Il leur manque. Il reste celui qui, en 2007, c’est-à-dire il y a bientôt vingt ans, a réussi la mission impossible de la droite française: drainer vers son candidat une partie des voix de l’extrême droite. Cet homme est Nicolas Sarkozy (70 ans) aujourd’hui abonné aux affaires politico-judiciaires et aux condamnations. Il est le fantôme qui pèse ce week-end sur l’élection du nouveau président du parti Les Républicains, qu’il avait refondé en 2015.
Il leur manque, mais ils ne prononcent jamais son nom, ou presque. Les deux candidats au poste de chef de la droite traditionnelle française ne se voient pas en héritiers de Nicolas Sarkozy, dont le nom est entaché par ses nombreuses mises en examen, et par le bracelet électronique qu’il a porté ces derniers mois, avant d’obtenir sa levée conditionnelle au bénéfice de l’âge. Et pourtant! Comment ne pas voir les similitudes entre les stratégies du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau (64) et de son concurrent Laurent Wauquiez (50 ans), que les 120'000 militants des Républicains vont devoir départager par un vote en ligne à partir de ce samedi 17 mai au soir?
Résultat ce dimanche
Le résultat du vote sera connu dimanche. De ces urnes électroniques sortira le nom de celui qui, sans doute, cherchera ensuite à être le candidat de la droite à l’élection présidentielle française de mai 2027. Or pour espérer se qualifier au second tour, puis éventuellement être élu à la présidence de la République (ce dont rêvent ces deux politiciens professionnels, qui n’ont jamais exercé de responsabilités dans le secteur privé), Retailleau et Wauquiez suivent le même modèle que leur lointain prédécesseur.
En 2007, Nicolas Sarkozy avait surfé sur son expérience au ministère de l’Intérieur (sous le second mandat de Jacques Chirac) pour apparaître comme l’homme de la sécurité à tout prix. Il voulait incarner l’ordre. Il cherchait à débaucher les voix du Front national et il y était parvenu. Or vingt ans plus tard, la droite française n’a pas de stratégie de rechange.
Le RN omniprésent
La première raison pour cette absence de stratégie alternative est l’omniprésence du Rassemblement national (successeur du FN) dans le débat. Le parti dirigé par Marine Le Pen est la première formation politique du pays. La droite populaire, c’est le RN. Les conservateurs d’antan n’ont donc pas d’autre choix que d’espérer lui prendre des voix pour exister. C’est ce qui a raté en 2022, lorsque leur candidate, Valérie Pécresse, a raté piteusement la marche des 5% à la présidentielle, indispensable pour être remboursée de ses frais de campagne. Faire comme le RN. Suivre le RN. Mimer le RN sur la sécurité publique ou les migrants. Le RN obsède les Républicains de 2025 comme le FN obsédait Sarko en 2007, puis en 2012.
François Fillon avait osé
La seconde raison de cette incapacité de la droite française à se réinventer est son refus de défendre une politique vraiment libérale. En 2017, son candidat François Fillon, que tous les sondages donnaient d’abord vainqueur à la présidentielle, avait eu ce courage-là. Il promettait des licenciements massifs de fonctionnaires. Il affirmait qu’il faut cesser «d’emmerder les Français» avec une pluie de normes. Il affichait aussi son catholicisme. Puis Fillon, empêtré lui aussi dans une affaire de détournement de fonds publics, a été battu. Le traumatisme demeure entier même si Laurent Wauquiez cherche, sur ce terrain économique, à se montrer plus proche des entreprises que son adversaire.
Troisième raison de l’enlisement de la droite: Emmanuel Macron. Avec habileté, l’actuel président réélu en 2022 occupe le terrain, ce qui lui vaut d’ailleurs l’amitié de Nicolas Sarkozy. Macron a fait pencher ses deux mandats à droite. Il est au centre, mais il défend l’attractivité économique de la France. Il est populaire chez les patrons comme Sarko l’était à l’époque. Macron a volé aux Républicains l’électorat de droite classique, que son ancien premier ministre Edouard Philippe, candidat déclaré pour la présidentielle de 2027, espère récupérer.
Sarko, tu nous manques!
Sarko, tu nous manques! C’est le refrain que Retailleau et Wauquiez devraient entonner. Mais dans les faits, les deux ont peur de ranimer le souvenir de celui qui, ces temps-ci, est en train de revenir sur le devant de la scène politique française via son fils, Louis Sarkozy (28), auteur d’un récent livre sur «Napoléon, l’Empire des livres» (Ed. Passés composés). Souvent invité à la télévision, l’intéressé envisage dit-on de se présenter aux municipales de 2026 à Menton, une commune de la Côte d'Azur à la frontière italienne. Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez, tous deux coincés entre le RN et Macron, devraient-ils se méfier de cet héritier devenu adulte aux Etats-Unis sous la première présidence de Donald Trump?