Un nouveau Premier ministre va donc être nommé en France. Sa nomination est dans les prochaines heures, après la réunion des dirigeants des partis politiques convoquée par Emmanuel Macron pour 14h30. Une réunion dont l'invitation a été adressée par le palais de l'Élysée à 1h13 du matin ! Annonce-t-elle la fin de la crise provoquée, lundi 6 octobre, par la démission surprise du chef de gouvernement Sébastien Lecornu, moins de quinze heures après l’annonce de son gouvernement? Sûrement pas.
Dans la matinée de vendredi, un candidat semble se profiler, et devancer tous les autres parce qu’il convient le mieux au président de la République. Il s'agit de Sébastien Lecornu, 39 ans, lui-même! Et c’est bien le problème. Car dans les faits, Emmanuel Macron est de plus en plus déconnecté du pays réel. Deux tiers des Français, selon les sondages tous convergents, estiment aujourd’hui qu’une dissolution de l’Assemblée nationale serait justifiée pour en finir avec les acrobaties parlementaires qui ne mènent nulle part.
Stabilité menacée
Plus grave encore pour les institutions et la stabilité du pays: 70% de ses compatriotes jugent que le chef de l’Etat réélu en avril 2022 pour un second mandat devrait démissionner maintenant, soit un an et demi avant la fin de sa présidence, en mai 2027. Le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon s’est d’ailleurs appuyé sur ces chiffres pour réclamer lui aussi le départ du président. «Macron démission»: ce slogan est dans presque toutes les têtes en France.
Comment s’en sortir dans ces conditions, pour ce président qui a réussi ce que ses deux prédécesseurs avaient raté: se faire réélire après un premier mandat de cinq ans? Sa stratégie, pour le moment, reste la même: forcer un nombre suffisant de parlementaires (577 députés, majorité absolue 289) à soutenir un gouvernement, ou à s’engager à ne pas le renverser. C'est ce qu'il nomme «les sens de la responsabilité collective», pour reprendre les mots de l'Elysée. En clair: Macron ne veut pas démissionner, ce qu’il a répété à plusieurs reprises, au motif de protéger les institutions.
Macron face aux députés
Pour lui, la responsabilité de la stabilité incombe donc à l’Assemblée nationale, qu’il a pourtant fracturée avec sa dissolution hasardeuse de juin 2024. Or, cette stratégie ne cesse d’échouer. Elle a conduit au vote d’une motion de censure contre le gouvernement de Michel Barnier, renversé après trois mois au début décembre 2024, puis au refus de la confiance au gouvernement de François Bayrou, forcé à la démission début septembre 2025, et enfin au départ de Sébastien Lecornu, lâché par la droite.
En théorie, vu de Suisse et d’autres pays européens, le retour aux urnes s’impose. Macron peut de nouveau dissoudre l’Assemblée, et il a cette fois de bons motifs pour le faire. Seulement voilà: son camp présidentiel semble assuré de perdre un tel scrutin législatif, alors qu’à l’inverse le Rassemblement national (RN) l’emporterait haut la main. Pas question, dès lors, pour Emmanuel Macron le proeuropéen, de risquer cette hypothèse qui relancerait les demandes sur sa démission anticipée.
Demandes du RN
Le RN, comme la gauche radicale, s’ils sortent vainqueurs des urnes, auraient beau jeu de dire que Macron n’a plus de légitimité. Sa fonction présidentielle deviendrait impossible. Sa fin de mandat serait calamiteuse pour lui et sans doute pour le pays.
Au final? Une ultime tentative pour ignorer ce que demandent en priorité les Français. Un essai de plus pour mettre autour de la table des partis qui, tous, sont prêts à s’entretuer politiquement pour la bataille de la présidentielle 2027. Il faut, pour voter un budget et assurer une stabilité, que le gouvernement obtienne l’accord de la droite traditionnelle, des socialistes, des écologistes et des centristes macronistes. Mais pourquoi sauver le soldat Macron? Seule hypothèse: chacun obtient ce qu’il demande. Des concessions sociales pour le PS. Pas de nouveaux impôts et des mesures sécuritaires pour la droite. On parle aussi de gouvernement technique au service du seul budget. Envisageable? Très compliqué en tout cas.
Le pays ne répond plus
La vérité est qu’Emmanuel Macron, soutenu désormais par 14% des Français, a perdu le pays. Et qu’il ne pourra pas raccrocher les wagons. Son bilan rime avec une dette publique record. Son ancrage européen est bousculé par la tornade Trump. Son centrisme au-dessus des partis ne correspond plus à la radicalité ambiante. Sa capacité à réformer le pays a été tuée par le psychodrame de la réforme des retraites d’avril 2023, maintenant remise en cause. Le divorce est total. Et le pays en paie le prix...