Entre torture et exécutions
Un média russe révèle la terreur imposée par les commandants de Poutine

La rédaction du média d'exil russe «Verstka» a publié le rapport le plus complet à ce jour sur la torture et les assassinats au sein des troupes russes. L'ampleur des atrocités est gigantesque. Mais les soldats ne sont pas les seules victimes de cette brutalisation.
Publié: 11:55 heures
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Le média indépendant russe «Verstka» a présenté le rapport le plus complet à ce jour sur la torture et les homicides au sein des troupes russes.
Photo: keystone-sda.ch
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Samuel Schumacher

Les troupes de Vladimir Poutine n'avancent plus guère en Ukraine. Dans leur frustration, les commandants russes déchaînent leur violence sur leurs propres soldats. C'est ce que révèle une vaste enquête du média d’exil russe «Verstka» («Bouleversement») récompensé à plusieurs reprises pour ses investigations.

Selon ce rapport, au moins 150 Russes ont été torturés à mort par leurs supérieurs, envoyés sans arme en mission d'assaut et même, dans un cas, contraints de tuer des camarades dans des combats à mains nues – pour ne pas être eux-mêmes exécutés. Au cours du premier semestre 2025, la justice militaire de Moscou a reçu plus de 12'000 plaintes contre des supérieurs pour torture ou mauvais traitements. Mais la brutalité interne affecte bien plus les innocents loin du front que les soldats russes.

L'enquête se base sur des entretiens avec des prisonniers de guerre russes, des soldats revenus au pays et des proches de personnes décédées. Par ailleurs, «Verstka» a eu accès à des images et des vidéos dont Blick dispose en partie. 

La cruauté des commandants de Poutine peut être grossièrement répertoriée en trois catégories:

1

Les pelotons d'exécution

Dès 2023, des sources américaines avaient signalé l’existence d’unités dites de «blocage», chargées d’abattre tout soldat russe qui tenterait de battre en retraite ou de se rendre. Le nouveau rapport montre l’ampleur de ce phénomène baptisé zeroing («annihilation»).

Si les unités de blocage se limitaient d'abord aux bataillons composés de détenus graciés, ce système s’est désormais généralisé. Dans le 139ème bataillon d’assaut, par exemple, des pilotes de drones russes ont exécuté à distance des camarades en fuite à l’aide de mini-bombes.

Les morts seraient souvent jetés dans les rivières ou enterrés. La version officielle pour les familles est la suivante: leurs maris, frères et fils ont déserté. En effet, ce récit coûte moins cher à l'Etat qu'indemniser les proches des victimes.

2

Les hommes «phares»

Des dizaines de cas de soldats russes envoyés par leurs supérieurs en mission d'assaut suicidaire, en partie désarmés et sans équipement de protection, ont été rapportés. Ils devaient courir vers l'ennemi à découvert afin que les commandants russes puissent déterminer exactement d'où les Ukrainiens tiraient.

Les Russes appellent cette tactique «le phare». «La seule chance de survivre à ce traitement est d'être blessé puis capturé par les Ukrainiens», raconte un soldat.

3

Torture jusqu'à la mort

De terribles vidéos montrent des soldats ivres ou indisciplinés torturés par leurs camarades sous les ordres de leurs supérieurs, à coups d’électrochocs et de matraques. L’une d’elles, particulièrement glaçante, montre deux hommes à moitié nus enfermés dans un trou. Un soldat filme et déclare: «Le commandant Kama dit que celui qui tue l'autre peut sortir du trou.»

Les désespérés se jettent les uns sur les autres. «Tue-le et tu sortiras», crie la personne qui filme, encourageant les soldats qui se battent. Au bout d'un peu plus de deux minutes, l'un d'eux gît au sol, inerte et l'extrait s'arrête. La vidéo, consultée par Blick, n'a pas pu être vérifiée de manière indépendante.

Des rapatriés meurtriers

Les responsables sont très rarement sanctionnés. Selon un lanceur d'alerte de la justice militaire russe qui a donné des informations à «Verstka», les tortionnaires et les assassins bénéficient de l'immunité pour ne pas compromettre le succès opérationnel des missions avec des procédures gênantes.

Mais la violence ne s’arrête pas au front. Depuis le début de la guerre, des soldats russes démobilisés ont tué 242 personnes et en ont blessé grièvement au moins 227 dans leur pays. Plus de la moitié de ces crimes ont été commis par d’anciens détenus graciés pour leur participation au combat.

La guerre s'installe peu à peu en Russie. Non seulement par les attaques continues des Ukrainiens contre les raffineries de pétrole russes. Mais aussi, de plus en plus, par la violence pure et simple des rapatriés brutalisés qui se défoulent sur leurs proches et leurs semblables.

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