La France n’est pas foutue, mais elle est très malade. Une maladie aux manifestations aussi multiples qu’inquiétantes alors que le nouveau gouvernement de Sébastien Lecornu entre en fonction ce lundi 13 octobre.
Maladie politique, vu la montée des oppositions radicales, à droite comme à gauche et vu l’impopularité record du président Emmanuel Macron. Maladie institutionnelle, vu les demandes de dissolution de l’Assemblée nationale et de démission anticipée du chef de l’Etat. Maladie sociétale, prouvée par la colère ambiante, les problèmes récurrents de pouvoir d’achat, le débat empoisonné sur l’immigration ou l’ampleur du narcotrafic. Maladie économique et financière enfin, vu la dégradation des comptes publics marquée par un déficit public de 151 milliards d’euros (4,7% du PIB), et la dette record de 3345 milliards d’euros.
Macron, l’héritage
Ces maladies ne sont pas toutes l’héritage de la présidence d’Emmanuel Macron, élu en 2017 et réélu en 2022. Certaines, comme la dérive des finances publiques, minent le pays depuis plus d’un demi-siècle, faute de capacité des gouvernements successifs de droite ou de gauche à présenter un budget en équilibre.
D’autres, en revanche, sont la conséquence directe de cette présidence qui n’aura pas réussi à transformer le pays comme le candidat Macron l’avait promis, et comme ses électeurs y ont cru. La verticalité du pouvoir, ce mal français de la Ve République gaulliste, s’est aggravée. La dégradation du débat public s’est enracinée. La déconnexion entre la classe politique et le pays réel est une blessure de plus en plus douloureuse. La progression de la droite nationale populiste semble devenue inarrêtable.
Un pays souffrant
Sébastien Lecornu est à l’image de ce pays qui traîne ses souffrances comme un boulet, malgré son attractivité pour les investisseurs étrangers, succès le plus tangible d’Emmanuel Macron en huit années et demie de présidence, avec sa défense infatigable de l’Europe. Le nouveau Premier ministre n’a pas d’autre ambition que de faire voter, sans doute à force de concessions faites aux socialistes, un budget pour 2026. Il a choisi, pour cela, une équipe composée de personnalités capables de forger un compromis, dont l’ancien patron de la SNCF, entreprise ferroviaire symbolique où les syndicats sont incontournables.
Bien joué? L’issue du débat à l’Assemblée nationale, où il ne dispose pas de majorité, le montrera jusqu’à la date butoir budgétaire du 31 décembre. Sauf que même si le projet de loi de finances pour 2026 est voté, les maladies françaises ne seront ni traitées, ni jugulées.
L’échec du «ni droite ni gauche»
Le système institutionnel, déréglé par le pari «ni de droite, ni de gauche» d’Emmanuel Macron, est ébranlé. La dépense publique est minée par son inefficacité chronique. L’obésité de l’Etat, employeur de six millions de fonctionnaires sur environ 27 millions d’actifs n’est pas traitée. L’appel à taxer toujours plus «les riches» sert de paravent à l’absence de réformes pourtant indispensables, comme celle des retraites qui s’apprête à être suspendue et remise à nouveau sur le tapis. La question de la productivité et du travail, décisive compte tenu de la compétition internationale version Donald Trump, est mise de côté.
La France est malade et beaucoup de Français le savent, puisqu’ils n’ont jamais autant épargné. Le diagnostic est connu. Le Premier ministre Sébastien Lecornu n’est d’ailleurs pas là pour traiter cette santé défaillante. Il espère juste calmer le patient. Durer, gagner du temps, espérer une rémission miraculeuse: n’est-ce pas ce qui caractérise, malheureusement, les patients atteints d’un mal incurable?