Rien de tel qu’une fin de présidence présumée catastrophique! Emmanuel Macron sait que la fin de son second mandat, en mai 2027, va immanquablement s’enliser dans les difficultés et les rivalités pour lui succéder, y compris au sein de son propre camp. Alors, autant donner rendez-vous pour plus tard. En 2032. Lorsqu’il pourra de nouveau présenter sa candidature à la présidence de la République française, puisque la constitution lui interdit un troisième mandat consécutif!
Samedi 5 juillet à Paris, le (toujours) jeune chef de l’Etat français – il est né le 21 décembre 1977 – a franchi le pas. Devant les jeunes de son mouvement rebaptisé tout simplement «Les Jeunes en marche», celui qui occupe le palais de l’Elysée depuis mai 2017 a lancé un appel sans équivoque. Et ce, à la veille d’une date symbolique: ce lundi 7 juillet, le président récupère le droit de dissoudre l’Assemblée nationale comme il l’avait fait le 9 juin 2024, plongeant le pays dans une sérieuse crise politique. Il fallait un an avant de pouvoir de nouveau appuyer sur ce bouton «nucléaire» institutionnel.
«Dans 2, 5 ou 10 ans»
Oui, s’est-il exclamé, les bras tendus, il aura bien «besoin d’eux pour dans deux ans, pour dans cinq ans, pour dans dix ans». Rendez-vous est pris: «Parce que vous serez là, et parce que comptez sur moi, je serai là avec vous. Et ensemble, on ne lâchera rien […] Merci du fond du cœur pour les dix ans qui sont devant nous.» Difficile de faire plus limpide…
Trois signes, d’ailleurs, prouvent que son futur retour au pouvoir est bien à l’agenda. Le premier? Un slogan visible derrière lui à sa prise de parole devant les jeunes qui lui restent fidèles, toujours séduits par son agenda européen, basé sur l’attractivité économique et numérique de la France: «Génération Macron.» Simple.
Brouille avec Attal
Conscient que sa forte personnalité, aussi controversée que saillante, reste son meilleur atout, l’homme qui osa donner ses initiales à son premier mouvement «En Marche» (EM) poursuit sur sa lancée personnelle, sans vouloir s’appuyer sur une autre force que celle de ses fidèles.
Second signe: sa brouille à nouveau visible samedi avec celui que beaucoup considéraient comme son dauphin, l’ancien Premier ministre Gabriel Attal (36 ans, à la tête du gouvernement de janvier à septembre 2024). Ce dernier était bien présent devant ces milliers de jeunes.
Il a même lancé sa propre campagne présidentielle, affirmant à nouveau avoir «rendez-vous avec la France». Mais son ex-patron ne lui a pas tendu la main, et il s’est bien gardé de l’inviter à ses côtés pour haranguer ses troupes. Emmanuel Macron ne partage pas. Gabriel Attal, scotché dans le bas des sondages d’intentions de vote pour 2027 avec 14% des voix, peut commencer à se faire du souci.
Oublié le bilan!
Troisième signe révélateur: Macron ne parle pas de son bilan. Il ne cherche même pas à le défendre. Et pour cause: le 15 juillet prochain, son actuel Premier ministre centriste François Bayrou doit présenter un plan très douloureux de redressement budgétaire, alors que la France est submergée par une dette proche de 115% de son produit intérieur brut, et naufragée par un déficit public record de 5,4%. Alors, parlons d’avenir.
«Si dans les deux ans qui viennent, on passe notre temps à parler de 2027, à ne rien faire, à être dans les calculs, à être dans les divisions, ce ne sera aucun d’entre nous dans deux ans», a-t-il lancé à l’intention de Gabriel Attal. Traduisez: il faut serrer les rangs. 2027 sera en mode tempête. Le Rassemblement national (droite nationale populiste) est plus que jamais en embuscade avec ses candidats Marine Le Pen ou Jordan Bardella. Mais au-delà, tout redeviendra jouable dans les urnes.
Un nom n’a pas été prononcé lors de ce meeting: celui du premier chef de gouvernement de la présidence Macron, Edouard Philippe, pourtant candidat déclaré à l’Elysée. L’actuel maire du Havre, venu de la droite, partisan d’un programme économique libéral, pourrait incarner l’héritage macroniste. Mais là aussi, la brouille personnelle a tranché.
Philippe? Trop à droite
Crédité d’environ 25% des intentions de vote, L’ex-compagnon de route d’Alain Juppé est jugé trop à droite par beaucoup de macronistes. Eux rêvent toujours du fameux «en même temps» qui permit à leur patron de s’imposer en 2017 même si sa politique depuis lors a pris nettement ses distances avec le centre gauche. Ignorer Edouard Philippe est en plus habile: s’il l’emporte, Macron ne sera pas lié par un quelconque pacte. Et s’il échoue, la porte d’un possible retour à l’Elysée sera grande ouverte…