Un million de manifestants
Pourquoi la France ne supporte plus les riches

Un million de manifestants dans la rue à travers la France, selon le syndicat CGT. Ce jeudi 18 septembre, la journée de mobilisation sociale a surtout été marquée par l'appel à la justice fiscale. Et à la taxation des riches dans un pays déjà saturé d'impôts.
Publié: 18.09.2025 à 21:49 heures
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Dernière mise à jour: 08:52 heures
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«Taxer les riches»: ce slogan était brandi partout lors de la journée de mobilisation sociale du 18 septembre en France.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ils doivent payer. Au nom de la justice fiscale. Au nom, aussi, de la justice sociale. Tout au long de la journée de mobilisation syndicale en France, ce mardi 18 septembre, le slogan «Taxons les riches» a dominé les manifestations. Plus d’un million de manifestants étaient dans la rue à travers le pays, selon le syndicat CGT. Un message difficile à ignorer pour le Premier ministre Sébastien Lecornu, pourtant issu de la droite et très proche d’Emmanuel Macron, ce président qui a tant fait pour attirer les investissements, et relancer la machine économique à créer de la richesse, notamment dans l’innovation technologique.

Pourquoi cet appel généralisé à une contribution fiscale encore plus importante des patrimoines les plus fortunés, dans une France où l’une des premières décisions du jeune président Macron, en 2018, fut la réforme de l’Impôt de solidarité sur la fortune. Il n’en reste aujourd’hui qu’une partie, la taxation sur le patrimoine immobilier. Mais dans l’esprit de nombreux Français, ce n’est pas acceptable. D’où l’accueil chaleureux réservé à gauche, et au-delà, à la proposition d’une taxe de 2% sur les plus hauts patrimoines, au-dessus de 100 millions d’euros, défendue par l’économiste Gabriel Zucman.

Plus de justice fiscale

Dans les faits, trois raisons expliquent cette pression pour plus de justice fiscale, dans un pays où les prélèvements obligatoires atteignent le record du club de l’OCDE, soit environ 45% du produit intérieur brut annuel.

«La première raison est l’imaginaire révolutionnaire français. Il perdure et se réveille toujours en période de crise» note l’expert en géopolitique Thierry de Montbrial, qui présentait cette semaine le rapport annuel Ramses de son Institut Français des Relations Internationales. L’intéressé, familier de tous les gouvernements depuis la fin des années soixante, a enseigné à l’école Polytechnique dont il est issu. Economiste de formation, il connaît les chiffres. «La passion de l’impôt sert d’exutoire. Beaucoup de Français n’arrivent pas à croire que la richesse vient de l’entreprise, et que la fiscalité tue l’appétit créatif. C’est l’héritage de la puissance passée du parti communiste» explique-t-il à Blick.

Déluge d’aides publiques

Deuxième raison exprimée ouvertement par les manifestants ce 18 septembre, mais aussi lors de la journée «Bloquons tout» du 10 septembre: les dérives de la présidence Macron. Le chef de l’Etat âgé de 49 ans, passé par la banque Rotschild et longtemps conseillé par l’ancien PDG de Nestlé Peter Brabeck, a fait de l’attractivité de la France son mot-clé. Il a donc encouragé, au cours de ses deux mandats, les aides publiques aux entreprises qu’un livre récent évalue à 270 milliards d’euros par an! Soit six fois le montant des économies budgétaires envisagées par l’ancien chef du gouvernement François Bayrou, contraint de démissionner après un vote de défiance massif à l’Assemblée national le 8 septembre.

Les auteurs de cet essai intitulé «Le grand détournement» estiment parallèlement que la fortune des milliardaires français a augmenté de 86%, soit un gain de 236 milliards d’euros en 2020-2021, au sortir de la pandémie de Covid 19, soit davantage que sur toute la décennie précédente. Ceci, alors que plus de six Français sur dix affirment connaître des problèmes de pouvoir d’achat, et que 73% des personnes interrogées dans un sondage récent disent avoir «reporté en 2025 leurs grosses dépenses, faute de pouvoir faire face». La baisse du chômage n’est pas considérée comme un acquis positif. La France, pour rappel, est un pays où seuls 19 millions de foyers de fiscaux sur 41 millions paient l’impôt sur le revenu…

Coupes budgétaires

Troisième raison: la peur, très installée dans le pays, de coupes budgétaires qui détérioreraient encore plus les services publics. 69% des Français affirment tenir à ces services publics dont l’image ne cesse de se dégrader, faute de moyens. La question des déserts médicaux, et celle des dysfonctionnements scolaires sont le plus souvent évoquées dans les enquêtes d’opinion. Résultat: les manifestations de ce 18 septembre ont scandé les demandes de rallonge budgétaire, alors que le projet de loi de finance pour 2026 est en panne. Pour espérer la faire adopter, le nouveau premier ministre doit au minimum convaincre, en plus des partis actuels représentés au gouvernement (droite et centre-droit), le parti socialiste. Lequel exige des concessions sociales et l’abandon des «politiques macronistes de l’offre».

Les Français les plus fortunés, sacrifiés sur l’autel de la fin du mandat d’Emmanuel Macron? Ce serait une ironie absolue, pour celui que beaucoup de manifestants continuent de surnommer «le président des riches», au vu des cadeaux fiscaux concédés aux entreprises et aux plus hauts revenus.

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