La France est au bord de la falaise. Et tout démontre, de l’absence de budget aux colères sociales en passant par la crise politique ou l’absence de majorité à l’Assemblée nationale, que le pays peut tomber dans le vide. Ce qui déstabiliserait encore plus une Union européenne fragilisée par les pressions géopolitiques des Etats-Unis et de la Russie, et par la poussée de plus en plus forte des partis nationaux populistes…
La France, en revanche, n’est pas un homme malade de l’Europe sans remède, sans volonté et sans possibilité de s’en sortir. Son appareil productif, dopé par les investissements obtenus – on l’oublie trop vite – au fil de la présidence d’Emmanuel Macron s’est modernisé et adapté aux nouveaux défis de la mondialisation numérique. Ses services publics, mal en point et trop coûteux, constituent toujours une armature solide d’un pays où l’Etat jouera toujours un rôle crucial.
Pas défaitistes
Les Français, enfin, ne sont pas défaitistes. Ils viennent encore de le prouver, paradoxalement, avec les manifestations du 18 septembre. La résignation et la colère sociale ont, il est vrai, de quoi inquiéter dans un pays travaillé par une éternelle fièvre révolutionnaire.
Mais cela trahit au moins la volonté de ne pas céder et la capacité à se mobiliser pour une forme de bien commun. Même si l’on peut s’interroger, une fois encore, sur cette détestation de la richesse et cette obsession fiscale qui, sans cesse, remontent à la surface.
La question n’est donc pas, alors que le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu recherche une issue politique pour faire adopter le budget 2026 à force de compromis, de savoir si le grand blocage aura lieu. Le défi est, pour ceux qui regardent la France depuis la Suisse ou ailleurs, d’être encore capables de discerner ce qui ne va pas et ce qui marche.
Le système de santé est en crise, mais il demeure solide. Le pays est trop endetté, mais l’épargne nationale privée atteint des records. L’économie patine, mais des atouts comme l’énergie nucléaire ou le rebond de l’industrie de défense demeure de solides atouts. La diplomatie française est attaquée (par exemple sur la Palestine qu’Emmanuel Macron s’apprête à reconnaître le 22 septembre à l’ONU), mais la parole de la France reste écoutée.
Panne française
Il est juste de pointer la panne française, et le danger qui découlerait d’une paralysie prolongée de son système politique et de ses capacités budgétaires. Il est normal de s’inquiéter devant le poids excessif du carcan administratif qui ligote le pays. Il est logique, vu de Suisse, de redire que l’augmentation de la charge fiscale n’est pas une illusion, et que la détestation collective de la richesse ne conduit nulle part.
En déduire en revanche que la France est K.O. n’a pas de sens. Le volontarisme économique, social, entrepreneurial est présent. Les diagnostics des maux français, en matière économique ou sur le plan de la sécurité et de l’immigration, sont connus. La décentralisation, lorsqu’elle est bien organisée, produit des résultats. Les Français veulent qu’on les sollicite davantage par référendums. Les idées françaises, en Europe, demeurent indispensables pour faire avancer l’Union et nourrir le débat.
Pas foutue
Non, la France n’est pas foutue. Au bord de la falaise, elle peut encore construire les ponts indispensables au-dessus du vide. Le rôle du prochain gouvernement, coûte que coûte, doit être d’en poser les premières pierres. En rappelant sans cesse au président de la République qu’il a, dans les faits, déjà terminé son mandat prévu pour s’achever en mai 2027. Et que son bilan, quoi qu'il fasse maintenant, est déjà écrit.