L'axe Pyongyang-Téhéran
Le programme nucléaire iranien pourrait-il survivre grâce à Kim Jong Un?

L'expert américain John Bolton s'inquiète d'une possible coopération nucléaire entre Téhéran et Pyongyang. Cette alliance, basée sur un ennemi commun, les Etats-Unis, pourrait permettre à l'Iran de dissimuler des éléments de son programme nucléaire en Corée du Nord.
Publié: 20.06.2025 à 14:22 heures
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Dernière mise à jour: 20.06.2025 à 16:14 heures
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John Bolton s'inquiète de la coopération entre Pyongyang et Téhéran.
Photo: CQ-Roll Call, Inc via Getty Images
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Daniel Jung

Dans une interview accordée cette semaine au magazine «Der Spiegel», l'expert américain en politique étrangère John Bolton s'est fendu d'une déclaration choc: «Ce qui m’inquiète le plus, c’est que des éléments du programme nucléaire iranien puissent être dissimulés sous une montagne en Corée du Nord.»

Pour John Bolton, cela ne fait aucun doute: ces deux régimes sous sanctions internationales coopèrent étroitement dans le domaine du nucléaire. Blick fait le point sur ce que l’Iran a pu apprendre de la Corée du Nord, devenue une puissance nucléaire, et sur ce que l’on sait de la dangereuse alliance entre ces deux régimes autoritaires. 

La Corée du Nord possède 50 bombes atomiques

En 1989, l'actuel ayatollah Ali Khamenei s'est rendu en Corée du Nord, alors qu'il occupait encore la fonction de président de la République islamique d'Iran. Ce voyage a posé les bases d’une alliance durable entre Téhéran et Pyongyang, cimentée par un ennemi commun: les Etats-Unis.

Près de 15 ans plus tard, en 2003, la Corée du Nord a franchi un cap décisif en se retirant du Traité de non-prolifération nucléaire. Puis, en 2005, le régime a affirmé pour la première fois disposer des armes nucléaires opérationnelles. Selon l’institut suédois Sipri, le pays serait aujourd'hui doté d’un arsenal d’environ 50 ogives nucléaires.

Après avoir misé dans un premier temps sur la fabrication de bombes au plutonium, la Corée du Nord et son leader Kim Jong Un miseraient désormais sur l’enrichissement de l’uranium. Une voie également suivie par l’Iran, notamment sur les sites nucléaires de Natanz et Fordo.

Test en Corée du Nord pour l'Iran

Il n’existe à ce jour aucune preuve formelle que des éléments du programme nucléaire iranien soient développés en Corée du Nord. Toutefois, plusieurs indices laissent entrevoir une coopération étroite entre les deux régimes. Selon plusieurs services de renseignement, un essai nucléaire mené en Corée du Nord en 2010 aurait été réalisé pour le compte de l’Iran. Surveillé à l'international, l'Iran se serait ainsi abstenu de mener des tests sur son propre sol.

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Pendant plus d'un an, John Bolton a été le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump.
Photo: AFP

Ce qui est avéré, en revanche, c’est que la Corée du Nord a fourni à l’Iran un programme informatique capable de simuler les flux de neutrons, un outil clé dans la conception d’ogives nucléaires. Des experts nord-coréens ont même formé des scientifiques iraniens à son utilisation.

Cette coopération s’est étendue à la Syrie de Bachar al-Assad, fervent allié de l’Iran. Pyongyang a notamment soutenu la construction d’un réacteur nucléaire calqué sur le modèle nord-coréen à al-Kibar, sur les bords de l’Euphrate. L'installation, censée produire du plutonium à des fins militaires, a toutefois été détruite par une frappe israélienne en septembre 2007, avant même sa mise en service. 

Soutien à la construction de missiles

Dans certains domaines, la collaboration entre l’Iran et la Corée du Nord est désormais bien documentée. Les eux pays travaillent notamment au développement de missiles balistiques capables de transporter des ogives nucléaires, un secteur dans lequel Pyongyang dispose d’une longueur d’avance sur son allié. Un rapport du Congrès américain publié en février 2016 évoquait déjà une coopération «significative».

Côté iranien, le missile à moyenne portée Shahab-3 s’inspire directement du modèle nord-coréen Nodong. Quant au missile Khorramshahr, il serait dérivé de la fusée nord-coréenne BM25 Musudan. Un rapport de l’ONU daté de 2021 confirme que la Corée du Nord fournit à l’Iran «des composants essentiels» pour la fabrication de ces missiles.

Les Etats-Unis comme ennemis

En raison des sanctions internationales, les deux pays ont convenu il y a plusieurs décennies de s'échanger des ressources, lesquelles devenues rares par la suite. Dans les années 1990 déjà, Téhéran fournissait jusqu’à 40 % des besoins en pétrole de Pyongyang, en échange de transferts de technologies et de savoir-faire nord-coréens.

Les deux régimes partagent en outre une posture résolument anti-occidentale et se soutiennent mutuellement face à l'adversité américaine. En 2024, les médias d’Etat nord-coréens ont à ce titre fustigé les sanctions américaines visant l’Iran. Pour les deux pays, l’arme nucléaire apparaît à la fois comme un outil de dissuasion et un levier de puissance. Si la Corée du Nord est parvenue à l'acquérir, l'Iran est suspecté de s'approcher de cet objectif.

Des bombes contre l'expertise

Mais, comme la nouvelle guerre le prouve, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le président américain Donald Trump feront tout pour anéantir les ambitions de Téhéran. Reste à savoir dans quelle mesure – et surtout pour combien de temps – des frappes peuvent contrarier un tel objectif.

Selon les experts, ces bombardements pourraient certes ralentir le programme iranien, mais ils pourraient difficilement le stopper de manière durable. Le savoir-faire iranien demeure intact, tout comme certaines installations tenues secrètes et réparties un peu partout sur le territoire. A cela s’ajoutent les relations étroites que Téhéran entretient avec la Corée du Nord, déjà dotée de l’arme nucléaire, ce qui renforce encore la résilience du programme iranien.

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