Six Français sur dix l'exigent
Pourquoi Macron ne démissionne pas (en 10 questions)

On ne gouverne pas avec les sondages. D'accord. Mais peut-on les ignorer? Alors qu'une nouvelle journée d'action sociale risque de paralyser la France ce jeudi 18 septembre, six Français sur dix réclament la démission d'Emmanuel Macron. Possible?
Publié: 14:08 heures
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Dernière mise à jour: 14:52 heures
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Emmanuel Macron a été réélu président de la République en avril 2022. Son second mandat s'achèvera en mai 2027.
Photo: imago/Le Pictorium
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Richard WerlyJournaliste Blick

Six Français sur dix l’exigent, selon les derniers sondages. Entre 60 et 65% des personnes interrogées souhaitent le départ anticipé d’Emmanuel Macron, ce président de la République dont le second mandat s’achèvera en mai 2027, sans possibilité de se représenter une troisième fois. Au moment où le pays est en pleine crise politique, et où les manifestations sociales de ce 18 septembre augmentent la pression sur l’exécutif, pourquoi le chef de l’Etat français ne démissionne pas? La réponse en dix questions.

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Il est le gardien des institutions

C’est l’argument brandi à chaque fois par Emmanuel Macron, élu pour la première fois président de la République en mai 2017, à 39 ans. La constitution française, depuis sa révision de 2008, limite à 5 ans le mandat présidentiel (contre sept auparavant), et interdit plus de deux mandats consécutifs. L’actuel chef de l’Etat estime donc indispensable de s’en tenir à la lettre des institutions. Il oublie, ce faisant, que le fondateur de la Ve République, le Général de Gaulle, en avait eu une tout autre lecture. Désavoué lors du référendum du 27 avril 1969 (qui portait notamment sur les pouvoirs du Sénat) par 52,4% de non, ce dernier avait présenté sa démission le lendemain.

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Il incarne la stabilité

Difficile à entendre, au vu des convulsions sociales et politiques qui secouent la France, surtout depuis la décision très hasardeuse d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale le 9 juin 2024. Et pourtant: tel est l’autre argument mis en avant par son entourage. Céder à la pression des sondages, et aux manifestations, reviendrait à plonger la France dans une grave instabilité. Il faut, pour le président, s’en tenir aux échéances. Deux partis politiques pensent le contraire: le Rassemblement national (droite nationale populiste) et La France insoumise (gauche radicale), qui évoquent constamment son départ anticipé.

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Il a été élu démocratiquement

C’est très juste. Et c’est là le point essentiel. Le 24 avril 2022, Emmanuel Macron et son épouse s’avancent sur le Champ de Mars, sous la Tour Eiffel. Le président français sortant vient d’être réélu avec 58,55% des suffrages, soit une très large avance sur son adversaire Marine Le Pen, qu’il bat pour la seconde fois. Cette réélection est moins triomphale qu’en 2017 (66,1%), mais elle lui confère une incontestable légitimité démocratique. Ni Nicolas Sarkozy (2007-2012), ni François Hollande (2012-2017) n’avaient réussi, avant lui, à rempiler pour un second mandat.

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Il est le rempart contre les extrêmes

Vraiment? On peut, en tout cas, interpréter les sondages de façon inverse. N’est-ce pas Emmanuel Macron, et sa manière de présider la France, qui poussent les électeurs vers les extrêmes et font que le Rassemblement national est aujourd’hui vissé à la place de premier parti du pays, avec prés de 35% des suffrages? Emmanuel Macron pense différemment. Il pense que seule une coalition des «partis de la raison», proeuropéens, peut résister à la poussée extrémiste. Et il croit encore en être la meilleure incarnation. Crédible? Pas au vu de son impopularité: moins de 20% d’opinions favorables ces dernières semaines.

