Une défaite géopolitique, illustrée par une image: pour des experts américains, la présence de Xi Jinping à la grande parade militaire du 9 mai à Moscou démontre combien la stratégie de Donald Trump vis-à-vis de la Chine et de la Russie est en train d’échouer.
Plus grave pour les Etats-Unis qui engagent en Suisse, ce week-end, leurs premières négociations commerciales avec Pékin: l’alliance sino-russe s’est encore renforcée ces dernières semaines. La commémoration par la Russie de la «grande guerre patriotique» et de la reddition nazie confirme donc la victorieuse stratégie orientale du Kremlin.
Se préparer à la guerre
La preuve de cette affirmation se trouve par exemple du côté de l’Atlantic Council, l’un des think tanks américains les plus influents de Washington. «Les Etats-Unis ont désespérément besoin de se préparer à une longue guerre dans la région indo-pacifique. Il existe un fossé inquiétant entre la capacité industrielle américaine et les besoins de production pour soutenir et gagner une guerre avec la Chine» alertait encore, voici quelques jours, cet observatoire très suivi des questions internationales.
Le 9 mai à Moscou a-t-il renforcé cette impression? «Poutine et Xi ont clairement montré aux Etats-Unis qu’ils renforcent leurs liens», juge le «New York Times».
Le quotidien new-yorkais est connu pour son opposition à l’administration Trump. Ses analyses sont toutefois très suivies au Département d’Etat. Or après les images de Xi Jinping souriant aux côtés de Vladimir Poutine, scrutant les bataillons de l’armée russe qui assiègent l’Ukraine depuis son assaut du 24 février 2022, la conclusion est rude: «Poutine et Xi sont tous deux aux prises avec l’imprévisibilité du président Trump – le président russe dans les pourparlers sur l’Ukraine, et le dirigeant chinois dans une guerre commerciale meurtrière.
Chacun s’emploie à présenter son pays comme une puissance mondiale alternative cherchant à instaurer ce qu’ils appellent un monde plus égalitaire et multipolaire face à l’hégémonie des Etats-Unis», poursuit le «New York Times».
Talon d’Achille de Washington
Le talon d’Achille de Washington est en fait l’arme fatale sur laquelle mise Donald Trump: le commerce. Pour le président américain, qui a poussé l’escalade des tarifs douaniers jusqu’à menacer de taxer les produits importés chinois à hauteur de 150% (avant de se rétracter et d’exonérer des secteurs comme les sous-traitants automobiles), la Chine va plier.
Réponse négative pour l’analyste Eric Levitz, du site Vox. «Pékin ne ressent pas le besoin de s’asseoir à la table des négociations écrit-il, même si des discussions vont bien avoir lieu en Suisse ce dimanche en présence du secrétaire au Trésor américain Scott Bessent.
Les dirigeants chinois pensent que Trump ne mettra pas ses menaces à exécution. Ils ne sont pas séduits par ses offres d’allégement partiel des droits de douane, mais sont plutôt favorables à une pause totale des droits de douane, comme condition à l’ouverture de négociations sur les différends commerciaux entre les deux pays».
Attendre, pour mieux contourner Trump
En clair: Xi Jinping veut d’abord faire plier les Etats-Unis. Or cette tactique du calendrier, qui consiste à miser sur le temps long, est aussi celle de Vladimir Poutine. Le président russe est, sur le papier, un homme que Donald Trump peut séduire s’il sacrifie l’Ukraine et ses alliés européens. Sauf que Poutine est dans la main de Xi Jinping, et que «la coalition des pays européens volontaires» va se réunir ce samedi 10 mai à Kiev. Ce qui est une réponse claire au défilé militaire du 9 mai à Moscou.
Trump, la communication avant tout
«La réalité est que Poutine et son équipe tentent de trouver le meilleur moyen d’exploiter les nombreuses opportunités qui se sont ouvertes depuis que Trump est arrivé à la Maison Blanche», analysait récemment le Christian Science Monitor.
Parade militaire à Moscou le 9 mai, contre rien ou presque pour les Etats-Unis et leurs alliés européens qui ont renoncé à commémorer ensemble leur victoire commune? C’est le sentiment de nombreux analystes américains pour qui la décision de Donald Trump de rebaptiser unilatéralement le 8 mai «Jour de la Victoire pour la Seconde Guerre mondiale» confirme cette opération de communication.
«En ce jour, nous célébrons la puissance, la force et le pouvoir inégalés des forces armées américaines et nous nous engageons à protéger notre droit sacré à la liberté contre toutes les menaces, qu’elles soient étrangères ou nationales», assène le communiqué de la Maison Blanche. Alors que dans les faits, de l’Ukraine à l’Asie-Pacifique, la Russie comme la Chine gagnent du terrain.