«Jupiter» a disparu. Plus question, aujourd’hui, d’utiliser ce surnom pour désigner Emmanuel Macron, ce président français plus affaibli que jamais par la crise que traverse son pays. Une crise dont plus de 70% de ses compatriotes, selon les sondages, le jugent responsable, notamment à cause de sa dissolution hasardeuse de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024.
Pour l’heure, ce mercredi 8 octobre, la paralysie règne au sommet de l’Etat français. Le Premier ministre démissionnaire Sébastien Lecornu poursuit d’ultimes négociations dans le but prioritaire de voir comment un budget 2026 pourrait être adopté par les députés, afin d’éviter un retour aux urnes. Sauf que d’autres acteurs, à commencer par le Rassemblement national (premier parti de France) veulent que les Français puissent revoter au plus vite. Qui perd? Qui gagne? Voici le baromètre de la tempête politique tricolore.
Le budget, qui en veut?
A vrai dire, personne! La preuve: le projet de budget préparé par l’ancien Premier ministre François Bayrou, contraint de démissionner après un vote de défiance massif des députés le 8 septembre, n’a même pas été examiné. Il contenait, pour rappel, 44 milliards d’euros d’économies, alors que la dette publique française culmine à un record de 3345 milliards. Sauf que le pays a besoin d’un budget et que plusieurs forces politiques n’ont pas intérêt à retourner tout de suite aux urnes. La droite traditionnelle (Les Républicains), le bloc central pro-Macron et les socialistes sont ceux que Sébastien Lecornu peut encore convaincre de voter un projet de loi de finances, ou en tout cas de ne pas en empêcher l’adoption par une motion de censure. A condition, bien sûr, que l’exécutif fasse des concessions qui permettent à ces partis de justifier leur choix devant leurs électeurs. La droite ne veut pas de nouveaux impôts. Le PS veut l’abandon de la réforme des retraites. Deal?
La dissolution, qui la demande?
Emmanuel Macron a déjà utilisé cette arme fatale que lui confère la Constitution. Il a dissous l’Assemblée nationale le 9 juin 2024, à l’issue de la défaite de son parti aux élections européennes. Personne, alors, ne demandait le retour aux urnes. Un an et demi plus tard, changement radical! Le Rassemblement national (RN, droite nationale populiste) et la France Insoumise (LFI, gauche radicale) veulent que les Français revotent au plus vite. Le RN est en particulier persuadé de pouvoir, cette fois, atteindre une majorité presque absolue (il faut 289 députés sur 577). L’incertitude plane sur les socialistes qui, désormais divorcés de LFI, pourraient payer cher de nouvelles législatives. Lesquelles, selon «Le Canard enchaîné», pourraient avoir lieu les 16 et 23 novembre si Macron prononce une seconde dissolution. Le PS semblait jusque-là en mauvaise posture. Mais des sondages montrent qu’il se requinque. Marine Le Pen, en tout cas, serait sans doute la grande gagnante.
La démission, qui veut la provoquer?
Le parti le plus résolu à forcer Emmanuel Macron à démissionner un an et demi avant la fin de son second mandat, en mai 2027, est La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Logique: le leader de la gauche radicale, déjà candidat trois fois à la présidentielle, brûle à 74 ans de repartir en campagne. Pour ce faire, LFI a même déposé ce mercredi 8 octobre une motion de destitution du chef de l’Etat sur le bureau de l’Assemblée nationale, comme le prévoit l’article 68 de la Constitution. Laquelle a aussitôt été jugée irrecevable. Mais attention: un nouveau partisan d’un départ anticipé du président s’est dévoilé cette semaine, l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, déjà candidat pour la présidentielle 2027. Ce dernier, maire du Havre, propose à Emmanuel Macron – auquel il doit beaucoup – d’annoncer son retrait après l’adoption d’un budget, donc autour du printemps 2026. Le Pen (tout comme son protégé Jordan Bardella), Mélenchon et Edouard Philippe sortiraient gagnants, si Macron abdique. La patronne du RN a toutefois une épée judiciaire au-dessus de la tête: sa condamnation à 5 ans d’inéligibilité avec exécution immédiate prononcée en première instance le 31 mars. Le procès en appel est prévu en janvier.
Le référendum, qui le souhaite encore?
C’est fini! Ou presque. Plus personne ne souhaite l’organisation d’un référendum, alors que deux tiers des Français interrogés dans les sondages réclament d’être davantage consultés et plaident pour plus de démocratie directe. Personne, en tout cas, parmi les chefs de partis, même si Marine Le Pen en défend toujours l’utilité sur l’immigration. Une pétition est d’ailleurs en ligne, avec près de deux millions de signatures, pour réclamer une telle consultation populaire. Son promoteur est l’ancien ministre de droite dure Philippe de Villiers. Emmanuel Macron, lui, n’en parle plus même s’il avait promis de consulter les Français lors de ses vœux du 31 décembre 2024. Pourrait-il choisir cette option, par exemple pour modifier le mode de scrutin? Possible. Mais gare. A coup sûr, un référendum se retournerait contre lui car, en France, l’on vote souvent pour ou contre le président, et pas pour la question posée.
Le statu quo, qui en profiterait?
Un homme voudrait bien que tout recommence comme avant: Emmanuel Macron. Pour le président élu en mai 2017 et réélu en avril 2022, l’essentiel est de terminer son second mandat. Il a d’ailleurs répété qu’il ne démissionnerait pas avant celui-ci. Problème: la situation à l’Assemblée nationale semblait jusque-là sans issue. Et la démission de trois Premiers ministres successifs (Michel Barnier en décembre 2024, François Bayrou en septembre 2025 et Sébastien Lecornu ce lundi 6 octobre, moins de quinze heures après avoir dévoilé son gouvernement) donne de la France l’image d’un pays instable et fragilisé. Un accord sur le débat budgétaire permettrait de calmer le jeu. Macron resterait très fragile. Mais les partis de gouvernement traditionnels (Les Républicains et le PS) pourraient en tirer profit.