Coupable, mais pas corrompu
Pour la justice française, Sarkozy est un malfaiteur à emprisonner

C'est le mot qui fait mal. Nicolas Sarkozy a été reconnu coupable par la justice française «d'association de malfaiteurs». Il est relaxé des autres chefs d'accusation. Mais pour l'ancien président, le choc reste très rude.
Publié: 12:14 heures
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Dernière mise à jour: 13:08 heures
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Nicolas Sarkozy a été reconnu coupable d'association de malfaiteurs par la justice française ce jeudi 25 septembre.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Nicolas Sarkozy (70) , condamné à 5 ans de prison avec mandat de dépôt différé, c'est-à-dire un passage imminent en prison, avant le procès en appel. Un choc pour la République. Et la fin d'un feuilleton qui empoisonnait la politique française depuis vingt ans.

Nicolas Sarkozy n’est pas seulement le premier président français à avoir été condamné à trois ans de prison ferme (pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire des écoutes téléphoniques en mai 2023) et à avoir porté, pour cette raison, un bracelet électronique pendant plusieurs mois. L’ancien président français est désormais le premier ex-chef de l’Etat à être reconnu coupable d’association de malfaiteurs. Malfaiteur: un mot dont les synonymes, dans le langage courant, sont délinquant, criminel ou truand. Soit une accusation gravissime pour un responsable politique qui joue toujours le rôle de parrain de son camp, à savoir la droite traditionnelle.


Le tribunal judiciaire de Paris a prononcé, ce jeudi 25 septembre, ses peines à l’issue du procès de douze coaccusés dans l’affaire dite des fonds libyens, qui s’est tenu entre janvier et avril 2025. Nicolas Sarkozy en était la «vedette», aux côtés de plusieurs de ses proches dont l’ancien ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux et l’ex-Secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant.

Relaxé des autres chefs d’accusation

L’ex-président avait été mis en examen pour association de malfaiteurs, corruption passive, détournement de fonds publics (libyens) et financement illicite de sa campagne électorale victorieuse de 2007. Il a été relaxé de ces derniers chefs d’accusation. Mais sa condamnation pour association de malfaiteurs fait très mal. En droit français, ce délit est défini par l’article 450-1 du Code pénal. Il désigne quiconque a participé «à un groupement d’individus formé en vue de la préparation d’un ou plusieurs crimes ou délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement».

Dans le cas des fonds libyens, le verdict est amer: «L’association de malfaiteurs que le tribunal a examinée avait pour but de préparer une corruption active et son blanchiment» a tranché le tribunal, estimant que sous l’autorité et pour le compte de Nicolas Sarkozy, qui ne pouvait l’ignorer, ses deux plus proches collaborateurs, Claude Guéant et Brice Hortefeux, ont négocié dès 2005 avec les Libyens un possible financement de la campagne et une aide au retour de la Libye dans le concert des nations.

Il est certain que Nicolas Sarkozy fera appel de ce jugement en première instance. Il est aussi certain que l’ex-chef de l’Etat répétera, devant les médias, qu’il est innocent et que la justice poursuit une guerre contre lui. «Ça fait 13 ans que je vis avec ça, 13 ans que j’ai sur les épaules le poids de cette infamie avait-il déclaré lors des audiences. J’ai eu l’impression qu’on était parti du postulat ''Sarkozy coupable''. Le Parquet national financier a agrégé petit à petit des éléments disparates pour ne pas perdre la face». Restent les faits qui ont justifié cette condamnation. Et ils vont peser lourd pour la suite de la vie publique de «Sarko», comme on le surnomme toujours.

Réseau opaque et mafieux

«Association de malfaiteurs» signifie notamment que l’ancien président avait connaissance du réseau opaque et mafieux mis en cause dans l’acheminement de fonds libyens (la somme la plus souvent évoquée est six millions d’euros) vers la France, via des proches du défunt colonel Kadhafi dans les années 2005-2007. Le mot «malfaiteur» signifie également que Nicolas Sarkozy savait que les interlocuteurs de ses proches étaient directement impliqués dans l’attentat perpétré par les services secrets libyens contre un avion d’UTA qui avait coûté la vie à 170 personnes en 1989. On peut aussi en déduire que l’ex-chef de l’Etat avait connaissance de tout cela lorsqu’il a choisi d’inviter le dictateur de Tripoli en grande pompe à Paris, au début décembre 2007, moins d’un an après son élection à la présidence de la République.

Pourquoi la guerre en Libye?

Les interrogations sur les motifs qui ont poussé Nicolas Sarkozy à soutenir militairement la rébellion libyenne en 2011, jusqu’à la chute et à la mort de Kadhafi le 20 octobre 2011, se retrouvent également relancées par cette condamnation. Et si l’ex-président avait, ainsi, cherché à couvrir les traces de ses méfaits et des agissements délictueux de ses proches? «Association de malfaiteurs»: ce terme est assuré de coller avec le nom de Sarkozy que son fils, Louis, porte aujourd’hui à nouveau en politique, candidat aux prochaines élections municipales à Menton, dans les Alpes-Maritimes.

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