L'Ukraine a mené dimanche une vaste attaque de drones contre l'aviation militaire en Russie, disant avoir détruit environ 40 avions et frappé jusqu'à des milliers de kilomètres de ses frontières. Moscou a confirmé que plusieurs avions avaient «pris feu».
L'Ukraine a mené une «opération spéciale d'ampleur» contre quatre aérodromes militaires russes, dont certains se trouvent à des milliers de kilomètres du front, selon une source au sein des services de sécurité ukrainiens (SBU). Quelque 41 avions utilisés pour «bombarder les villes ukrainiennes» ont été détruits, a-t-elle indiqué, citant notamment des bombardiers stratégiques Tu-95 et Tu-22.
Le ministère russe de la Défense a confirmé que «plusieurs appareils aériens ont pris feu» après une attaque de drones dans des aérodromes des régions de Mourmansk et d'Irkoutsk, respectivement dans l'Arctique russe et en Sibérie orientale. Il n'y a pas eu de victimes et des suspects ont été «arrêtés», selon le ministère.
Une attaque en Sibérie orientale
L'une des bases militaires visées est l'aérodrome de Belaïa, dans la région d'Irkoutsk en Sibérie orientale, à environ 4300 kilomètres de l'Ukraine. Le gouverneur russe local, Igor Kobzev, a évoqué une frappe de drones contre une cible militaire dans la zone, sans confirmer les dégâts revendiqués par l'Ukraine. Il s'agirait de la première attaque ukrainienne aussi loin du front.
Les services ukrainiens ont publié une vidéo censée montrer la base de Belaïa, dans laquelle on peut voir plusieurs appareils en flammes, des panaches de fumée noire s'en élevant. L'AFP n'est pas en mesure de vérifier ces affirmations de façon indépendante.
L'Ukraine envoie régulièrement des drones en Russie, en réponse aux attaques aériennes russes quasi-quotidiennes contre son territoire. Cependant il est rare qu'ils parviennent à frapper à une telle distance.
Plus d'un an et demi de préparation
L'aérodrome d'Olenia, situé dans la région de Mourmansk, dans l'Arctique russe, a aussi été ciblé, selon la source ukrainienne. Il se situe à près de 1900 kilomètres de l'Ukraine. Le gouverneur de la région de Mourmansk, Andreï Tchibis, a affirmé que des «drones ennemis» se trouvaient dans le ciel et que la défense antiaérienne fonctionnait.
L'opération ukrainienne, au nom de code «toile d'araignée», a été préparée pendant plus d'un an et demi et supervisée par le président Volodymyr Zelensky, selon la source ukrainienne. L'Ukraine a fait passer clandestinement en Russie des drones et de petites constructions en bois, selon la source ukrainienne. Les drones ont été «cachés» sous leurs toits, qui ont ensuite été ouverts à distance pour les laisser s'envoler, selon elle.
7 milliards de dollars de dégâts
Les services de sécurité ukrainiens (SBU) ont affirmé dimanche que l'attaque d'ampleur contre des aérodromes militaires en Russie avait causé des dégâts sur l'aviation à hauteur de 7 milliards de dollars. «7 milliards de dollars américains: c'est le coût estimé pour l'aviation stratégique ennemie, qui a été touchée aujourd'hui à la suite de l'opération spéciale 'toile d'araignée' menée par le SBU», ont écrit ces services sur Telegram, ajoutant avoir touché 34% des appareil transportant des missiles de croisières stratégiques. Ces affirmations sont impossibles à vérifier de façon indépendante.
Des blogueurs militaires russes ont déploré à l'inverse un «jour noir pour l'aviation» de leur pays. La chaîne Telegram Rybar, proche de l'armée russe, a estimé qu'«il s'agit sans exagération d'un coup très dur», dénonçant de «graves erreurs» des services spéciaux russes.
Les conséquences de cette attaque sur les capacités militaires de la Russie sont difficiles à prédire, mais sa portée symbolique est importante dans le contexte des négociations. L'Ukraine est à la peine sur le champ de bataille, son armée moins nombreuse et bien armée que celle de la Russie.
Deux actes de terrorisme dénoncés
Les autorités russes ont en outre dit enquêter sur des «actes de terrorisme», après l'effondrement de deux ponts dans les régions de Koursk et Briansk. Cela a provoqué des accidents de train, dont l'un a fait au moins sept morts.
Les autorités russes n'ont à ce stade fait aucun lien avec le conflit en Ukraine, laquelle n'a pas officiellement commenté l'effondrement des ponts. Une passagère d'un des trains accidentés, Tatiana Rodina, dont le visage est couvert de bleus, a dit à l'AFP que «tout volait dans tous les sens», valises et passagers, au moment de l'accident.
Le commandant des forces terrestres ukrainiennes, Mikhaïlo Drapaty, a en outre annoncé présenter sa démission, disant ressentir une «responsabilité» dans la mort d'au moins 12 soldats ukrainiens dimanche lors d'une frappe russe sur un terrain d'entraînement. L'armée ukrainienne a subi plusieurs attaques de ce type ces derniers mois, provoquant des critiques de responsables qui considèrent qu'elles auraient pu être évitées.
Un jour avant la rencontre en Turquie
Cette attaque spectaculaire survient à la veille de négociations attendues entre Russie et Ukraine en Turquie, proposées par Moscou. Des délégations russe et ukrainienne sont attendues en Turquie lundi pour un nouveau cycle de négociations, plus de trois ans après le début de l'invasion russe.
Après avoir laissé planer le doute sur la participation ukrainienne, le président Volodymyr Zelensky a finalement annoncé dimanche qu'une délégation ukrainienne s'y rende. Elle sera menée par son ministre de la Défense, Roustem Oumerov, serait à Istanbul lundi.
Volodymyr Zelensky a appelé à un «cessez-le-feu complet et inconditionnel», ainsi qu'au retour des Ukrainiens détenus en Russie. Il a aussi appelé à «préparer une réunion au plus haut niveau», c'est-à-dire une rencontre avec Vladimir Poutine.
Les délégations russe et ukrainienne ont déjà tenu des pourparlers peu fructueux à Istanbul le 16 mai. Malgré les efforts diplomatiques, les positions de l'Ukraine et de la Russie restent inconciliables.