François Bayrou a renoncé à la thérapie de choc. Le Premier ministre français a pourtant d’emblée prévenu, au début de son allocution très attendue sur l’avenir budgétaire de la France, ce mardi 15 juillet: un scénario «à la grecque» menace son pays si rien n’est fait pour corriger l’augmentation continue du déficit et de la dette qui s’établit cette année à 3350 milliards d’euros, soit plus de 115% du produit intérieur brut (PIB). Depuis 50 ans, aucun budget français n’a été à l’équilibre. «La France est accro à la dépense publique», a asséné le chef du gouvernement. Ok donc sur le constat.
Et après? Un très long exposé sur la nécessité de réformer l’Etat, l’assurance maladie publique ou l’assurance chômage. Mais sans mesure phare susceptible de provoquer une prise de conscience de ses compatriotes.
44 milliards d’euros à trouver
Le curseur est posé sur un chiffre: 44 milliards d’euros. Sur un total de dépenses publiques de la France (celles de l’Etat, de la sécurité sociale et des collectivités locales) évalué à 1700 milliards d’euros par an, les économies à réaliser semblent modiques. Erreur. C’est une multiplication d’ajustements que le chef du gouvernement a proposée.
Exemple: dans un pays qui compte environ 5,8 millions de personnes employées, sous ou un statut ou un autre, par le secteur public (soit 1/4 de la population active, record européen), seuls trois mille postes de fonctionnaires seront supprimés en 2026. S’y ajouteront peut-être la disparition de 1000 à 1500 emplois publics dans les agences étatiques ou autres commissions amenées à être supprimées. Pour mémoire, Emmanuel Macron avait promis, lors de sa campagne électorale victorieuse de 2017, la suppression de 120’000 postes de fonctionnaires, soit 100 fois plus!
Place au bricolage
Comment parvenir à ces 44 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2026 qui sera soumis au Parlement à l’automne? Par une sorte de bricolage qui vise surtout à éviter que les oppositions se coalisent et votent une motion de censure qui renverserait le gouvernement, comme fut le cas pour le premier ministre Michel Barnier le 5 décembre 2024. Exemple: 5 milliards d’euros seront économisés par une restructuration de l’Etat. 21 milliards seront trouvés en limitant à la marge les dépenses de l’assurance maladie et sept milliards seront obtenus par l’instauration d’une «année blanche» budgétaire…
L’année blanche justement. Tout le monde l’attendait et elle arrive. Cela ne signifie pas que l’Etat français dépensera moins. Cela ne veut pas dire non plus que les collectivités locales qui se superposent souvent (régions, département, communautés de communes, communes) verront leurs budgets amputés. L’année blanche consiste juste à recopier, en 2026, les dépenses et les barèmes de 2024. Une révolution? Sûrement pas. Plutôt une diète.
Deux jours fériés supprimés
Deux mesures sont à retenir sur le plan fiscal: la suppression partielle de l’abattement fiscal pour les retraités, et une nouvelle contribution de solidarité, faux nom pour désigner le retour d’une forme d’impôt sur la fortune. Suit l’ouverture d’un chantier sur la renégociation de l’assurance chômage, et une proposition de suppression de deux jours fériés par an – a priori le lundi de Pâques et le 8 mai, date de la victoire de 1945 sur les nazis. Refrain connu et souvent entendu: la fraude fiscale et sociale sera encore plus combattue. Elle représentait en 2024 17 milliards d’euros, contre 15 milliards en 2023. Preuve que les contrôles mis en place ne sont guère performants…
Le mérite du réalisme
«Tout concourt au fatalisme, à ce qu’on ne fasse rien, à ce qu’on décrète impossible les réformes», a conclu François Bayrou, pourfendeur de longue date de l’endettement public de la France. Ses propositions du jour, dans une situation politique difficilement tenable, ont au moins le mérite du réalisme, car il s’agit de dire à la France qu’elle va dans le mur. D’où le choix du slogan «Le Moment de vérité».
Mais les vérités présentées aux Français ce 15 juillet semblent encore loin, très loin du compte pour provoquer les changements indispensables de comportement et pour mettre fin aux dysfonctionnements de l’Etat. Pendant ce temps, les Français sont plus que jamais écureuils. Preuve de leur inquiétude et de leur peu de confiance dans le redressement du pays, leur taux d’épargne atteint cette année le record de 18,8%.
Dégraisser pour de bon le mammouth budgétaire français? On n’y est pas encore.