Bayrou parle ce mardi
La vérité sur les comptes de la France? Elle est là

Gueule de bois assurée après les festivités du 14 juillet. Au lendemain de la fête nationale et du défilé militaire à Paris, le Premier ministre français doit donner ses recettes pour enrayer le déficit et l'endettement du pays.
Publié: 15:07 heures
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François Bayrou (à droite) a la lourde charge de remettre les finances de la France sur les rails.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

A quoi sert la Cour des comptes? Au vu des mesures prises par le gouvernement français pour réduire ses déficits et son endettement ces dernières années, la réponse est: à rien. Oui, la Cour des comptes en France parle et publie des rapports dans le vide. Alors qu’ils éclairent d’un jour glaçant la réalité financière du pays sur laquelle François Bayrou doit s’exprimer ce mardi 15 juillet à 16 heures.

Le tout dernier rapport de l’institution supposée être, en France, le chien de garde de l’argent public, remonte au 2 juillet. Et son verdict est clair dès les premières pages: «Après une dégradation inattendue du déficit public de 0,6 point de PIB en 2023, celui-ci s’est de nouveau creusé de 0,4 point en 2024 pour s’établir à 5,8%, soit 168,6 milliards d’euros. Cette dérive ne doit rien à des circonstances extérieures: elle est la conséquence d’hypothèses trop favorables sur la croissance et les recettes, mais surtout d’une incapacité à maîtriser la dynamique de la dépense et à engager des efforts d’économies pérennes.» L’exécutif est donc prévenu: le pays déraille.

Une dette qui dérape

Et c’est sérieux: «Exigeante et difficile, la reprise de contrôle de nos finances publiques dès 2026 est impérative à la soutenabilité de la dette» assène la Cour, présidée par l’ancien ministre socialiste des Finances (et ancien commissaire européen) Pierre Moscovici.

Cette vérité est celle que le Premier ministre centriste, qui ne dispose pas de majorité à l’Assemblée nationale, a promis de prendre à bras-le-corps. Des annonces «douloureuses» sont attendues. Soit. Mais le risque est, comme cela arrive souvent en France, que François Bayrou tente aussi de «noyer le poisson» en évitant de cibler ce qui pose le plus problème: le dérapage incontrôlé des dépenses publiques.

Une dérive des dépenses publiques

«Les objectifs d’évolution des dépenses publiques, déjà globalement insuffisants pour permettre à eux seuls une réduction du déficit, sont incertains pour les collectivités locales en l’absence de mécanisme réellement incitatif ou contraignant, de même que pour les dépenses de santé», notent les magistrats de la Cour des comptes. Lesquels tapent fort: cette nouvelle dérive trouve sa première cause dans une forte progression du «cœur» de la dépense publique qui augmente deux fois plus vite que la croissance économique. «Cette perte de contrôle est essentiellement imputable au dynamisme de la dépense des administrations locales et davantage encore à celle des administrations de sécurité sociale.»

Leur solution? «La maîtrise des dépenses de l’Etat, sur lequel repose l’essentiel des efforts en dépense, passe par des mesures de gestion des crédits faute de véritables réformes pérennes.» Un avertissement bien différent du constat dressé par des nombreux économistes français qui préfèrent, eux, mettre l’accent sur la nécessité de préserver la (faible) croissance économique et plaident pour un maintien des dépenses sociales, quitte à devoir recourir à de nouveaux impôts alors que la France est déjà le recordman européen en la matière: les prélèvements obligatoires y représentent environ 43% du produit intérieur brut, contre 29% en Suisse.

40 milliards, loin du compte

François Bayrou s’est donné pour objectif de trouver 40 milliards d’euros d’économies budgétaires en 2026, dans le projet de loi de finances qu’il présentera au Parlement à l’automne. 40 milliards? Les chiffres français recensés par la Cour des comptes montrent que l’effort indispensable est en réalité bien supérieur. Voici ce que disait son rapport en février 2025: «Le déficit public s’est aggravé en 2024 pour atteindre près de 175 milliards d’euros, soit 6,0 points de PIB après 5,5 points en 2023 et 4,7 points en 2022. La dette publique culmine désormais à près de 3300 milliards et les charges d’intérêt à 59 milliards. Il s’agit d’une dégradation exceptionnelle et inédite […]. L’année 2025 est déterminante pour engager l’ajustement budgétaire nécessaire que la Cour évalue à 110 milliards». Vous avez bien lu: le gouvernement s’échine à trouver 40 milliards alors que l’institution supposée contrôler le budget de l’Etat juge qu’il faudrait en trouver le triple!

Bientôt le FMI à Paris?

La suite du rapport de la Cour des comptes pourrait être inscrite sur le fronton de l’Hôtel Matignon, où François Bayrou doit s’exprimer. «Le dérapage du déficit public depuis deux ans place la France au pied du mur. Il est crucial de respecter cette trajectoire sous peine de voir la France durablement décrocher de ses partenaires européens.»

Avec cet autre avertissement, digne d’une préparation de l’arrivée du Fonds Monétaire International à Paris: «Toute année perdue supplémentaire exposerait la France, en cas de défiance soudaine de ses créanciers, à devoir procéder dans l’urgence à des ajustements brutaux et préjudiciables à la cohésion sociale.»

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