Sébastien Lecornu annoncera la composition de son gouvernement ce week-end. Puis le Premier ministre français prononcera mardi 7 octobre son discours de politique générale devant le Parlement. Avec un seul objectif: parvenir à faire voter un budget pour 2026, pour lequel il s’est engagé ce vendredi à ne pas utiliser la procédure d’urgence de l’article 49.3, ce qui ouvre la voie aux amendements et à la négociation entre partis représentés à l’Assemblée nationale.
La toile de fond est connue: 3345 milliards d’euros de dette, soit près de 120% du Produit intérieur brut (PIB). Une charge d’intérêts annuels à payer d’environ 50 milliards d’euros, soit presque le montant du budget de la Défense. La France est, pour beaucoup d’observateurs, sur la voie du grand déraillement budgétaire si elle ne réduit pas sa dépense publique. L’agence financière Fitch a d’ailleurs dégradé d’un cran la note du pays le 12 septembre, de AA- à A +. Les marchés financiers ont la République dans leur collimateur. Prochaines notes attendues? Celle de l’agence Moody’s, le 24 octobre, puis celle de Standard & Poors le 28 novembre.
Comment en est-on arrivé là? Cette question est souvent esquivée. La réponse est pourtant identifiée. Mais elle fait mal à la classe politique française dans son ensemble, car la droite et la gauche sont, de facto, coresponsables de cette dégradation continue des finances. Au moins pour ces trois raisons, difficiles à contester.
L’Etat français trop dépensier
En 2024, les dépenses publiques ont atteint 57,1% du PIB de la France. C’est la deuxième place derrière la Finlande (57,6%), la moyenne de la zone euro étant à 49,6% (contre 32% pour la Suisse). La «ruine» de la France ne vient donc pas de son manque d’attractivité, puisque le pays reste la première destination européenne pour les investissements étrangers en 2025, avec 40,8 milliards d’euros d’investissement et 53 projets annoncés lors du sommet «Choose France» de mai 2025.
Cette «ruine» n’est pas non plus le produit d’un manque de recettes fiscales puisque la France est l’un des pays qui taxe le plus au monde, et récolte le plus d’impôts (les prélèvements obligatoires y représentent depuis dix ans entre 43 et 45% du PIB, contre 27% en Suisse).
Reste donc une explication: l’augmentation constante des dépenses de l’Etat. En 2014, celui-ci, sous toutes ses formes (administrations, sécurité sociale, collectivités locales), a dépensé 1151 milliards d’euros. En 2024? 1987,2 milliards d’euros. Seul réconfort: la croissance des dépenses publiques en volume a diminué avec le temps: 3,2% de 1975 à 1990 puis 2,4% de 1991 à 2010 et 1,2% de 2011 à 2024 en moyenne annuelle.
Une droite peu économe
En théorie, la droite est conservatrice. Ou libérale. Ou les deux. Les gouvernements de droite n’aiment donc pas la dépense publique, lui préférant l’investissement privé. Sauf en France! Fin 1995, le président gaulliste Jacques Chirac préside un pays qui accuse une dette souveraine de 701,60 milliards d’euros. En 2007, Nicolas Sarkozy lui succède à la tête d’une France endettée à hauteur de 1327,1 milliards, puis il la quitte 5 ans plus tard avec une dette de 1 833,8 milliards. 500 milliards d’augmentations en un quinquennat, soit 100 milliards d’euros par an!
Bis répétita avec Emmanuel Macron, ce président venu du centre gauche, mais avocat d’une politique économique libérale, centrée sur l’attractivité et les baisses d’impôts pour les entreprises ou les grandes fortunes. En 2017 lorsqu’il est élu, la dette française s’élève à 2218 milliards d’euros. En 2025? 3415 milliards d’euros. Le président socialiste François Hollande a proportionnellement moins dépensé. Mais le trou des finances publiques a continué de se creuser aussi sous son mandat.
Dépenses sociales et fonctionnaires, toujours plus
Les dépenses publiques françaises consacrées à la protection sociale s’élevaient à 32,3% de PIB en 2023, contre 26,5% en moyenne en Europe et 27,2% en Allemagne. Selon l’institut Fipeco, la part des dépenses sociales dans le budget de la France est passée de 17,2% du PIB en 1975 à 25,6% en 2024.
Coté employés de la fonction publique, toutes catégories confondues, même augmentation: 4,6 millions de personnes en 2000, 5,8 millions un quart de siècle plus tard, soit un salarié sur 5. En clair: le poids de la charge des administrations et des dépenses sociales a augmenté plus vite que la croissance économique. Le PIB français s’établissait en 2005 à 2190 milliards d’euros. Il était, en 2024, de 2920 milliards. Une addition intenable que les Français ont bien anticipée en épargnant toujours plus. Le taux d’épargne est, en France, proche de 19%. Le total de l’épargne privée dépasse les 6000 milliards d’euros.
Au final? Un pays où la création de richesse par les entreprises ploie sous un fardeau de plus en plus lourd à porter. Un pays où 77% de Français, selon une enquête de l’institut libéral IFRAP s’inquiètent de l’ampleur de la dette. Un pays où les syndicats refusent toute baisse de la dépense publique. La recette pour la ruine? En tout cas, la recette pour une crise sérieuse face à laquelle le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu n’a, pour l’heure, pas d’antidote.