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Il ne gouverne pas

En théorie, c’est vrai. Et c’est d’ailleurs ce qu’Emmanuel Macron a essayé de faire depuis sa dissolution ratée de juin 2024 et les législatives désastreuses (pour son camp, privé de majorité) qui ont suivi. Les deux premiers ministres nommés dans la foulée, le gaulliste Michel Barnier (5 septembre-13 décembre 2024) et le centriste François Bayrou (23 décembre 2024 – 9 septembre 2025), ont nettement pris leurs distances vis-à-vis de l’Elysée. Sauf que cela n’a pas marché. Pour les Français, le patron c’est Macron. Point. Celui-ci vient d’ailleurs d’en tirer la leçon et de nommer à la tête du gouvernement le ministre sortant de la Défense, dont il est très proche: Sébastien Lecornu.

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Il est l’arbitre indispensable

Là encore, cet argument bute malheureusement sur des faits contraires. Durant la campagne pour les législatives de 2024, Emmanuel Macron s’est clairement positionné en faveur du «front républicain» contre le Rassemblement national, qui était bien placé pour emporter autour de 200 sièges de députés, au lieu de ses 120 élus actuels à l’Assemblée. Emmanuel Macron n’est pas un arbitre et Marine Le Pen, la patronne du RN, l’a d’ailleurs prévenu. En cas de nouvelle dissolution, son éventuelle implication directe dans la campagne sera lourde de conséquences. Si son camp présidentiel perd, il devra démissionner.

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Il redoute de perdre le pouvoir

C’est évidemment l’une des raisons principales du refus de démissionner, après huit années de présidence. Emmanuel Macron, qui aura 48 ans le 21 décembre, redoute de quitter l’Elysée, ce palais présidentiel où il dispose, quoi qu’il arrive, d’un «domaine réservé»: les Affaires étrangères et la Défense. S’il démissionne, que lui restera-t-il? Une confortable retraite d’environ 10 000 euros mensuels, des bureaux, un secrétariat, mais surtout l’image d’un président qui a dû renoncer. Comme son prédécesseur (et ancien employeur) François Hollande, qui, lui, n’avait pas pu se représenter pour un second mandat. Quitter la présidence avant terme serait un cauchemar.

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Il n’a pas de modèle

Ou plutôt si: le seul modèle d’un président français qui a osé démissionner, face à l’opposition des électeurs, est Charles de Gaulle en 1969. Mais le costume gaulliste est un peu grand pour Emmanuel Macron, ce président qui promet sans cesse des référendums (y compris lors de ses derniers vœux du 31 décembre 2024) mais ne passe jamais à l’acte lorsqu’il s’agit de consulter le peuple français. Partir maintenant serait pour lui un terrible aveu d’échec. Même si cela aurait l’avantage de remettre les pendules politiques du pays à l’heure. D’abord une présidentielle, puis des législatives anticipées après dissolution de l’Assemblée par le nouveau président élu.

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Il a peur de l’après

Bien sûr! Cela ne fait aucun doute. Peur politique. Peur personnelle. Emmanuel Macron a été élu à 39 ans. C’était alors un Ovni politique qui s’est imposé seul contre tous. Bravo! Mais depuis, sa manière de présider la France, très verticale et centralisée, a renforcé ses détracteurs, et alimenté un flot de violence problématique à son égard. Les attaques détestables contre son épouse Brigitte Macron rendent aussi son départ difficile. On parle d’une carrière internationale pour Macron après la présidence. On évoque un poste européen. Mais dans un Vieux Continent où souffle le vent national populiste, et dans une France où les «gilets jaunes» lui vouent une solide rancœur, cela risque d’être compliqué. Et très risqué.

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Il espère encore l’emporter

Sacré Macron! Le président Français est un joueur politique invétéré. Il croit au dernier coup de dés, à l’ultime retournement au poker du pouvoir. C’est le sens de la nomination comme Premier ministre de Sébastien Lecornu. Macron se sait détesté par une partie des Français. Il est conscient d’avoir le dos au mur. Mais en homme de son époque, celle des réseaux sociaux qu’il affectionne, Emmanuel Macron pense que les choses peuvent encore changer. Il mise sur sa prestance à l’international. Il veut incarner la défense européenne de l’Ukraine, l’autonomie européenne envers les Etats-Unis, et le droit à s’opposer à Israël face au massacre des Palestiniens à Gaza. Il veut laisser derrière lui un bilan, notamment sur le plan de l’attractivité économique de la France, sa principale réussite. Mais n’est-il pas déjà trop tard?

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