Un nouveau champ de bataille
Pour contrer l'OTAN, Poutine transforme Kola en base stratégique nucléaire

De nouveaux bunkers, des navires et des missiles ultra-rapides: la Russie se doterait d'armes nucléaires sur la péninsule de Kola. Voici ce que Poutine a l'intention de faire et à quel point l'option nucléaire entre dans sa stratégie.
Publié: 28.10.2025 à 11:19 heures
Partager
Écouter
Les Russes s'entraînent de manière particulièrement intensive sur la péninsule de Kola.
Photo: imago images/SNA
RMS_Portrait_AUTOR_242.JPG
Guido Felder

Alors que Vladimir Poutine poursuit sa guerre contre l'Ukraine, il ouvre désormais au nord un nouveau front menaçant contre l'Occident. Le ministre norvégien de la Défense, Tore Sandvik, affirme dans une interview que les Russes préparent leurs armes nucléaires pour lancer leur guerre contre l'OTAN.

Comment les Russes se positionnent au nord

Selon le ministre Tore Sandvik, les Russes procèdent actuellement à des essais militaires, avec des missiles hypersoniques pouvant atteindre huit fois la vitesse du son, des torpilles à propulsion nucléaire et des ogives nucléaires. Les Russes ont également ajouté à leur arsenal le missile de croisière à capacité nucléaire Burewestnik, qui peut parcourir jusqu'à 25'000 kilomètres grâce à sa propulsion nucléaire.

Les Russes auraient aussi lancé une nouvelle frégate et un sous-marin polyvalent au cours des deux dernières années. Ils auraient aussi construit de nouveaux bunkers pour les missiles nucléaires. La flotte du nord est restée intacte et s'est développée malgré la guerre en Ukraine.

Le ministre norvégien a déclaré au «Telegraph» que la Russie avait renforcé sa présence militaire, notamment à Kola, près de la Finlande et de la Norvège. La péninsule abrite l'un des plus grands arsenaux d'ogives nucléaires au monde; elle est d'ailleurs la base d'au moins 16 sous-marins à propulsion nucléaire.

Pourquoi Poutine s'arme-t-il au nord?

Kola se situe près de l'Arctique et, étant située à la frontière de la Norvège et la Finlande, elle est aussi limitrophe de l'OTAN. La péninsule revêt donc une importance stratégique, car la fonte des glaces dans l'Arctique libère de nouvelles routes maritimes.

La Russie veut s'assurer des nouvelles routes, surtout avec l'objectif de bloquer l'accès des pays de l'OTAN en cas de crise. Aussi, des grandes richesses minières telles que le pétrole, le gaz et d'autres minerais sont enfouis sous la carapace de glace. 

Qui vise Poutine?

«Les armes nucléaires ne sont pas seulement dirigées vers la Norvège, mais aussi vers la Grande-Bretagne et, par-delà le pôle, vers le Canada et les Etats-Unis», déclare Tore Sandvik. Ce qui compte par-dessus tout pour les Russes, ce sont les sous-marins qui peuvent tirer des ogives nucléaires depuis n'importe où dans le monde.

Toutefois, la Russie ne devrait pas commencer une guerre contre l'OTAN par le biais d'armes nucléaires. La stratégie serait plutôt de lancer des interventions limitées, par exemple en Scandinavie. L'île arctique de Svalbard, qui appartient à la Norvège mais compte une grande population russe, serait probablement en ligne de mire.

L'utilisation des armes nucléaires facilitées

Le Kremlin a adapté sa politique nucléaire en 2024, en abaissant le seuil d'utilisation des armes nucléaires. Auparavant, l'utilisation d'armes nucléaires était plus restrictive: elles étaient autorisées uniquement si l'existence de l'Etat était directement menacée. Désormais, le Kremlin a le droit d'utiliser des armes nucléaires en réponse à des attaques conventionnelles, si celles-ci représentent une «menace critique pour sa souveraineté».

Un réarmement qui montre que le Kremlin envisage sérieusement l'option nucléaire. Mais il a surtout un objectif, comme l'explique à Blick Christoph Heusgen, co-président du Symposium de Saint-Gall et ex-chef de la Conférence de Munich sur la sécurité: «Avec sa stratégie, Poutine fait toujours un peu la même chose: déstabiliser, intimider, semer la discorde.»

Comment l'OTAN réagirait-elle?

En cas d'attaque nucléaire par la Russie, l'OTAN envisage différents scénarios, qui dépendent de l'ampleur de l'attaque:

  • L'OTAN pourrait lancer une riposte conventionnelle et asymétrique. L'organisation pourrait par exemple couler la flotte russe de la mer Noire.

  • Une autre possibilité serait une réponse nucléaire limitée, avec des armes tactiques sur le champ de bataille.

  • Dans un cas extrême, l'OTAN pourrait lancer une attaque nucléaire stratégique sur une installation ou même une ville éloignée.

Selon Christoph Heusgen, il n'y a qu'une manière d'empêcher Poutine de lancer une attaque nucléaire: «La seule stratégie efficace est celle qui a fait ses preuves durant la Guerre froide: ne pas se laisser intimider et maintenir la dissuasion nucléaire de manière crédible.» En raison des incertitudes du côté des Etats-Unis, l'expert conseille aux Européens de renforcer leur défense, en répondant à l'offre franco-britannique qui propose d'européaniser les armes nucléaires. 

Partager
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la
Articles les plus lus
    Articles les plus lus