Opération «Toile d'araignée»
Comment les services secrets ukrainiens réécrivent les règles de la guerre

L’opération «Toile d’araignée» a marqué les esprits: jusqu’à 40 bombardiers nucléaires russes ont été touchés lors d’une attaque de drones ukrainienne. Certains ont été totalement détruits. Blick analyse son impact sur l'avenir du conflit.
Publié: 04.06.2025 à 06:08 heures
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Dernière mise à jour: 04.06.2025 à 06:32 heures
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Volodymyr Zelensky s'entretenant avec le chef des services secrets, Vassyl Maliouk. (Image d'archive)
Photo: IMAGO/Anadolu Agency
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Daniel Jung

Après des mois de préparation, les Ukrainiens sont parvenus mardi à attaquer le pont de Crimée à l'aide d'explosifs. Pendant plus de 18 mois, l'Ukraine a fait entrer clandestinement des centaines de drones au plus profond de la Russie.

Ils ont été cachés dans des boîtes et chargés sur des camions civils. Les volets de ces boîtes ont été télécommandés depuis l'Ukraine. Ils se sont ouverts dimanche et les drones ont décollé. Les cibles sur les aérodromes militaires russes ont été soigneusement choisies par les services secrets ukrainiens. Aucune victime civile n'a été déplorée lors de l'opération.

Selon les informations ukrainiennes, plus de 40 avions ont été endommagés ou détruits lors de l'attaque, bien que ce chiffre ne soit pas confirmé. Dans tous les cas, il s'agit d'actions spectaculaires et d'un sérieux revers pour Moscou. Et cette attaque devrait révolutionner la conduite de la guerre dans le monde entier.

Une patiente planification secrète

L'opération «Toile d'araignée» a été préparée pendant plus de 18 mois dans le plus grand secret, sous la direction du chef des services secrets Vassyl Maliouk. Le choix précis des cibles – des bombardiers stratégiques comme le Tu-95MS, le Tu-22M3 – et l'utilisation innovante de drones témoignent d'une grande finesse des services secrets.

L'attaque à l'explosif sur le pont de Crimée mardi dernier montre également une nouvelle fois l'importance des services secrets ukrainiens SBU. Cette nouvelle opération a aussi nécessité plusieurs mois de planification. Le premier explosif a été déclenché à 4h44 du matin sur le pont qui relie la péninsule annexée à la Russie. Selon les services secrets, plus de 1000 kilos de TNT ont été utilisés. «Dans les faits, le pont risque de s'effondrer», ont indiqué les services secrets. Aucun civil n'a été blessé.

Avec ces deux opérations des services secrets en peu de temps, l'Ukraine montre qu'elle a encore des cartes solides en main dans la guerre, contrairement à la déclaration de Donald Trump en février lors du clash avec Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche. En attaquant les aérodromes militaires russes, l'Ukraine montre jusqu'où elle peut pénétrer en territoire russe en se camouflant, soit plusieurs milliers de kilomètres jusqu'à la base de Belaya en Sibérie.

Un rapport coût-efficacité brutal

L'utilisation de drones, qui ne coûtent que quelques centaines de dollars, a entraîné des milliards de dollars de dommages (entre 2 et 7 milliards de dollars selon les premières estimations). Cette action symbolise donc un glissement vers une guerre à la fois rentable et très efficace, qui remet en question de nombreux systèmes d'armes coûteux.

L'opération montre que les drones peuvent être utilisés non seulement pour des missions mineures, mais aussi pour des attaques stratégiques sur des cibles importantes. A ce sujet, l'historien américain Max Boot écrit: «Si les Ukrainiens ont pu amener des drones aussi près de grandes bases aériennes dans un Etat policier comme la Russie, qu'est-ce qui empêcherait les Chinois de faire de même avec des bases aériennes américaines?» Selon lui, cette action va déclencher des investissements massifs dans le monde entier pour la défense contre les drones.

Mais ce coup de force militaire n'inversera sans doute pas le rapport de force entre l'Ukraine et la Russie. Moscou dispose toujours de ressources militaires considérables et durant ces dernières semaines, elle a mené en Ukraine un nombre d'attaques de drones sans précédent. En réaction à la «Toile d'araignée», la Russie devrait encore intensifier ses attaques.

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