Ce chiffre qui fait peur n’est pas un fantasme. Il a été cité, à plusieurs reprises, par le préfet de Police de Paris et le ministre français de l’Intérieur. Laurent Nunez et Bruno Retailleau ont tous deux mis en garde contre la présence de «8000 casseurs professionnels» ce jeudi 18 septembre en France. A Paris, ils seraient près d’un millier en marge du cortège de l’intersyndicale qui marchera sur l’itinéraire classique des grandes manifestations: de la place de la Bastille à celle de la Nation, en passant par République, épicentre traditionnel de la contestation sociale.
8000 casseurs, dont un millier dans la capitale, face aux 80'000 policiers déployés dans tout le pays! Est-ce une surenchère volontaire du gouvernement démissionnaire, en pleine crise politique, pour justifier par avance le risque de dérapage? Ou est-ce une menace identifiée, entre les commandos du «black bloc», les groupuscules issus de la gauche radicale et les grappes de jeunes, pressés d’en découdre et de profiter du chaos ambiant pour mener des pillages et des actions coups de poing contre les forces de l’ordre, dans un pays encore marqué, sept ans plus tard, par les violents affrontements de l’hiver 2018/2019 entre les policiers et les «gilets jaunes»? Environ 600 personnes avaient alors été blessées, dont plus de 200 à la tête, notamment suite aux tirs de LBD, ces lanceurs de balles de défense très critiqués, dont certains sont produits en Suisse.
Leur objectif: en découdre!
La géographie humaine de ces casseurs a été détaillée par le préfet de police. Il s’agit pour l’essentiel de jeunes hommes, d’origine sociale diverse mais souvent venus de quartiers périphériques de la capitale, dont l’objectif est «d’en découdre» et de «s’en prendre aux commerçants et au mobilier public». Les autorités ont donc demandé à tous les commerces situés sur le passage du cortège principal, qui sera encadré par les services d’ordre des syndicats CGT, CFDT, Solidaires, FO et CFTC, de fermer leurs devantures. Les stations de métro parisiennes situées sur le trajet seront aussi fermées, alors qu’un mouvement de grève important va de toute façon paralyser le trafic des transports urbains.
Entre 50'000 et 100'000 manifestants sont attendus dans Paris, pour dénoncer les mesures d’économies budgétaires envisagées par l’ancien Premier ministre François Bayrou (renversé le 8 septembre par un vote de défiance massif à l’Assemblée nationale). Celui-ci prévoyait 44 milliards d’euros d’économies sur un total annuel de dépenses publiques d’environ 1650 milliards. Echec total. Deux jours après son départ et son remplacement express par le ministre sortant de la Défense Sébastien Lecornu, un très proche du président Emmanuel Macron, une première journée d’action sociale avait eu lieu le 10 septembre sous le slogan «Bloquons tout». Son succès avait été mitigé, avec 150'000 manifestants dans la France entière. Ce jeudi 18 septembre, près de 500'000 protestataires pourraient défiler dans les rues des grandes villes.
Contre le capitalisme et Israël
Sur les casseurs, l’inquiétude se lit dans les alertes. «Compte tenu des messages anticonsommation véhiculés et de la volonté de multiplier les actions coup de poing pour tenter de déborder les forces de sécurité, les artères commerçantes seront de nouveau plus spécifiquement surveillées pour parer à d’éventuelles dégradations» a annoncé la préfecture de police de Paris. Ses cibles? Des commandos «désireux de commettre des exactions visant notamment des marqueurs du capitalisme, des symboles de l’autorité publique ou des établissements assimilés au gouvernement israélien», à quelques jours de la reconnaissance annoncée par la France de l’Etat de Palestine lors de l’Assemblée générale des Nations unies le 22 septembre.
En matière d’arsenal répressif, le principal instrument à la disposition des forces de l’ordre est la loi du 10 avril 2019 visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public dans les manifestations. Elle prévoit que le fait de dissimuler volontairement ou partiellement son visage afin de ne pas être identifié au sein ou aux abords immédiats d’une manifestation sur la voie publique est considéré comme un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Comparutions immédiates
Lors des derniers débordements importants survenus à Paris, comme lors de la victoire du Paris Saint-Germain en Ligue des champions de football le 31 mai, plus de 300 interpellations avaient eu lieu. La plus grosse peine prononcée dans la foulée, en comparution immédiate, s’élevait à 15 mois de prison ferme avec mandat de dépôt, mais la majeure partie des sanctions ont été des peines de travail d’intérêt général, des amendes ou de la prison avec sursis.