Un commentaire de Richard Werly
L'affaire Bétharram n'en finira pas de tuer Bayrou

Cinq heures durant ce mercredi, le Premier ministre français a fait face aux députés sur l'affaire Bétharram. En guise de défense, il les a accusés. Une posture qui va continuer de lui coûter cher politiquement, estime notre journaliste Richard Werly.
Publié: 14.05.2025 à 23:14 heures
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Durant 5 heures, le premier ministre français a répondu aux questions des députés.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

François Bayrou n’en finira pas d’être soupçonné d’avoir fait au moins preuve de négligence dans l’affaire des violences scolaires et sexuelles de l’établissement catholique privé de Bétharram.


Tel est le sentiment qui se dégage des 5 heures d’audition, mercredi 13 mai, du Premier ministre français devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale. A chaque fois, ce dernier a mis en doute la crédibilité des témoignages et les affirmations des «lanceurs d’alerte». Et à chaque fois, ses propres souvenirs se sont avérés trop flous pour être convaincants.

Très longue audition

François Bayrou avait eu tout le temps de se préparer à cette très longue audition. Or l’impression donnée par le chef du gouvernement français est celle d’un politicien avant tout désireux de sortir du viseur. Pour conclure, François Bayrou a évoqué une responsabilité collective. «On a tous une part de responsabilité, tous, quel que soit le département dont on est originaire», a-t-il déclaré, affirmant qu’il aurait préféré parler des victimes plutôt que de lui-même et de ce qu’il savait, ou pas, comme élu local du Béarn et comme ministre de l’Education entre 1993 et 1997. Or le but de son audition était inverse: il s’agissait de le confronter aux révélations qui continuent d’émerger. Ce qu’il a esquivé à chaque fois.

Deux moments de cette audition ont été particulièrement révélateurs. Le premier est intervenu lorsque le témoignage d’une ex-enseignante de Bétharram a été évoqué. Elle fut l’une des rares, à la fin des années 90, à dénoncer ce qui se passait dans cet établissement catholique. François Bayrou a répondu en l’accusant d’affabulation, citant des dates et des présumées inexactitudes dans son récit. Ce que l’intéressée a aussitôt démenti, en citant des faits non évoqués par le Premier ministre.

Mémoire défaillante

Le second moment de vérité a eu lieu lorsque François Bayrou s’est vu interrogé sur sa venue à Bétharram, où certains de ses enfants ont été un temps scolarisés, dont sa fille qui affirme maintenant avoir été victime de violences. S’est-il rendu dans le lycée? Il ne se souvient pas. «Je suis entré, paraît-il, pour inaugurer un gymnase […], pour inaugurer le toit de la chapelle qui avait été réparé avec des crédits de l’Etat […]. Peut-être ma mémoire me trahit-elle.» Là aussi, le flou entretient le doute.

François Bayrou a enfin dérapé lorsqu’il a accusé les députés de la commission d’enquête de vouloir «le coincer» pour «l’obliger à démissionner». «Vous ne m’avez interrogé que sur moi, sur ma responsabilité, sur ce que j’avais fait ou pas fait, sur le soupçon d’être intervenu – soupçon insupportable – dans l’affaire pour protéger des pédocriminels. Toute l’audition a tourné autour de ça», a-t-il regretté. Quid, alors, de la recherche de vérité? Quid des soupçons légitimes vis-à-vis d’un notable comme lui, catholique et enraciné dans son terroir béarnais où se trouve Bétharram? Ramener cela à un règlement de comptes politique, vu l’émoi national suscité par cette affaire, ne tient juste pas.

Candidat à la présidence

Le chef du gouvernement français est, on le sait, candidat potentiel à la présidence de la République en 2027. Il a beaucoup donné de leçons dans sa carrière politique, dont certaines très justes sur l’endettement par exemple. Il souhaite un référendum sur les finances publiques, ce qui est une bonne idée, sur laquelle Emmanuel Macron reste ambigu. En bref, François Bayrou s’est toujours montré exigeant avec les autres.

En reprochant aux députés de l’être avec lui, le voici obligé d’être sans cesse sur la défensive. Ce qui risque d’inciter encore plus de victimes, de témoins, de journalistes et d’activistes, à fouiller cette affaire sordide. Une affaire bien partie pour continuer de miner sa crédibilité. Et peut-être de le tuer politiquement.

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