Des ministres déjà vus
Avec le gouvernement Lecornu, le macronisme est à l'agonie

Le nouveau Premier ministre français n'a pas réussi à convaincre de nouveaux partis de participer au gouvernement. Plus que jamais, Emmanuel Macron s'entoure de fidèles. Le débat budgétaire s'annonce explosif.
Publié: 05.10.2025 à 21:42 heures
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Dernière mise à jour: 05.10.2025 à 23:54 heures
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Sébastien Lecornu a pris 26 jours pour nommer son gouvernement. Pour reconduire au final la plupart des anciens ministres...
Photo: IMAGO/Bestimage
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Richard WerlyJournaliste Blick

Sébastien Lecornu a donc échoué. Nommé Premier ministre le 9 septembre après la censure de François Bayrou par une majorité de députés, l’ex-ministre de la Défense avait reçu pour mission de consulter les partis politiques en vue d’obtenir une sorte de «contrat de coalition» pour que le pays puisse au moins disposer d’un budget en 2026.


Raté. Après 26 jours de pourparlers, et quelques annonces pour renvoyer la balle budgétaire vers le Parlement, l’intéressé a dû revenir à la réalité: à savoir celle d’un pays où plus personne ne souhaite venir au secours d’Emmanuel Macron. Sauf ceux qui lui doivent tout, ou qui n’ont guère d’alternative politique.

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Rien de neuf

Telle est, en effet, la toile de fond du nouveau gouvernement français: rien de neuf, et aucun signe d’ouverture susceptible de garantir une stabilité jusqu’à la fin du mandat du chef de l’Etat, en mai 2027.

Sur les 18 ministres nommés in extremis ce dimanche un peu avant les journaux télévisés de 20 heures, 15 sont reconduits. Le plus important en cette période de crise budgétaire, à savoir les Finances, va à Roland Lescure, un proche d’Emmanuel Macron sans aucun poids politique au-delà de ce qui reste du parti présidentiel.

Le Ministère de la Défense, abandonné par Sébastien Lecornu, se retrouve dans les mains d’un revenant, Bruno Le Maire, l’ex-grand argentier considéré comme l’un des principaux responsables de l’endettement record du pays depuis 2017, passé ensuite quelques mois par l'Université de Lausanne.

Et l’un des nouveaux visages n’est autre que celui d’un vieux routier des années Sarkozy: Eric Woerth, nommé ministre de la Décentralisation quelques jours après avoir été relaxé dans l’affaire des présumés fonds libyens de la campagne présidentielle de «Sarko» en 2007, dont il était le trésorier.

Triple échec

La vérité est bien celle d’un échec. Un triple échec pour ce Premier ministre de 39 ans dont beaucoup louent le talent de négociateur, et dont on attend le discours de politique générale mardi 7 octobre à 15h, après un premier Conseil des ministres ce lundi.

Premier échec: l’impossible ouverture au centre-gauche, que son prédécesseur François Bayrou avait aussi envisagé. Sébastien Lecornu n’a pas donné de gages suffisants aux socialistes, en matière de fiscalité des plus riches ou sur un possible abandon de la réforme des retraites de 2023, pour que ces derniers lui apportent leur soutien.

Le budget, ce casse-tête

L’idée d’un «contrat de coalition» impliquant tous les partis de gouvernement, et laissant de côté les extrêmes (le Rassemblement national à droite, la France Insoumise à gauche) a fait long feu. Emmanuel Macron finit son mandat à droite, suspendu à l'assentiment du parti «Les Républicains» dirigé par le ministre de l'Intérieur reconduit, Bruno Retailleau. Lequel semble, en plus, être furieux du casting gouvernemental. Et ce sans aucune remise en cause par le nouv eau Premier ministre de la politique d’attractivité économique et d'aide aux entreprises accusée par la gauche d'avoir creusé les déficits.

Deuxième échec: l’absence d’un pacte de sérieux budgétaire. Le centriste François Bayrou a perdu la partie parce qu’il avait pris le risque d’annoncer la couleur, à savoir sa volonté de faire 44 milliards d’euros d’économies en 2026. Il avait au moins défendu un cap en s’attaquant à la dette record de la France: 3345 milliards d’euros, soit près de 120% de son produit intérieur brut. Le gouvernement Lecornu, lui, entre en fonction sans ligne de conduite visible et assumée sur les finances publiques.

Censure toujours possible

Il déposera bien sûr un projet de budget avant la mi-octobre, comme l’y oblige la constitution. Mais pour l’heure, malgré un mois de discussion, le nouveau Premier ministre est resté flou. Va-t-il reprendre le flambeau de Bayrou ou pencher, dans son discours devant les députés pour un volume d’économies budgétaires moins important? De quoi faire monter les taux d’intérêt et inquiéter les marchés financiers qui détiennent environ 55% de la dette française…

Troisième échec: l’aveu d’impuissance devant une possible censure du gouvernement. La seule concession de taille faite par Sébastien Lecornu en un mois a été sa promesse d’abandonner le recours à la procédure d’urgence de l’article 49.3 pour faire adopter le budget. La responsabilité budgétaire incombera donc aux partis, via le jeu des amendements. Les discussions pourront s’allonger.

Cela change-t-il la donne? Non. A tout moment, la coalition des oppositions (Rassemblement national, plus les partis de gauche) peut décider de tirer la prise. Ces oppositions peuvent à tout moment, si elles décident de voter ensemble, atteindre la majorité des 289 voix. Ce qui obligerait sans doute Emmanuel Macron à dissoudre de nouveau l’Assemblée nationale, à l’approche des municipales de mars 2026.

Panne politique

La France reste en panne politique. La perspective de l’élection présidentielle tétanise les partis, qui ont tous leur agenda, voire leurs candidats. Emmanuel Macron, plombé par son impopularité record (il n’a plus que 17% d’opinions favorables) est devenu toxique. La recherche d’une solution budgétaire commune n’est pas prioritaire, malgré les difficultés économiques du pays.

Même nommé, le nouveau gouvernement est condamné à rester, de facto, «en affaires courantes», puisqu’il n’a aucune marge de manœuvre. L’agonie politique d’Emmanuel Macron, toujours hyperactif sur la scène diplomatique et européenne, est en train de virer au calvaire national.

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