Un vote historique, avant le 4 juillet, fête de l’indépendance aux Etats-Unis. Donald Trump va tout faire, ces jours-ci, pour obtenir une approbation de sa «Big Beautiful Bill» budgétaire au Sénat qui en débat à partir de ce lundi 30 juin. Elon Musk, son ancien complice et financier en chef, ne décolère pas. L’homme le plus riche du monde accuse cette super loi budgétaire de naufrager les Etats-Unis déjà surendettés. Vrai ou faux?
Une bombe nucléaire fiscale
Trump déteste les impôts. Surtout lorsqu’ils sont payés par les entreprises et les riches américains. L’ancien promoteur immobilier new-yorkais a d’ailleurs passé sa vie professionnelle à organiser ses finances pour payer le moins de taxes possibles. Tous les communiqués de la Maison Blanche listent les réductions fiscales de cette super loi budgétaire: réduction d’impôt de 15% pour les Américains gagnant entre 30'000 et 80'000 dollars par an, suppression des impôts sur les heures supplémentaires et les pourboires, allégements fiscaux historiques pour les personnes âgées et surtout, beaucoup moins d’impôts pour les sociétés qui fabriquent des produits «Made in America».
Selon la Tax Foundation, un centre d’étude spécialisé, ces coupes réduiront les recettes fiscales fédérales de 4700 milliards de dollars entre 2025 et 2034. Soit 500 milliards de «manques à gagner» pour l’Etat par an.
Un missile social
Pour compenser les baisses d’impôt, son administration compte couper dans les budgets sociaux. Le plus visé est Medicaid, le programme public d’assurance santé, dont bénéficient 71 millions d’Américains à bas revenus. L’autre cible est le programme SNAP, le Supplemental Nutrition Assistance Program (SNAP), considéré comme le plus important programme d’aide à la nutrition du pays, représentant environ 68% des dépenses d’aide à la nutrition en 2023. 41,9 millions de personnes dans 22,2 millions de ménages ont bénéficié des prestations du SNAP l’an dernier, sous forme de coupons alimentaires. Cela représente 12,5% de la population totale des Etats-Unis.
L’argument de Trump est que l’aide fédérale ne produit pas de richesse, alors que les baisses d’impôts vont en revanche augmenter les revenus des ménages. «Les Américains et les familles qui travaillent dur verront leur salaire net augmenter de plus de 10'000 dollars par an en moyenne», affirme la Maison Blanche.
Un budget très carboné
Elon Musk a deux raisons d’être très en colère. La première est que son échec à la tête du DOGE, le Département de l’efficacité gouvernementale, est désormais consommé. Si le DOGE avait produit des résultats en termes de coupe budgétaire (on parle de 200 milliards de dollars au lieu des 2000 initialement promis), l’amputation proposée des programmes sociaux ne serait pas aussi massive.
La fureur de Musk, propriétaire de Tesla, est toutefois liée aux concessions faites à toutes les industries carbonées. Le crédit d’impôt pour les véhicules électriques (VE), instauré en 2008 puis augmenté sous la présidence Biden (jusqu’à 7500 dollars pour l’achat d’un nouveau véhicule électrique, 4000 dollars pour une occasion) sera abandonné. 87% des acheteurs de Tesla en 2024 le citaient comme l’une des principales raisons de leur achat.
Un bulldozer politique
Le 22 mai, la Chambre des représentants, où les républicains disposent d’une majorité de huit sièges (220 contre 212, avec trois sièges à pourvoir), a adopté cette «Big Beautiful Bill». Donald Trump veut maintenant que les sénateurs expédient le débat sur ce projet de loi de 940 pages, pour adopter ce projet de loi avant le 4 juillet, jour de fête nationale. Le calendrier fiscal a aussi son importance: une adoption rapide permettrait la prorogation d’avantages fiscaux décidés sous son premier mandat.
Or des sénateurs républicains renâclent devant l’augmentation de la dette fédérale qui en résultera. Selon une nouvelle estimation du Congressional Budget Office, le déficit budgétaire s’élèvera à 3300 milliards de dollars au cours des dix prochaines années! Il y a 53 sénateurs républicains contre 47 démocrates. Mais six sénateurs du parti de Trump pourraient voter contre la «Big Beautiful Bill» cette semaine.
Une guerre des chiffres
Il vaut mieux retenir de ce projet de loi son inspiration, revendiquée par Trump: cadeaux fiscaux massifs aux entreprises privées, abandon des priorités écologiques, renoncement partiel aux grands travaux votés sous Biden, retrait des allocations aux Américains les plus pauvres, dans un pays où les aides sociales sont déjà très rares. Selon la Tax Foundation, les 10% d’Américains les plus pauvres verront leur revenu disponible diminuer de 1559$ par an tandis que les 10% les plus riches s’enrichiront de 12'044 $ par an.
Voici le verdict de la Tax Foundation: «Les principales dispositions fiscales entraîneront une expansion de 1,1% de la taille de l’économie à long terme. Le stock de capital augmenterait de 0,6% et les salaires avant impôts de 0,4%. Les heures travaillées augmenteraient de 892'000 emplois équivalents temps plein. Au cours de la prochaine décennie, nous estimons que la croissance annuelle du PIB serait supérieure d’environ 0,1 point de pourcentage en moyenne».