Après Donald Trump
Ce politicien est la dernière cible de l'affaire Epstein

Les spéculations autour d’une possible liste de clients de Jeffrey Epstein continuent d’enfler. Des fidèles partisans de Trump en viennent à brûler leurs casquettes MAGA. Mais la véritable victime de cette affaire pourrait bien être quelqu’un que personne n’attendait.
Publié: 17:24 heures
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Trump et Epstein avaient de bonnes relations.
Photo: keystone-sda.ch
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Samuel Schumacher

Si Donald Trump vous appelle personnellement sur votre portable, c'est que l'affaire est sérieuse. Emma Tucker en sait quelque chose: la rédactrice en chef du «Wall Street Journal» a été contactée la semaine passée par le président américain. La raison? Elle préparait un article explosif sur une «lettre grossière» que Trump aurait écrite en 2003 à son ami Jeffrey Epstein pour son 50e anniversaire.

Mais elle ne s'est pas laissé intimider par Trump. Jeudi soir, le journal a publié l'article – sans photo de la lettre toutefois. «Que chaque jour soit un nouveau secret merveilleux», aurait écrit Donald Trump à son ami. La lettre comporte également un dessin d’une femme nue, signé «Donald» à la place des poils pubiens. Une révélation explosive. Mais cette bombe est moins dévastatrice pour le président américain lui-même que pour un autre homme puissant…

Revenons un peu en arrière. Il y a près de deux semaines, le ministère américain de la Justice a annoncé qu'il n'existait pas de liste «compromettante» de clients dans l'affaire du défunt délinquant sexuel Jeffrey Epstein, qualifiant toute enquête supplémentaire d'«inappropriée». Un virage à 180 degrés de la part de la ministre de la Justice Pam Bondi, qui déclarait encore récemment à la télévision que la liste se trouvait sur son pupitre pour être examinée.

Les partisans brûlent leurs casquettes MAGA

Ce revirement de situation a été suivi de ce que les observateurs jugeaient jusqu’ici comme impensable: une implosion du mouvement «Make America Great Again» (MAGA). Les plus fidèles partisans de Trump sont désormais en colère, ne comprenant pas comment l'un des plus grands scandales sexuels de l'histoire des Etats-Unis ne soit pas révélé au grand jour. Une colère qui a pris une ampleur sans précédent, en témoigne les vidéos virales de casquettes MAGA brûlées, ainsi que les commentaires haineux qui fusent sur les réseaux sociaux. 

Les républicains ont – timidement – tenté de calmer le jeu. Ils ont voulu rassurer leurs électeurs, leur assurant qu'ils prenaient l'affaire au sérieux. Ces dernières semaines, Donald Trump semble avoir tout fait pour apaiser les tensions et tasser l'affaire Epstein. Il a renvoyé la procureure en charge du dossier et a ordonné à Pam Bondi de publier la partie du dossier que le Jury a pu consulter dans le cadre du procès. Il a aussi fait publier une vidéo de surveillance de la cellule d'Epstein pour prouver qu'il s'est suicidé et n'a pas été assassiné comme le suggèrent de nombreuses rumeurs – sauf que cela n'a pas calmé les complotistes puisqu'il manque trois minutes complètes de vidéo. Sans parler du fait que le président a répété à plusieurs reprises que l'affaire Epstein était «ennuyeuse» et que ses partisans feraient mieux de se concentrer sur les succès républicains. Mais rien n'y fait: le problème pour Donald Trump est plus collant et plus tenace que tout ce qu'il a rencontré jusqu'à présent.

Que sait Ghislaine Maxwell?

Pas moins de 63% des électeurs américains estiment que la manière dont Trump traite cette affaire n'est pas appropriée, selon un sondage de l'Université de Quinnipiac. La journaliste d'investigation Lindsay Beyerstein écrit sur X qu'une partie importante des électeurs de Trump se moquent de sa politique étrangère et des réductions d'impôts pour les riches. Ils ont voté pour lui dans l'espoir qu'il fasse enfin la lumière sur les supposés complots. «C’est envers ces soutiens les plus fidèles que Trump est en train de commettre une véritable trahison», écrit-elle.

L'homme le plus puissant du monde a les mains liées. Jeffrey Epstein, qui avait autrefois déclaré être son «ami le plus proche», lui avait présenté Melania, qui faisait régulièrement la fête avec lui dans les années 1990-2000. Que peut faire le président à présent? S’il décide de publier le dossier dans son intégralité – ce qui s’annonce compliqué, notamment en raison du respect des droits des victimes de Jeffrey Epstein – il court un double risque. Si son nom figure effectivement sur cette supposée liste de clients, il se grille lui-même. Soit la liste n’existe pas, et dans ce cas, la théorie du complot se renforce: pour certains, ce serait la preuve que la conspiration continue.

Les appels à la nomination d’un enquêteur spécial se font de plus en plus pressants chaque jour. Ghislaine Maxwell, ancienne compagne de Jeffrey Epstein condamnée en 2021 à 20 ans de prison, devrait également être à nouveau sous le feu des projecteurs. Que sait-elle? De quoi aurait-elle besoin pour rompre le silence?

J.D. Vance, cible collatérale

Pour Donald Trump, la situation est extrêmement tendue. Mais en réalité, elle ne menace pas directement sa stabilité politique: sa principale réforme financière a déjà été adoptée par le Parlement, et il n’a plus à se soucier d’une réélection. Pour son vice-président J.D. Vance, c'est une tout autre histoire. 

C’est lui-même qui avait exigé que le dossier Epstein soit publié dans son intégralité, sans censure. Aujourd’hui, le vice-président garde un silence pesant. Pendant plusieurs jours, il a refusé tout commentaire sur l'affaire Epstein. Ce n’est qu’après la parution de l’article du «Wall Street Journal» sur la lettre de félicitations de Trump qu’il a rompu le silence – non pas pour critiquer Trump ou ceux qui réclament avec insistance la publication du dossier, mais pour s’en prendre furieusement… au journal.

J.D. Vance sait très bien qu'il doit jouer à l'équilibriste. Il ne peut se permettre ni de se désolidariser de Trump, ni de s’aliéner les partisans du mouvement MAGA – même ceux qui se sont retournés contre l’ancien président. Il a besoin des deux pour espérer décrocher le rôle principal lors de la présidentielle de 2028. Dans le champ de mines que représente cette affaire, chaque pas pourrait bien être le dernier. Ironie du sort: J.D. Vance, qui n’a jusqu’ici été mêlé en rien à cette affaire sordide, pourrait bien en devenir la nouvelle victime. 

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