Association de malfaiteurs
La justice envoie Sarkozy en prison, une faute grave?

La condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy à 5 ans de prison ferme avec mandat de dépôt différé et exécution provisoire soulève un tollé en France. Les juges ont-ils déraillé?
Publié: 09:25 heures
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Nicolas Sarkozy a dénoncé sa peine comme une atteinte grave à l'Etat de droit. Il a fait appel.
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Richard WerlyJournaliste Blick

Un tollé politique. Des attaques en règle contre les magistrats qui viennent, pour la première fois dans l’histoire récente de la République, de condamner un ancien président français à une peine de prison ferme, avec obligation d’être incarcéré avant le second procès en appel. Une injustice, voire une erreur judiciaire, alors que Nicolas Sarkozy a été paradoxalement relaxé de tous les chefs d’accusation (recel de détournement de fonds publics libyens, de corruption passive et de financement illégal de campagne électorale) sauf le plus grave: association de malfaiteurs.

Le jugement prononcé jeudi 25 septembre pendant près de trois heures par le tribunal de Paris dans l’affaire des fonds libyens prouve-t-il que la justice française, politisée et ancrée à gauche, a déraillé? Retour en 5 questions.

Sarkozy est-il coupable?

La réponse est oui. Le tribunal judiciaire de Paris a jugé l’ancien président français coupable «d’association de malfaiteurs». Le mot est fort, voire gravissime, surtout accompagné de cette formule: «Nicolas Sarkozy a laissé ses proches collaborateurs agir en vue d’obtenir des soutiens financiers» de la part du régime libyen. Des éléments «d’une gravité exceptionnelle» dont le but «était d’organiser une corruption au plus haut niveau possible une fois élu».

Sauf que deux points laissent perplexe et alimentent la révolte contre les juges. Le premier est la relaxe de «Sarko» des trois autres chefs d’accusation! Le second est la décision des magistrats de le condamner à la peine maximale pour le délit d’association de malfaiteurs (article 450-1 du Code pénal français), et de l’assortir d’une exécution immédiate avant le procès en appel. L’ex-président est convoqué le 13 octobre pour connaître le lieu et les conditions de son incarcération.

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Sarkozy est-il victime?

C’est sa conviction et celle de ses partisans qui renvoient toujours à l’affrontement entre l’ex-chef de l’Etat et la magistrature française, présumée ancrée à gauche et noyautée par des syndicats qui lui ont «déclaré la guerre». Cette colère est notamment dirigée contre le Parquet national financier qui a mené l’accusation, car il a été créé en 2013 sous la présidence du socialiste François Hollande.

Sauf que la loi s’applique, et que Nicolas Sarkozy affronte une tourmente judiciaire d’abord due à ses actes. Citons au moins deux autres affaires: celle des écoutes téléphoniques dans laquelle il a été condamné définitivement en 2024 à trois ans de prison dont un ferme avec détention à domicile sous bracelet électronique (porté durant le procès des fonds libyens), celle du financement illégal de sa campagne de 2012 via des fausses factures (décision de la Cour de cassation le 8 octobre).

A chaque fois, l’ancien patron de la droite française s’est dit innocent et victime de l’acharnement des juges. Ses partisans indiquent aussi que les politiques récemment condamnés sont tous de droite: Marine Le Pen (frappée d’une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire pour détournement de fonds publics), l’ancien candidat présidentiel François Fillon… La colère ne va pas tarir.

Sarkozy a-t-il raison?

La polémique judiciaire allumée jeudi 25 septembre par le jugement prononcé contre Nicolas Sarkozy dans l’affaire des fonds libyens se concentre sur deux aspects: sa condamnation à une lourde peine de 5 ans de prison ferme, et surtout l’exécution provisoire de celle-ci qui, selon l’intéressé, nie le principe de l’appel (qu’il a aussitôt interjeté) et celui du double niveau de la justice. Juste? En tout cas entendable.

L’exécution provisoire, justifiée par un arrêt de la Cour de cassation en juillet 2017, a pour objectif «l’intérêt général visant à favoriser l’exécution de la peine et à prévenir la récidive». Or peut-on imaginer, dans ce cas précis, une récidive de la part de Nicolas Sarkozy? Y a-t-il un risque qu’il quitte la France pour se soustraire à la justice? Non. Au contraire, puisque l’ancien président assume tout. Le principal argument, en défense des juges, est la fonction présidentielle qu’il occupait entre 2007 et 2012. Cette charge impliquait des responsabilités au nom du peuple français. Impossible donc, pour les magistrats en première instance, de ne pas le sanctionner en conséquence, pour servir d’exemple, compte tenu du délit commis «de nature à altérer la confiance des citoyens».

Sarkozy est-il corrompu?

Non, si l’on s’en tient au jugement prononcé jeudi. L’ancien président est relaxé du chef d’accusation de corruption, tout comme son ami de longue date, l’ancien ministre Brice Hortefeux. Ce qui n’est pas le cas de son plus proche collaborateur à l’Elysée Claude Guéant (déclaré coupable d’association de malfaiteurs, de corruption passive, de trafic d’influence passif, de faux et usage de faux, de blanchiment aggravé de corruption et de trafic d’influence), de l’intermédiaire Alexandre Djouhri qui le fréquentait beaucoup (coupable de blanchiment aggravé de fraude fiscale, de corruption active et de trafic d’influence actif) ou du banquier genevois Wahib Nacer (condamné pour complicité de trafic d’influence, blanchiment aggravé de fraude fiscale et blanchiment de corruption active).

A noter: la relaxe totale de l’ancien ministre Eric Woerth, président de l’Association de financement pour la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 et trésorier du parti de droite UMP. En clair: les juges ont estimé que l’argent libyen (entre six millions et vingt millions d’euros) a circulé. Mais ils n’ont pas pu prouver qu’il a financé la victoire présidentielle de Nicolas Sarkozy face à Ségolène Royal.

Sarkozy va-t-il être incarcéré?

A priori oui. Et sans doute, comme d’autres anciens politiques français condamnés par la justice, à la prison parisienne de la Santé, récemment réhabilitée. L’ancien président, premier ex-chef de l’Etat de la Ve République à se voir infliger une peine de prison ferme, a échappé à une incarcération immédiate, contrairement à ce qui s’est passé pour Alexandre Djouhri, l’intermédiaire autrefois résident à Genève, emmené en détention à la sortie du procès.

Nicolas Sarkozy est convoqué le 13 octobre au Parquet national financier. Sa peine de prison, qui devra intervenir dans un délai maximal de quatre mois, pourra ensuite être aménagée sous forme de port d’un bracelet électronique, comme cela a déjà été le cas. Une remise en liberté pourra aussi être négociée. Le procès en appel, dans cette affaire des fonds libyens, devrait se tenir d’ici 18 mois.

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