Le but: faire fuir les républicains vivant le long des côtes pour ramener l'Etat dans le camp démocrate en vue des présidentielles. Le candidat à la présidence Donald Trump a repris cette idée confuse et l'a diffusée lors de ses meetings. 

Et une deuxième théorie complotiste fait son chemin. «Les secouristes soutiennent les migrants sans passeport plutôt que de nous aider, nous les Américains», raconte Ryan Bressler par-dessus la clôture de son jardin. Ce jeune père de famille se tient devant sa maison barricadée de planches de bois à Vamo, au sud de Tampa. Son chien Peanut aboie sur le journaliste. Ryan Bressler essuie la sueur de son front, l'air est très humide et le jardin est encombré de branches cassées.

L'histoire de l'aide aux sinistrés et des migrants persiste sur les réseaux sociaux. La FEMA a réagi en créant son propre site Internet. Sur sa page «Hurricane Rumor Response», elle dresse la liste de toutes les rumeurs et explique ce qu'elles ont de faux.

Ryan Bressler se contente de hausser les épaules. Il n'a pas encore contacté l'aide en cas de catastrophe. D'abord mettre la main à la pâte. Et ensuite? «Partir n'est pas une option. Tant que nous avons un endroit sûr où nous pouvons nous réfugier avec les enfants lors du prochain ouragan, nous restons, explique Ryan Bressler. Quand il n'y a pas d'orage, c'est le paradis ici.»

Trump et Harris absents, Ron DeSantis en tire profit

Kamala Harris et Donald Trump, qui vivent sur la côte opposée de la Floride, ne sont pas encore venus ici. Les dégâts causés par Milton offriraient pourtant un décor idéal pour se présenter comme des sauveurs face à l'adversité. Mais les deux candidats à la présidence préfèrent faire le tour des Swing States plutôt que d'aller voir les dégâts, estimés à environ 100 milliards de dollars, dans l'Etat du Sud caniculaire.

Seul l'un d'entre eux sait tirer habilement parti de l'ouragan Milton sur le plan politique: le gouverneur de Floride Ron DeSantis, qui s'est présenté cette année aux élections primaires républicaines et qui est pressenti comme un candidat important pour la course à la présidence de 2028.

Il a fait suspendre sans hésiter tous les péages autoroutiers habituels en Floride. «Gratuit», peut-on lire partout sur les panneaux lumineux le long des autoroutes: «Sur ordre du gouverneur!»

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