Du front aux favelas
Des chefs de gang profitent de la guerre en Ukraine pour renforcer leurs cartels

Le parcours d’un criminel brésilien parti en Ukraine pour maîtriser des armes de pointe interpelle. Les cartels tirent profit du conflit pour renforcer leurs capacités. Et les compétences acquises sur le front pourraient aussi intéresser la Suisse.
Publié: 19:21 heures
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Dernière mise à jour: 19:25 heures
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Des mercenaires brésiliens comme le gangster Philippe Marques Pinto s'impliquent dans la guerre en Ukraine.
Photo: Telegram
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Samuel Schumacher

Philippe Marques Pinto ressemble à de nombreux mercenaires en Ukraine: crâne rasé, tenue de combat, une expression sérieuse. Mais son cas est particulier. Dans la vidéo de recrutement du ministère ukrainien de la Défense, le Brésilien se tient devant un mur de briques, un regard grave en direction de la caméra, et raconte ses missions de soldat de défense aérienne sur le front. Chez lui à Rio de Janeiro, il travaillait comme «spécialiste de la sécurité» avant de partir combattre en Ukraine en 2023.

Mais la vidéo ne montre qu'une demi-vérité. Dans les favelas de la métropole brésilienne, Philippe Marques Pinto s'est fait un nom en tant que chef du gang «Comando Vermelho» (traduit par «Commando rouge»): une bande brutale de trafiquants de drogue et d'extorqueurs. Le mercenaire ne s'est pas rendu en Ukraine par conviction, mais avec un plan très précis. Au Brésil, les premières victimes sont déjà tombées. 

Nouvelles techniques de guerre

Le Brésilien serait venu en Ukraine pour y apprendre de nouvelles techniques de guerre telles que l'utilisation des drones: des compétences qu'il souhaiterait utiliser chez lui, à Rio, pour lutter contre les forces de l'ordre, selon les déclarations de la police brésilienne à la plateforme d'information ukrainienne «Kyiv Independent».

L'un des collègues mercenaires de Philippe Marques Pinto a confirmé à la télévision brésilienne que ce dernier était revenu plusieurs fois au Brésil depuis 2023. Et ce, pour transmettre les méthodes de combat qu'il avait apprises en Ukraine à ses collègues du cartel «Commando rouge».

Guerre des drones dans les favelas

Philippe Marques Pinto n'est pas un cas isolé. Les cartels latino-américains utilisent depuis un certain temps la guerre en Ukraine pour former leurs propres membres, comme l'a révélé le portail français «Intelligence Online». Les cartels les envoient comme mercenaires sur des fronts étrangers, où ils sont formés à l'utilisation d'équipements militaires parfois ultramodernes. Des connaissances qui leur sont utiles dans leurs «guerres» sanglantes contre la loi et l'ordre, dans leur propre pays d'origine.

Une opération policière brutale menée fin octobre contre le «Commando rouge» dans une favela de Rio de Janeiro – qui a fait plus de 100 morts – montre à quel point le transfert de connaissances du front ukrainien vers les favelas peut être meurtrier. Au cours des combats entre les membres du cartel et la police, des drones auraient été utilisés pour larguer des mini-bombes artisanales sur les forces de l'ordre. Une tactique sur laquelle les forces spéciales ukrainiennes et russes misent depuis des années. On estime que 70% des soldats tués sur le front ukrainien meurent lors d'attaques de drones.

L'armée ukrainienne, qui compte dans ses rangs des milliers de Colombiens, de Brésiliens et de Mexicains, fait désormais preuve de prudence lorsqu'il s'agit d'autoriser des soldats étrangers à suivre une formation sur l'utilisation des drones, confirme le mercenaire brésilien Everson Neves au «Kyiv Independent». Selon lui, l'armée aurait compris ce que certains mercenaires latino-américains recherchent réellement. 

Comment la Suisse pourrait en profiter

Les cartels de drogue ne sont pas les seuls à faire former leurs hommes au maniement des drones par les spécialistes ukrainiens. Le Danemark, par exemple, a déjà invité des officiers ukrainiens à venir montrer aux Danois ce qu'ils ont appris en près de quatre ans de guerre sur la technologie des drones et les moyens de défense contre ceux-ci. 

Les survols de drones qui ont forcé la fermeture de plusieurs aéroports en Europe cet automne rappellent l’ampleur du défi. En Suisse aussi, l’armée aurait tout intérêt à renforcer ses connaissances et ses capacités dans ce domaine.

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