Massacres à Gaza
L'Europe durcit le ton contre Israël, mais quel sera l'impact?

L'UE durcit le ton contre Israël après de nouveaux bombardements à Gaza. Les dirigeants européens qualifient les actions israéliennes d'«intolérables» et d'«odieuses». L'impact concret de ce changement de rhétorique reste incertain.
Publié: 28.05.2025 à 10:52 heures
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Les oppositions face à Israël sont grandissantes dans le monde, et notamment en Europe. Que peuvent espérer les Gazaouis?
Photo: Anadolu via Getty Images
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AFP Agence France-Presse

«Intolérable», «odieux»: les dirigeants de l'Union européenne ont durci le ton envers Israël cette semaine après de nouveaux bombardements meurtriers dans la bande de Gaza, mais l'impact concret de ce changement de rhétorique reste à voir.

L'Allemagne, l'un des plus proches alliés d'Israël, a fait part de son incompréhension après le bombardement d'une école à Gaza qui a fait 33 morts, dont de nombreux enfants.

«Je ne comprends franchement pas ce que l'armée israélienne est en train de faire dans la bande de Gaza, et je ne vois pas quel est son objectif en affectant la population civile de la sorte», a déclaré lundi le chancelier Friedrich Merz, menaçant pour la première fois de ne plus soutenir le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

Des opérations «odieuses»

Mardi, c'était au tour de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. «L'intensification des opérations militaires d'Israël à Gaza, visant des infrastructures civiles – dont une école servant de refuge à des familles palestiniennes déplacées – et provoquant la mort de civils, y compris des enfants, est odieuse», a-t-elle dénoncé.

Un langage «fort et inédit», selon un diplomate, de la part de celle qui avait été l'une des premières à afficher sa solidarité avec Israël au lendemain de l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023. «Merz a fait bouger les lignes» à Bruxelles, estime un autre responsable européen.

«Il y a eu un changement très notable au cours des dernières semaines», résume dans un podcast Julien Barnes-Dacey, du think tank European Council on Foreign Relations, jugeant que cette évolution reflète un «changement profond au sein de l'opinion publique européenne». Mais la question de la traduction concrète de ce changement de ton reste posée.

Israël respecte-t-il les droits humains?

L'Allemagne, principal fournisseur d'armes à Israël après les États-Unis, a rejeté cette semaine les appels à renoncer à ses ventes. Mais mardi, dans une menace à peine voilée, son ministre des Affaires étrangères a souligné que certaines lignes ne devaient pas être franchies. «Nous défendons partout le droit international humanitaire», a déclaré Johann Wadephul. «Si nous constatons des violations, nous réagirons bien sûr et ne fournirons pas des armes qui pourraient en entraîner de nouvelles.»

Berlin fait également partie des capitales européennes qui se sont opposées, la semaine dernière, à une demande de révision de l'accord d'association liant l'Union européenne à Israël, décidée par Bruxelles sous l'impulsion de la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas. La Commission européenne a entamé ce processus de révision pour vérifier si Israël respecte bien les droits humains et les principes démocratiques, conformément à l'article 2 de cet accord.

Imposer des restrictions à Israël

Pour Julien Barnes-Dacey, il y a là un moyen de pression qui peut s'avérer efficace. «Le fait qu'il y ait une révision ouvre la possibilité qu'une majorité qualifiée d'États impose des restrictions commerciales à Israël», explique-t-il.

La question est de savoir si cette majorité existe aujourd'hui, ce qui est loin d'être acquis, tant les 27 États membres ont été profondément divisés jusqu'à présent par rapport à Israël, explique un autre diplomate. «Je pense qu'il est trop tôt pour dire qu'il y a un changement de politique, parce qu'une révision n'est qu'une révision. Ce qui compte, c'est l'action», souligne Kristina Kausch, du German Marshall Fund, un think tank bruxellois.

Accusations de «génocide»

Plusieurs pays de l'UE, dont la Belgique, l'Irlande et l'Espagne, réclament depuis des mois un durcissement de la politique européenne envers Israël. «Mon opinion personnelle est que cela s'apparente fortement à un génocide. Je ne sais pas quelles autres horreurs doivent encore se produire avant que l'on ose utiliser ce mot», a ainsi déclaré le ministre belge des Affaires étrangères Maxime Prévot.

Les accusations de «génocide» d'Israël envers les Palestiniens se multiplient, venant de l'ONU, de groupes de défense des droits humains, de pays de plus en plus nombreux, de stars du cinéma et, encore mardi, de quelque 300 écrivains francophones dont deux prix Nobel. Israël les rejette.

Une traduction concrète de ce changement de ton pourrait être la reconnaissance de la Palestine en tant qu'État, une décision envisagée notamment par la France avant une conférence internationale des Nations unies prévue en juin.

«Cela aura-t-il un impact immédiat ? Probablement pas, mais je pense que cela aura un impact si Israël sait qu'il n'a plus la voie libre comme il l'a eue pendant si longtemps», estime Julien Barnes-Dacey.

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