Fatigué et souriant, Sultan Shinwari est assis dans le jardin du centre d'asile de Kirchlindach (BE) et regarde trois de ses quatre enfants jouer: Sulaiman, 9 ans, Waijha, 4 ans et Musa (3) s'égaient sur la place de jeux. La soeur de sept ans Alia fait une sieste avec sa mère, Aisha.
Kirchlindach, la fin du périple pour cette famille afghane originaire de Kaboul. Le père de famille y travaillait pour le bureau de la Direction du développement et de la coopération (DDC). Après les semaines éprouvantes qu'il a vécues, il nous confie: «nous sommes infiniment reconnaissants d'être autorisés à vivre ici.»
Il nous raconte le calvaire que sa famille a traversé pour arriver jusqu'ici. «Parfois, la nuit, je rêve encore de m'échapper. Je ne veux plus jamais revivre une telle expérience», explique-il d'un air torturé.
En un instant, tout a changé
Le drame commence à la mi-août. Les Américains sont partis précipitamment, les talibans sont aux portes de Kaboul. Une situation qui prend tout le monde de court, comme l'explique Sultan Shinwari: «Nous savions bien qu'ils allaient progresser. Mais personne n'avait la moindre idée que cela se produirait si rapidement.»
Le contrôleur financier voit sa vie basculer. "Grâce à mon travail, je venais de réaliser mon rêve et j'avais pu me permettre d'acheter une Mercedes. Nous avions une bonne vie à Kaboul... Mais sous le régime des talibans, nous n'étions plus en sécurité», explique cet homme de 31 ans. «Nous étions des travailleurs au service des Occidentaux. La Suisse nous a alors proposé d'être accueilli via un visa humanitaire.»
Les enfants se sont évanouis à cause de la chaleur
Toutefois quitter le pays s'est révélé difficile, voire impossible. «Des milliers de personnes attendaient entassées à l'aéroport», raconte-t-il en montrant une photo sur son téléphone portable. «Ici, vous pouvez voir mon fils Musa et mon frère qui l'arrose d'eau parce qu'il faisait si chaud. Deux de mes enfants se sont évanouis à cause de la chaleur.»
Pendant plusieurs jours d'affilée, la famille de six personnes se rend quotidiennement à l'aéroport pour attendre son vol vers un avenir meilleur. «Il y avait tellement de monde et il y avait toujours une telle cohue... Un de mes amis s'est même cassé deux côtes dans la file», dit-il. «Chaque soir, lorsque nous rentrions bredouille à la maison, mes parents pleuraient. Ils avaient tellement peur pour nous.»
Toute une vie dans deux sacs à dos
Sultan Shinwari n'a pas renoncé: jour après jour, lui et sa femme réduisent le nombre de bagages, qui les gênent dans l'immense foule, alors qu'ils ont également quatre enfants en bas âge. «Le 25 août, nous avons enfin réussi. «À l'exception de deux sacs à dos remplis de vêtements, nous avons dû tout laisser derrière nous», rapporte l'Afghan, l'air triste. «Mais nous sommes heureux que cela ait fonctionné. C'était la seule chance pour nous.»
Alors que tous ses collègues sont déjà parvenu en Suisse, Shinwari est le dernier à arriver par avion via l'Ouzbékistan et l'Allemagne. Sa famille et lui ont d'abord été hébergés au Centre fédéral d'asile de Lyss, dans le canton de Berne, avant d'être transférés il y a quelques jours dans les locaux du canton à Kirchlindach.
Les enfants n'aiment pas (encore) la nourriture suisse
«C'est tout un changement pour nous. En Afghanistan, nous avions une grande maison, et ici, nous partageons une seule pièce avec six personnes», explique le jeune père de famille qui, par conséquent, avoue dormir mal.
«Au moins, nous pouvons cuisiner pour nous-mêmes maintenant. À Lyss, nous n'avions que de la nourriture suisse, que nos enfants n'aiment pas encore.» En souriant, il ajoute: «Ils ne mangeaient que du yogourt.»
La famille est en attente d'un permis de séjour, apprend l'allemand et cherche un appartement. En outre, Sultan Shinwari n'aimerait rien tant que de se remettre sur ses deux pieds bientôt: «J'aimerais retravailler dans le secteur financier et j'espère pouvoir trouver un emploi rapidement.»