Mur politique et budgétaire
La crise française en 10 questions: c'est grave docteur!

François Bayrou a présenté ce mardi 9 septembre la démission de son gouvernement à Emmanuel Macron. La France se retrouve face à un mur politique, social et budgétaire.
Publié: 12:48 heures
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Dernière mise à jour: 13:31 heures
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Emmanuel Macron a promis aux Français un Premier ministre «dans les prochains jours».
Photo: IMAGO/Bestimage
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Richard WerlyJournaliste Blick

Il faut parfois revenir aux fondamentaux pour bien comprendre une crise. Celle que traverse la France, après la démission forcée de François Bayrou, mérite de plonger dans les coulisses politiques, sociales et budgétaires de notre grand voisin. Un voisin malade? Oui, assurément. Et, pour l’heure, sans remède convaincant, un an et demi avant la fin du second mandat présidentiel d’Emmanuel Macron, en mai 2027.

Pourquoi Bayrou est tombé?

Parce qu’il a commis l’erreur de solliciter un vote de confiance sur de grandes orientations budgétaires (44 milliards d’euros d’économies, suppression de deux jours fériés…) sans travailler à un compromis formel entre partis. Bayrou a cru être l’homme providentiel, capable de dire la vérité aux Français. Il a raté son pari. Il aura gouverné neuf mois, entre décembre 2024 et septembre 2025. Avant lui, son prédécesseur Michel Barnier avait aussi été censuré par les députés. Cet épisode est inédit sous la Ve République.

Macron va-t-il démissionner?

Non. Il a plusieurs fois affirmé qu’il resterait président de la République jusqu’à la fin de son second mandat, en mai 2027. Or la Constitution le protège. Rien ne peut l’obliger à partir, sauf une procédure de destitution, à ce stade impossible à voter car il faut les deux tiers des députés. Mais que se passera-t-il si la pression politique monte et que le nouveau gouvernement échoue à nouveau? Rappelons que la crise actuelle est la conséquence directe de sa dissolution de l’Assemblée, le 9 juin 2024.

La France est-elle encore gouvernée?

Oui. Le gouvernement démissionnaire de François Bayrou, rejeté par 364 députés sur 577 lundi 8 septembre, va continuer à gérer «les affaires courantes» jusqu’à la nomination d’un nouveau Premier ministre. Ce fut le cas, rappelons-le, pendant plus de deux mois pour Gabriel Attal, après les législatives anticipées de juin 2024. La France des Jeux olympiques d’été, belle réussite saluée par tous, avait à sa tête un gouvernement intérimaire, sorti perdant des urnes. Emmanuel Macron, seul habilité à nommer le chef du gouvernement, a toutefois promis d’annoncer un nom «dans les prochains jours».

La gauche reviendra-t-elle au pouvoir?

Quelle gauche? C’est toute la question. Au sortir des législatives de juin 2024, provoquées par la dissolution surprise de l’Assemblée nationale, la gauche était unie sous la bannière du «Nouveau Front populaire» (socialistes, écologistes, communistes et Insoumis). Mieux: cette alliance était arrivée en tête avec 192 députés sur 577. Elle revendiquait donc de gouverner. Un an et demi plus tard, le NFP est à terre. Le PS s’est détaché avec ses 66 députés. Il voudrait néanmoins que l’un des siens dirige le prochain gouvernement. Possible, mais à la condition de s’entendre avec la droite et le centre.

Faut-il dissoudre l’Assemblée?

Non. Emmanuel Macron n’y est pas obligé, et il ne le veut pas à ce stade. Restent les faits: deux des principaux partis représentés à l’Assemblée, le Rassemblement national (droite nationale populiste, 120 députés) et La France Insoumise (gauche radicale, 70 députés) réclament un nouveau scrutin. Il est vrai que cette solution serait démocratique. Mais elle augmenterait la pression sur le président de la République. En cas de défaite de son camp, et compte tenu de la victoire probable du RN, celui-ci devrait accepter une cohabitation, et la question de sa démission se poserait.

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Le RN sort-il gagnant?

Oui. Le Rassemblement national, premier parti du pays, dispose du principal groupe de députés, présidé par Marine Le Pen. En cas de dissolution et de nouvelles législatives, sa victoire semble assurée, même s’il n’est pas du tout certain d’obtenir une majorité de sièges à l’Assemblée. Pour l’heure, le RN va rester dans l’opposition, prêt à censurer tout nouveau gouvernement. Point crucial: Marine Le Pen, actuellement condamnée à une inéligibilité de 5 ans pour «détournement de fonds publics» sera rejugée en appel à partir du 13 janvier 2026.

La France est-elle en faillite?

Non. Mais tous ses indicateurs budgétaires et économiques sont au rouge. François Bayrou a dévoilé devant les députés, lundi, le nouveau montant record de la dette publique: 3415 milliards d’euros, soit 120% du produit intérieur brut (contre environ 60% en Suisse). Le déficit public sera de 5,4% en 2025. La croissance économique sera inférieure à 1%. Le pays n’a pas connu de budget excédentaire depuis 51 ans. Le 12 septembre, l’agence Fitch doit publier sa nouvelle notation de la dette française. La Commission européenne demande au moins 25 milliards d’euros d’économies budgétaires par an. En clair: le pays est en train de dérailler.

Le chaos social menace-t-il?

On le saura dès ce mercredi 10 septembre. Sur les réseaux sociaux, les collectifs «Bloquons tout» se sont multipliés et les autorités redoutent une épidémie d’actions coups de poing dans les gares, les banques ou sur les autoroutes, à la manière des «gilets jaunes» de l’hiver 2018-2019. Viendra ensuite la journée de grève du 18 septembre, à l’appel des syndicats. Un leader politique mise ouvertement sur le chaos dans la rue: le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon.

Une coalition est-elle possible?

Oui, mais elle sera fragile, voire très fragile. S’ils acceptent de travailler ensemble en boycottant les deux extrêmes que sont le Rassemblement national et La France Insoumise, les autres partis peuvent compter sur environ 350 députés, soit la majorité. Mais ils ne sont pas d’accord sur le budget, et sur des questions aussi importantes que la taxation des plus riches, réclamée par le PS. Seule une coalition à objectifs minimaux est possible. Avec dans son viseur les deux budgets 2026-2027, et des économies budgétaires moins importantes que les 44 milliards d’euros préconisés par François Bayrou.

Macron va-t-il déployer l’armée?

Non. La rumeur d’un possible état d’urgence et d’un déploiement de l’armée pour lutter contre d’éventuels émeutiers ne tient pas. La France n’est pas en état de siège. Le pays fonctionne. Le problème est politique. Il ne faut pas exclure, en revanche, des affrontements entre manifestants et policiers comme ce fut le cas avec les «gilets jaunes». L’instabilité attise, de facto, les tensions sociales.

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