A nouveau Premier ministre
Macron renomme le kamikaze Lecornu sur un champ de ruines

Le président français a choisi l'une des options les plus risquées pour diriger la France: renommer Sébastien Lecornu, le Premier ministre qui avait démissionné lundi 6 octobre. Un théâtre politique sur un champ de ruines.
Publié: 10.10.2025 à 22:55 heures
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Dernière mise à jour: 10.10.2025 à 23:10 heures
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Sébastien Lecornu se succède à lui-même après avoir démissionné le 6 octobre, moins de quinze heures après la formation de son gouvernement.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Un kamikaze sur un champ de ruines. L’image décrit bien la situation à laquelle va se retrouver confronté Sébastien Lecornu, renommé Premier ministre français par Emmanuel Macron ce vendredi 10 octobre. Une nomination dont les circonstances disent le caractère très périlleux: c’est à 22h00, par un communiqué de deux lignes, que la présidence de la République a annoncé la reconduction de l’ex-chef du gouvernement. Lequel avait démissionné avec fracas lundi 6 octobre, à la suite d’une guerre interne entre deux ministres: celui de l’Intérieur, Bruno Retailleau, et celui nommé à la Défense, Bruno le Maire.

Au final? Une semaine de désolation et de confusion politique maximale ponctuée, vendredi, par une réunion des partis supposés soutenir, ou du moins ne pas censurer, le futur Premier ministre dont le nom n’était pas encore connu. Et une annonce qui confirme le champ de ruines qu’est devenue la politique française.

Le retour de Lecornu

Sébastien Lecornu, de nouveau Premier ministre, va devoir maintenant former un gouvernement, et faire des concessions à chacun des partis conviés au palais de l’Elysée dans l’espoir qu’ils ne joindront par les voix de leurs députés aux motions de censure que déposera à coup sûr la coalition d’opposition improbable constituée par le Rassemblement national (RN, droite nationale populiste) et La France Insoumise (LFI, gauche radicale).

On vous explique tant cela peut paraître fou. A l’issue des législatives de juillet 2024, consécutives à la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par Emmanuel Macron au nom de la «clarification», les électeurs français ont privé le président d’une majorité. Il ne lui reste, depuis un an et demi qu’un «socle commun» allant de la droite traditionnelle aux centristes, soit un maximum de 210 députés sur 577.

Premiers ministres censurés

Conséquence: deux Premiers ministres successifs ont été forcés à démissionner en un an, parce que les oppositions avaient joint leurs forces et voté pour leur rejet à la majorité absolue. Le gaulliste Michel Barnier a chuté début décembre 2024. Le centriste François Bayrou a chuté début septembre 2025. Tous deux préconisaient des économies budgétaires drastiques dans un pays dont la dette publique atteint le chiffre record de 3345 milliards d’euros, et dont le déficit va, cette année encore, frôler les 5%. Exit le sérieux budgétaire. La gauche sociale-démocrate a voté avec la gauche radicale et l’extrême droite. Des députés supposés appartenir au camp présidentiel ont tourné casaque. Débâcle totale.

La suite? La nomination par Emmanuel Macron le 9 septembre, d’un fidèle parmi les fidèles pour diriger le gouvernement. Sauf que ce dernier a raté. Le choix de ses ministres s’est avéré désastreux et a été récusé. Il a donc claqué la porte le 6 octobre, acceptant néanmoins une mission de consultations des principaux partis politiques. Et au final, le revoilà, après avoir laissé entendre qu’il ne souhaitait pas reprendre les rênes du gouvernement!

Pour faire quoi?

Pour faire quoi? Pour trouver d’urgence un compromis qui ne le condamnerait pas à un vote de censure. La suspension envisagée de la réforme des retraites de 2023 pour plaire aux socialistes. Des mesures sécuritaires pour plaire à la droite. Une taxation sur les riches, sous une forme ou sous une autre, pour engranger des recettes fiscales. Véritable objectif de ce qui ressemble à un convoi funéraire gouvernemental: éviter une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale avant la prochaine présidentielle de mai 2027. Et protéger surtout le président, que la droite nationale populiste et la gauche radicale, cohérent sur la nécessité d’un retour aux urnes, souhaitent voir démissionner avant la fin de son mandat.

Pourquoi le kamikaze Lecornu a accepté cette mission impossible? Parce qu’il doit tout à Emmanuel Macron. Parce qu’il pense sans doute pouvoir faire adopter un budget pour 2026 en laissant le Parlement l’amender sans retenues. Parce qu’il affirme n’avoir pas d’ambition présidentielle pour 2027. Une garantie de survie?

Aucune garantie

Non. D’abord parce que le refus d’une dissolution, c’est-à-dire d’un retour devant le peuple, ouvre un boulevard à ceux qui le réclament au nom de la démocratie, à savoir le RN et LFI. Ensuite parce que les partis supposés le soutenir restent en désaccord, notamment sur l’avenir de la réforme des retraites. Enfin parce que tous ceux qui donnent, aujourd’hui, l’impression de sauver Emmanuel Macron se retrouvent comptables de son impopularité record: moins de 14% d’opinions favorables selon les derniers sondages.

La France est prise dans la nasse d’un pari politique qui a échoué. Emmanuel Macron n’a presque plus de partisans. La décomposition de son bilan est avancée. Seules les institutions le protègent. Tandis que dans le pays, la colère monte devant cette impasse. Le kamikaze Lecornu vient de redécoller au-dessus du champ de ruines. Sauf miracle, le risque est grand de le voir bientôt s’écraser. Une trajectoire en piqué dont celui qui se définit comme un «moine soldat» du macronisme est probablement très conscient.

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