Ils formaient autrefois un tandem incontournable de la scène politique internationale: Donald Trump et Benjamin Netanyahu, tous deux populistes de droite, portés sur le pouvoir et peu enclins au compromis. Mais aujourd’hui, les signes d’une rupture politique sont de plus en plus évidents. Lors de son récent voyage au Proche-Orient, Trump a ostensiblement évité Israël, envoyant un signal clair: la place privilégiée d’Israël dans la politique étrangère américaine vacille. Benjamin Netanyahu, désormais isolé, voit son allié de toujours prendre ses distances. Pourquoi ce revirement?
Les signes ne trompent pas. En mai, au lieu de rencontrer Netanyahu, Trump se rend en Arabie saoudite, au Qatar et aux Emirats arabes unis pour une visite officielle. Il y annonce des contrats d’armement pour 142 milliards de dollars et promet 600 milliards d’investissements supplémentaires. Pendant ce temps, le 4 mai, les rebelles Houthis tirent un missile en direction de l’aéroport Ben Gourion, près de Tel-Aviv. Deux jours plus tard, Trump se félicite d’un cessez-le-feu négocié avec ces mêmes milices soutenues par l’Iran. Israël est tenu à l’écart.
Même lors de la libération d’Edan Alexander, un soldat américano-israélien capturé par le Hamas le 7 octobre, Trump agit seul. L’homme pris en otage est relâché à la mi-mai, après des tractations secrètes entre les Etats-Unis et le Hamas, menées sans la moindre coordination avec l'Etrat hébreu. Pour la presse israélienne, cela ne fait aucun doute: c'est entièrement l'œuvre de Trump.
Netanyahu mise sur la guerre, Trump cherche l’apaisement
Que s’est-il passé entre ces anciens alliés politiques? C’est Trump qui a changé, pas Netanyahu. Le président américain voudrait mettre fin à la guerre à Gaza, rétablir les livraisons d’aide humanitaire et instaurer un nouvel équilibre régional. Il veut des accords, des résultats, du contrôle. Netanyahu, lui, continue de miser sur l’escalade, sur des exigences maximales, sans proposer de véritable plan pour l’après-guerre.
Les tirs de «sommation» lancés mercredi par Israël lors d'une visite de diplomates organisée par l'Autorité palestinienne à Jénine, en Cisjordanie occupée, en est une nouvelle fois la preuve. Pour Trump, cela devient un problème: le chaos ne peut pas être commercialisé.
Selon ses conseillers, Trump serait de plus en plus agacé. Les images d’enfants affamés à Gaza nuisent à sa réputation de négociateur pragmatique, rapporte le «New York Times». C’est pourquoi il pousse Netanyahu vers un cessez-le-feu et n’hésite pas à négocier dans son dos. En Israël, les agissements de Trump sont perçus comme un affront.
Le vent tourne à Washington
Et pourtant, les relations ont longtemps été étroites entre Jérusalem et Washington. Netanyahu qualifiait même Trump de «meilleur ami qu’Israël ait jamais eu à la Maison Blanche». Le président américain avait reconnu la souveraineté israélienne sur le Golan et transféré l’ambassade à Jérusalem. Mais depuis ce printemps, les tensions s’accumulent. En avril, Trump a surpris Netanyahu en relançant des discussions directes avec l’Iran sur son programme nucléaire.
Pas de pitié pour les vieux amis
Le centre de gravité de la politique américaine au Moyen-Orient semble se déplacer de Tel-Aviv vers Riyad et Doha. Donald Trump continue certes d’afficher une amitié officielle envers Israël, mais la relation est sérieusement entamée. Et peut-être même à long terme. Car l’opinion publique américaine évolue aussi: selon un récent sondage Gallup, seuls 46% des Américains soutiennent encore Israël, un niveau historiquement bas. Cette désaffection est particulièrement marquée chez les jeunes électeurs républicains, que Trump écoute attentivement.
Pour Benjamin Netanyahu, la situation est d’autant plus délicate que son maintien au pouvoir dépend d’une coalition d’extrême droite qui refuse toute trêve dans la guerre à Gaza. Mais plus le conflit dure, plus la Maison Blanche s’impatiente. La patience de Trump semble atteindre ses limites, tout comme le statut particulier dont bénéficiait Netanyahu depuis des décennies. La rupture n’est pas encore officielle. Mais ceux qui connaissent Trump savent une chose: quiconque entrave sa stratégie et son image est mis hors-jeu. Même un vieil ami.
La fusillade de mercredi à Washington, qui a causé la mort de deux ambassadeurs israéliens, pourrait toutefois forcer les deux dirigeants à rependre contact et à resserrer – temporairement au moins – leurs liens. De là à profondément changer la donne? Seul l'avenir nous le dira.