«Simulacre de négociations» à Istanbul
Voici pourquoi Poutine fera tout pour empêcher un cessez-le-feu

Lundi, Russes et Ukrainiens se sont rencontrés à Istanbul une deuxième fois pour des pourparlers de paix. Résultat: aucune issue du conflit en vue. Un état de fait qui fait les affaires de Poutine, qui cherche à éviter un cessez-le-feu pour des raisons stratégiques.
Publié: 03.06.2025 à 13:11 heures
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Vladimir Poutine n'était pas à Istanbul. Mais il a quand-même marqué les négociations de son empreinte.
Photo: Getty Images
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Daniel Jung

L'Ukraine a détruit dimanche 1er juin une grande partie de la flotte aérienne russe lors d'une opération préparée de longue date et baptisée «Toile d'araignée». Lundi, soit 24 heures à peine après l'attaque, une délégation ukrainienne rencontrait des représentants russes à Istanbul pour un deuxième round de pourparlers de paix. Résultat des courses: les discussion n'ont duré qu'une heure et 15 minutes.

Sans surprise, aucune percée n'a été réalisée, et la perspective d'un cessez-le-feu semble toujours aussi lointaine. Si la rencontre a tout de même permis quelques avancées mineures, elle a surtout eu le mérite mettre en lumière les stratégies très différentes adoptées par chaque camp.

Nouvel échange de prisonniers

Selon plusieurs médias, la Russie aurait accepté de procéder à un nouvel échange de prisonniers, comme elle l'avait déjà fait en mai dernier. L’accord prévoirait la libération d’au moins 1000 personnes de chaque côté, parmi lesquelles des blessés graves, des malades ainsi que des détenus âgés de 18 à 25 ans.

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Des délégations russe et ukrainienne se sont rencontrées lundi au palais Ciragan d'Istanbul.
Photo: keystone-sda.ch

Les deux camps devraient également se restituer environ 6000 corps. Pour permettre la récupération des dépouilles, une brève trêve de deux à trois jours pourrait être instaurée sur certains segments du front.

Roustem Oumierov, ministre ukrainien de la Défense et chef de la délégation à Istanbul, a proposé l'organisation d'une nouvelle rencontre d’ici à la fin du mois. Selon lui, les questions essentielles pour parvenir à un accord de paix avec la Russie ne peuvent être tranchées qu’au plus haut niveau. A ce titre, il se dit favorable à la tenue d'un sommet entre Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine.

Échange de mémorandums

Les deux délégations se sont par ailleurs échangées des documents contenant un certain nombre de revendications. L’Ukraine réclame une trêve de 30 jours, sans conditions et placée sous supervision internationale, comme point de départ à des négociations de paix. Elle exige en outre le retour des enfants déportés. Une liste de 339 noms a ainsi été transmise à la Russie.

La Russie, quant à elle, n’a remis son mémorandum qu’au début de la rencontre, lundi. Selon Vladimir Medinski, chef de la délégation russe, le document contient deux volets: le premier expose la vision de Moscou pour parvenir à une paix durable, le second détaille les étapes pour parvenir à un cessez-le-feu complet. Le Kremlin demande notamment à l’Ukraine de renoncer aux livraisons d’armes occidentales et de mettre fin à la mobilisation.

Le message est à peine voilé: Moscou maintient ses exigences maximales et réclame une capitulation de Kiev. Le ministère ukrainien des Affaires étrangères a fait savoir que le document ferait l’objet d’un examen approfondi. «Nous devons étudier soigneusement le mémorandum russe et en évaluer le contenu», a déclaré un porte-parole du ministère.

Les tactiques dilatoires de Poutine

«Dès qu’il a été annoncé que Medinski dirigerait à nouveau la délégation russe, il était clair qu’il ne fallait pas s’attendre à grand-chose», déclare à Blick Ulrich Schmid, expert de la Russie à l’Université de Saint-Gall «Par cette nomination, Poutine indique qu’il ne s’agit que de négociations de second rang.» L’échange convenu avec Moscou reste quant à lui bien en deçà des attentes de Zelensky, lequel appelle à la libération de tous les prisonniers de guere.

«Le mémorandum russe fait partie des nombreuses tactiques de temporisation de Poutine», poursuit Ulrich Schmid. Selon lui, le chef du Kremlin cherche en réalité à éviter un cessez-le-feu par tous les moyens, car il serait le premier à le rompre. «Cela ne donnerait pas une bonne image de lui», analyse l'expert. Dans le même temps, Poutine ne souhaite pas être perçu comme le responsable de la poursuite de la guerre, surtout aux yeux de Donald Trump.

L'objectif clair du Kremlin

«Poutine aspire à plus de coopération russo-américaine dans le secteur des matières premières», poursuit Ulrich Schmid. La Russie continue d’espérer que l’administration Trump se détournera purement et simplement de la guerre en Ukraine. Pour l'expert, il ne faut pas s'attendre pour l'instant à une réaction décisive des Etats-Unis.

Sur le front, les deux camps poursuivent leurs efforts avec détermination. Peu avant l'attaque ukrainienne de dimanche, la Russie a visé plusieurs cibles en Ukraine avec pas moins de 472 drones, un record depuis le début du conflit en février 2022.

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«C’est le langage principal adopté par les deux parties», observe Ulrich Schmid. Chacun cherche à faire comprendre à l’autre qu’il n’a pas besoin de faire de concessions. Le conflit évolue très rapidement, explique-t-il, avec de nouvelles offensives lancées des de chaque côté. «Poutine essaie de donner l’impression qu’il est en train de gagner la guerre – mais à un coût et avec des efforts toujours aussi colossaux.»

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