Trois ans après le début de la guerre en Ukraine, René Fasel sort du silence. Dans un long entretien accordé au quotidien fribourgeois «La Liberté», l’ex-patron de la Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF) affirme «tenir sa ligne» malgré les critiques. Et quelle ligne: naturalisé russe, collaborateur de la KHL, associé commercial d’un oligarque proche du Kremlin… René Fasel ne fait pas dans la demi-mesure.
René Fasel confirme avoir obtenu la citoyenneté russe avant l’invasion de l’Ukraine, à la suite d'une procédure accélérée, validée par la Douma. Une exception «faite du moment que la Russie y trouve un intérêt», reconnaît-il dans les colonnes de «La Liberté». «Jamais je ne rendrai mon passeport russe. Je l’ai demandé et je l’ai reçu, voilà tout», lance-t-il.
«Je me sens comme Russe»
L’ancien dentiste fribourgeois, qui fut aussi joueur de Gottéron, dit assumer pleinement son attachement à la culture russe: «Je ne serai jamais vraiment Russe, mais je me sens comme tel. Je suis tombé amoureux de leur hockey il y a bien longtemps. Je ne renierai jamais ma passion.»
Installé une partie de l’année à Moscou, l'ancien homme fort du hockey mondial préside un groupe d’experts pour l’arbitrage de la KHL, le championnat russe. Il affirme ne pas y avoir de rôle décisionnel, mais se montre très impliqué dans la modernisation des règles et des processus. Il continue à vanter l’attractivité de la ligue, malgré l’exode de nombreux joueurs scandinaves et nord-américains après l’offensive russe en Ukraine.
Isolé, mais inflexible
Depuis son engagement à l’Est, René Fasel a perdu ses invitations au championnat du monde, ses relations dans le hockey occidental et une partie de son crédit en Suisse. Il affirme avoir été trainé dans la boue depuis le début du conflit en Ukraine. «Je suis devenu persona non grata, constate-t-il. Le monde politique a menacé de priver de subventions quiconque jouait contre la Russie.»
Une situation pénible qu'il prend avec philosophie. «Je ressens de la tristesse, mais pas de frustration. Le matin, quand je me regarde dans la glace, je peux me dire que je tiens ma ligne.» Une ligne qu’il définit ainsi: «J’aime le hockey russe, de même que la culture de ce pays, et je veux aider à son développement. Il n’est pas question de politique.»
L’ombre de Poutine...
René Fasel ne cache pas sa proximité avec le président russe, Vladirmir Poutine, qu’il connaît depuis 1999. «On a joué au hockey ensemble et beaucoup rigolé», confie-t-il. Mais il évite soigneusement toute condamnation: «Ce n’est pas à moi de juger la guerre.» Et à ceux qui l’accusent d’être l’«ami des dictateurs», il rétorque: «Et qui sont les dictateurs? (…) Allez d’abord en Russie, regardez comme le peuple vit, et ensuite vous pourrez dire s’il s’agit d’une dictature ou non.»
... et de Timtchenko
En janvier 2022, juste avant l’offensive russe, René Fasel est devenu actionnaire majoritaire d’Alma Holding, une entreprise de pommes basée à Krasnodar. L’actionnaire minoritaire ? Gennady Timtchenko, oligarque sous sanctions internationales. Toujours dans les colonnes de «La Liberté», il balaie: «C’est une affaire privée, je ne souhaite pas entrer dans les détails.»
Honoré par Fribourg Gottéron début 2022 René, Fasel a bien failli voir sa plaque retirée du Hall of Fame du club. Mais le conseil d’administration a choisi de maintenir cette reconnaissance. «Je suis content que le club ait fait cette distinction entre mon œuvre et mes engagements actuels», déclare l’intéressé. «Mon cœur bat pour Gottéron.»