Emmanuel Macron a cinq scénarios sur la table de son bureau au palais présidentiel de l’Elysée après la démission surprise de son Premier ministre. Problème: aucun d’entre eux ne lui garantit qu’il pourra terminer tranquillement son second mandat, qui s’achève en mai 2027.
Renommer un Chef du gouvernement pour succéder à Sébastien Lecornu, qui vient de démissionner lundi 6 octobre dans la matinée, moins de 15 heures après avoir été nommé? Ou dissoudre de nouveau l’Assemblée nationale? Ce lundi, le président français a demandé au Premier ministre démissionnaire de l'épauler, en menant «d'ici mercredi soir d'ultimes négociations» pour la stabilité du pays. Faute de quoi Emmanuel Macron a promis de «prendre ses responsabilités» en cas de nouvel échec.
Vu de Suisse, voici les cinq sorties de crise possibles. Le président français n’a pas encore communiqué depuis le départ de son Premier ministre. Il pourrait s’exprimer dans les heures qui viennent.
Scénario 1: Un Premier ministre pour le budget
C’est le scénario dit «technique». Emmanuel Macron abandonne l’idée d’un gouvernement de coalition, capable de rassembler les partis traditionnels de gouvernement autour d’une plateforme commune. Il désigne donc un haut fonctionnaire sans affiliation politique, ou une personnalité respectée sortie du champ politique. Avec pour seule mission d’avancer sur la discussion budgétaire, de rassurer les partenaires européens de la France et d’apaiser les marchés financiers.
C’est le scénario «à la Draghi» pour comparer la France avec l’Italie où l’ex-patron de la Banque centrale européenne a dirigé le gouvernement du 13 février 2021 au 22 octobre 2022. Différence de taille: Mario Draghi avait préalablement reçu le soutien de l’ensemble des partis politiques italiens pour mettre leurs luttes entre parenthèses. Ce n’est absolument pas le cas en France.
Scénario 2: L’obstination politique
C’est le scénario de la lutte finale. Une fois encore, le président tente de passer en force, en nommant à la tête du gouvernement une personnalité politique de son camp, ou en confiant les clés du camion gouvernemental à une personnalité de gauche modérée. Dans le premier cas, l’échec semble assuré.
Macron pensait que Sébastien Lecornu, fin négociateur, y parviendrait. Echec cinglant. Peut-il renommer une personnalité de droite, comme Barnier, Bayrou ou Lecornu? Peu probable. L’autre option serait de renverser la table en nommant un premier ministre venu du Parti socialiste (PS) ou adoubée par ce parti. Sauf que les Républicains, parti de droite, ont déjà dit non. L’impasse politique semble certaine.
Scénario 3: Le retour aux urnes
C’est le scénario que réclame Marine Le Pen, patronne du Rassemblement national. Elle l’a encore répété ce lundi 6 octobre, après la démission de Sébastien Lecornu.
C’est aussi ce que souhaite la gauche radicale de Jean-Luc Mélenchon. Il s’agirait de la solution la plus démocratique, facile à comprendre et incontestable. Les Français voteraient d’ici deux mois, avant les élections municipales prévues en mars 2026. Autre option: patienter avec un gouvernement «en affaires courantes» jusqu’à ce moment-là, et tenir les deux scrutins ensemble.
Scénario 4: Le big bang de la démission
C’est le scénario que beaucoup d’admirateurs du Général de Gaulle et de la Ve République jugent le plus conforme à l’esprit de la Constitution. Puisque Emmanuel Macron n’a plus de majorité et qu’il a perdu les législatives de juillet 2024, organisées suite à «sa» dissolution de l’Assemblée nationale, le président de la République doit en tirer les conséquences.
Ses trois Premiers ministres successifs ayant échoué depuis septembre 2024, le président doit, selon ses analystes, remettre en jeu son mandat. La conduite de l’Etat serait alors assurée par intérim par le président du Sénat, jusqu’à la prochaine présidentielle, au plus tard dans un mois et demi. En clair, c’est l’option nucléaire. Mais en France, personne n’y croit.
Scénario 5: Le départ forcé
Ce scénario est celui qu’Emmanuel Macron et la plupart des responsables politiques veulent éviter. Un seul homme agite cette possibilité: le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier a demandé que la procédure de destitution du président français par le Parlement soit engagée.
Une tentative qui fait beaucoup de bruit, mais qui est vaine, car il est sûr qu’elle ne recueillera pas aujourd’hui la majorité. Le demander sans cesse, c’est mettre une cible politique sur l’Elysée. Et faire comprendre à Emmanuel Macron qu’il est fini, un an et demi avant le terme de son mandat.